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Une solide fondation

Extrait d’un nouvel ouvrage qui porte sur la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire.

par SILVER DONALD CAMERON | 12 JAN 11

Exemple éblouissant d’efficacité, de réussite politique et de victoire sur les obstacles auxquels font face les nouveaux programmes fédéraux au Canada, la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire a aidé, au cours de sa brève existence, plus d’un million de jeunes Canadiens à financer leurs études, raconte l’auteur et éducateur Silver Donald Cameron dans son nouveau livre intitulé Un million d’espoirs : La brève et réjouissante histoire de la Fondation Canadienne des bourses d’études du millénaire.

Le livre est un récit intime des débuts, des rouages et des réalisations de la Fondation de 2,5 milliards de dollars – pierre angulaire du projet du millénaire du gouvernement de Jean Chrétien – et donne un aperçu des politiques du Canada en matière d’éducation. On y trouve aussi bon nombre de personnalités dont le directeur exécutif de la Fondation, Norm Riddell, son personnel administratif, des politiciens et des fonctionnaires fédé-raux et provinciaux ainsi qu’un informateur anonyme, que M. Cameron surnomme l’« Auguste Personnage ». L’ouvrage est parsemé de vignettes illustrant la vie d’étudiants que la Fondation a influencée.

Dans l’extrait suivant, l’auteur nous fait parcourir les étapes qui ont mené à la création de la Fondation, et nous présente le coloré directeur général de Bell Canada Entreprises, Jean Monty, qui a été président du conseil d’administration jusqu’en 2002.

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La fondation canadienne des bourses d’études du millénaire est née sous l’égide de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Le sous-ministre d’alors, Mel Cappe, assigna au dossier Robert Bourgeois, devenu depuis vice-recteur à l’administration de l’Université Laurentienne de Sudbury.

Le premier président du conseil d’administration de la Fondation, Yves Landry, chef de la direction de Chrysler Canada, était malheureusement décédé peu après avoir été désigné à ce poste. Robert Bourgeois rassembla alors à Ottawa un groupe de travail réunissant quatre ou cinq personnes pour entamer le processus ardu de sélection des membres et des directeurs de la Fondation.

« Nous voulions nous assurer d’avoir des assises dans tout le pays », explique Robert Bourgeois, soucieux d’un équilibre tant sur le plan des régions représentées, des langues, des sexes, des origines ethniques que des allégeances politiques. « Nous avons envisagé plusieurs candidats, pour lesquels nous pesions le pour et le contre, jusqu’à ce que le Bureau du Conseil privé, qui a pour mission de conseiller le premier ministre et le Cabinet, considère qu’il avait les bonnes personnes, susceptibles d’être jugées adéquates au plan national. »

Bourgeois travaillait alors avec un nouveau président du conseil, Jean Monty, chef de la direction de BCE Inc. (autrefois Bell Canada Entreprises), une des grandes figures du monde des affaires au pays. Ce dernier avait accepté le poste à la demande personnelle du premier ministre Jean Chrétien. Monty et Bourgeois demandèrent à David Smith, ancien vice-chancelier à la Queen’s University de Kingston (Ontario), de mener une consultation auprès de acteurs du monde de l’éducation du pays et de faire des recommandations sur l’équilibre souhaitable entre bourses d’études et bourses d’excellence, les critères d’admissibilité et les définitions du besoin et du mérite. Présenté en décembre 1998, son rapport révélait que toutes les personnes consultées s’entendaient sur le fait que 95 pour cent des bourses devaient être attribuées sur la base du besoin financier des étudiants et exposait quelques-uns des critères pour déterminer le besoin et distribuer équitablement les bourses selon les régions. Le rapport établissait également des balises concernant les cinq pour cent consacrés aux bourses d’excellence.

La Fondation a été incorporée en bonne et due forme en juin 1998 et a alors lancé un appel d’offres pour la gestion des 2,5 milliards de dollars qui allaient lui être transférés quelques semaines plus tard. Ce qui était pour le moins délicat, comme le rappelle Robert Bourgeois, car « vous ne pouvez pas ainsi injecter des sommes aussi importantes dans le marché sans créer des remous; aussi cela a-t-il du être fait par étapes, de telle sorte que le marché n’éprouve pas de secousses négatives ».

