Retour en arrière : le mercredi 1er novembre dernier, la ville de Québec se réveille engourdie sous une vague de froid. Les premières chutes de neige de l’année transforment les rues en un paysage hivernal, calme et apaisant. Cependant, aux abords du stade Telus de l’Université Laval, théâtre du championnat de rugby féminin U SPORTS 2023, une effervescence inhabituelle se ressent, contrastant avec la quiétude de la soirée.
À compter de 18 heures, une foule diverse, animée par la passion sportive, converge vers le stade pour assister au match opposant le Rouge et Or, l’équipe hôtesse représentant l’Université Laval, aux Thunderbirds de l’Université de la Colombie-Britannique. L’atmosphère évoque celle des plus grands événements sportifs, rassemblant jeunes et moins jeunes et créant une ambiance bon enfant. Les vendeurs ambulants proposent des boissons chaudes, contribuant à cet enthousiasme débordant.
La soirée glaciale devient le théâtre d’une passion commune, unissant la ville dans une célébration sportive chaleureuse. Alors que le froid pique les joues, les joueuses des deux équipes s’échauffent à quelques mètres de là. Elles sont motivées avant tout par le nombre impressionnant des spectateurs et spectatrices venu.e.s les encourager, poussé.e.s par les nombreux appels émis sur les réseaux sociaux par le compte officiel de l’équipe mais aussi par la classe politique québécoise, dont notamment le premier ministre du Québec, François Legault. Le Rouge et Or souhaitait dépasser le record de 3 200 spectatrices et spectateurs en sol québécois, établi lors d’un match de leurs consœurs de l’équipe de volleyball en février dernier. À l’échelle nationale, c’est l’Université St. Francis Xavier en Nouvelle-Écosse qui détient le record en rugby universitaire féminin, soit 5 300 spectatrices et spectateurs, et ce, depuis 2012, tandis que le record canadien pour le sport universitaire féminin dans son ensemble est de 10 780 personnes enregistrées lors d’un match de basketball entre l’Université Carleton et l’Université d’Ottawa en 2015, selon des données compilées par Radio-Canada.
Objectif atteint : au cours du match, on annonce dans les haut-parleurs que 3 577 personnes suivent la partie dans les gradins : un chiffre n’ayant jamais été atteint auparavant dans l’histoire du sport universitaire féminin au Québec.
Et cette foule n’allait pas rentrer chez elle bredouille : après avoir été mené durant une bonne partie de la rencontre, le Rouge et Or a réussi à renverser la tendance dans les 10 dernières minutes en s’imposant 7-5, grâce au seul essai de l’équipe réalisé par la joueuse numéro 7, Léa Ouellet. « Vous m’interviewez moi mais c’est une victoire de toute l’équipe », déclare-t-elle à l’issue de la rencontre, au milieu de l’euphorie qui régnait sur le terrain.
Dès la fin du match, les membres des familles et proches des athlètes se sont empressé.e.s aux abords de la pelouse pour les saluer, se mêlant à la dizaine de journalistes venu.e.s recueillir des réactions à chaud. « C’était du bon stress, reconnaît Mme Ouellet. On savait quoi faire, on a joué notre jeu : conserver le ballon et ne pas faire d’erreur. On a joué comme on joue d’habitude. »
« C’est vraiment agréable de voir autant de gens qui soutiennent le sport féminin », ajoute-t-elle, en les remerciant chaleureusement d’être venu.e.s. « C’est vraiment un esprit de famille, l’esprit du collectif. On met notre corps sur la ligne à chaque minute. C’est la raison pour laquelle j’aime ce sport. »
« Je viens de Victoriaville, et il y a plein d’autobus des écoles secondaires de Victoriaville qui se sont déplacés à Québec pour voir le match. Cela me touche beaucoup. Dans mon école secondaire, on a fait de la publicité pour qu’on vienne voir le match », déclare la joueuse Laurence Chabot. « À Québec, tu grandis avec le Rouge et Or, tu parles du football, tu viens voir le basket, le volley. Nous à Victo, on n’a pas ça. Le fait de savoir qu’il y a des jeunes qui sont venu.e.s voir ça aujourd’hui, c’est ce qui me touche le plus. » Elle a d’ailleurs profité de l’occasion pour leur adresser un message : « Faire du sport c’est important, surtout chez les filles. Depuis la COVID, il y a une baisse de la pratique du sport surtout chez les jeunes filles. C’est important de bouger, peu importe ce que vous voulez faire. »
Pour la joueuse portant le numéro 3, Cloé Maranda, une équipe de rugby, c’est aussi une communauté. « C’est un sport d’équipe très intense. Il faut être capable de rester ensemble et se pousser vers le haut, explique-t-elle. Jouer devant une telle foule, c’est touchant pour le sport féminin. C’est beau de voir que le rugby féminin peut toucher autant de monde. »
Quatre jours plus tard, le Rouge et Or mettra la main sur le trophée du Championnat canadien pour la troisième fois depuis 2019.