« Les discussions étaient fort intéressantes. Mel Cappe et Jean Monty se questionnaient par exemple sur la pertinence d’attribuer les bourses à des étudiants qui se destinaient à des champs d’activité “pratiques”, comme l’ingénierie ou le commerce. Je me souviens que Mel rétorquait avec force que la société avait aussi besoin de poètes et de philosophes et qu’on ne devrait par conséquent jamais oublier que l’éducation ne se limite pas seulement aux sciences exactes et à l’ingénierie. Son point de vue l’a finalement emporté. Et je crois que ça a été là une bonne décision. Et une autre fort bonne décision a été de consacrer la grande majorité des bourses aux étudiants qui souhaitaient entreprendre des études, afin de promouvoir ainsi l’accès. »

Robert Bourgeois rappelle à quel point « Jean Monty était un homme agréable. Son apport a été considérable. Il a fait appel au directeur des communications de BCE afin de concevoir le logo et l’image de la Fondation. Je me souviendrai toujours du moment où nous étions tous assis dans une salle de conférence et où Jean Monty nous a présenté ces gens qui étaient là avec leurs maquettes et leurs esquisses. Ce travail aurait pris des semaines, pour ne pas dire des mois, si on avait été au gouvernement. Mais Jean nous a regardé et a dit : moi ça me semble très bien, qu’est-ce que vous en dites? On passe au vote. C’est décidé! En cinq minutes, toutes les décisions étaient prises. »

C’est beaucoup grâce à l’influence de Jean Monty que la Fondation s’est installée à Montréal.

« C’était un choix stratégique, acquiesce l’Auguste Personnage. Si on avait implanté les bureaux à Ottawa, il y aurait forcément eu des gens pour dire qu’en réalité le gouvernement veillait aux grains! Et on ne va pas se le cacher : c’est clair que la Fondation devait établir des liens avec le Québec. Et comme Montréal reste le centre névralgique du Québec, même si ce n’est pas la capitale, la décision ne fut pas longue à prendre! On se retrouvait ainsi dans aucune des capitales provinciales ni à Ottawa, mais dans une ville majeure, liée à tous les grands centres du pays. De la même manière, si la Fondation comptait quatre francophones sur son conseil, ce n’était pas un hasard. Il fallait savoir manier les symboles. »

John Stubbs, autrefois recteur de l’Université Simon Fraser de Colombie-Britannique et membre du conseil depuis le début de l’existence de la Fondation, va dans le même sens : « Jean Monty était la personne idéale pour prendre les commandes. Sa nomination a été un coup de génie, d’abord à cause de son carnet d’adresses! Il était en mesure de décrocher le téléphone, d’appeler directement n’importe quel dirigeant du pays et de lui dire : on a besoin de ton appui. J’aurais aimé être un petit oiseau et voir comment il parvenait à convaincre les gens! Je n’ai jamais vu personne mener une réunion comme lui. Vite fait, bien fait! Pas de chichi! Excusez-moi Monsieur, mais on a déjà abordé cette question tout à l’heure. Une autre question? »

Le directeur des communications de la Fondation, Jean Lapierre, garde le même souvenir. « Un jour, on me demande de présenter ma stratégie de communications au conseil d’administration, mais le moment venu, il est déjà midi moins dix et Monty ne veut pas que les choses s’éternisent jusqu’après le lunch. Il me dit : peux-tu présenter ton plan en dix minutes? Si tu n’y arrives pas, tu es congédié! » Et il ne blaguait probablement pas!

Alex Usher conseillait alors la Fondation sur les politiques et se souvient que la vision de Monty était claire : « Le conseil doit être d’accord avec l’équipe. Si le niveau de confiance tombe en bas de 99 pour cent, on change l’équipe! »

Comme il s’agissait d’une agence fédérale – même si, répétons-le, elle échappait au contrôle gouvernemental –, la Fondation n’était pas totalement bienvenue au Québec. Elle a même eu de la difficulté à trouver des locaux pour se loger. C’est ainsi que Monty a d’abord hébergé la Fondation dans ses propres bureaux et a dû expliquer aux locataires de l’immeuble pourquoi des étudiants manifestaient et bloquaient l’entrée!

« Vous pouvez imaginer l’allure des premières réunions du conseil », dit Jeannie Lea, ancienne ministre de l’Enseignement postsecondaire de l’Île-du-Prince-Édouard, qui, dès le début, a siégé au conseil d’administration. « On avait ce chef de direction à la tête de notre conseil, une superstar dans son genre, et on se rencontrait toujours dans l’édifice de Bell, à Montréal ou à Toronto. Monty était l’homme du gros bon sens et il tenait son rôle à la perfection. Tout était mené si rondement qu’on n’avait pas même le temps de faire connaissance avec les autres membres du conseil! Pas de temps à perdre avec ce genre de détails! Vraiment un homme fascinant que ce Jean Monty! »

Extrait du livre Un million d’espoirs © 2010, de Silver Donald Cameron, publié chez Douglas & McIntyre, la marque de D&M Publishers Inc., et reproduit avec la permission de la maison d’édition. M. Cameron a enseigné dans quatre universités canadiennes et a été le doyen fondateur de l’école des études communautaires à l’Université du Cap Breton.

Rédigé par
Silver Donald Cameron
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