On estime que 25 millions d’oiseaux meurent chaque année au Canada après avoir heurté une fenêtre. Si les résidences privées et les immeubles de faible hauteur sont responsables de la plupart de ces décès, nombre de volatiles périssent aussi sur les campus universitaires. De plus en plus conscientes du problème, plusieurs universités au pays sont passées à l’action pour pallier ce problème.
En 2019, l’Université York a été l’une des premières au Canada à installer une pellicule de prévention aux fenêtres de bâtiments clés. L’initiative est le résultat d’une campagne de sensibilisation de trois ans dirigée par la professeure de biologie Bridget Stutchbury et ses étudiant.e.s. La spécialiste explique que la vulnérabilité des oiseaux vient du fait que leur environnement naturel ne comporte pas de vitres. Ainsi, ils peuvent être leurrés par les reflets d’arbres et de plantes sur les fenêtres, et s’envoler vers leur mort en tentant de les atteindre.
Si Mme Stutchbury estime qu’environ 2 000 oiseaux perdent la vie chaque année dans de telles collisions sur le campus Keele de Toronto, elle a quand même dû fournir des preuves concrètes aux dirigeant.e.s de l’Université pour les convaincre d’agir. « Mes étudiant.e.s aux cycles supérieurs ont passé des centaines d’heures à ramasser et répertorier les oiseaux décédés. Nous avons ensuite dit à la direction : “Voici le nombre exact d’oiseaux qui sont morts, et voici leurs photos.” »
L’Université a réagi en déboursant 90 000 dollars pour l’achat et l’installation d’une pellicule à motif pointillé aux fenêtres des cinq bâtiments du campus les plus susceptibles de causer des collisions. Depuis, de tels motifs ont été ajoutés à deux autres édifices.
« Les motifs ont fait toute la différence », indique Mme Stutchbury. À l’automne 2019, avant leur installation, la professeure avait recensé 68 décès ou blessures d’oiseaux dans quatre lieux dits « à risque ». Après l’installation des pellicules, son équipe n’a rapporté qu’un seul décès d’oiseau aux mêmes endroits.
À l’Université d’Ottawa, une collaboration entre le Bureau du développement durable de l’établissement et Ailes en sûreté Ottawa – une initiative visant à réduire la mortalité des oiseaux qui se heurtent aux vitres par la recherche, la prévention et le sauvetage – a poussé l’établissement à modifier les fenêtres des bâtiments du campus pour assurer la sécurité des oiseaux. Des panneaux de verre gravé ou fritté, sécuritaires pour les oiseaux ont été ajouté aux nouveaux bâtiments et les fenêtres de certains anciens bâtiments ont été améliorées. Jonathan Rausseo, gestionnaire principal au Bureau du développement durable de l’Université d’Ottawa, indique que son équipe et des étudiant.e.s bénévoles ont consacré plusieurs années à évaluer les meilleurs moyens de rendre les fenêtres des anciens bâtiments plus sécuritaires.
« Nous avons passé beaucoup de temps dans les méandres administratifs de l’Université, à faire approuver nos concepts et à mettre à l’essai différentes méthodes », explique-t-il. L’option choisie a finalement été celle de murales réalisées par des artistes-étudiant.e.s de la région et un groupe de bénévoles, qui ont tracé sur les fenêtres des illustrations au feutre blanc. « C’est l’option la plus rapide et la plus économique », indique M. Rausseo.
La première de ces murales de l’établissement, représentant des plantes et des oiseaux, a été peinte en 2021 sur les panneaux d’une passerelle vitrée reliant deux édifices. Une deuxième murale, représentant cette fois-ci des systèmes énergétiques alternatifs, a été ajoutée en 2022 à la passerelle de verre menant au bâtiment de génie. Les deux endroits ont été choisis en raison du grand risque de collision qu’ils posent. Une troisième murale sera bientôt peinte sur un autre site.
« Je suis satisfait de notre travail, soutient M. Rausseo. À tout le moins, ces murales ont permis de réduire en grande partie les collisions qui survenaient avec les fenêtres situées au premier et au deuxième étage sur le campus. Les études démontrent que c’est là où le nombre de collisions est le plus élevé, en raison du reflet des arbres et des plantes. »
En réponse aux résultats effarants d’une enquête réalisée par Krista De Groot, une biologiste du Service canadien de la faune chez Environnement et Changement climatique Canada, l’Université de la Colombie-Britannique a de son côté établi que tout nouveau bâtiment comportant des panneaux de verre devait prévoir des dispositifs pour prévenir les collisions avec les oiseaux. En effet, l’étude a révélé que, sur une période de 225 jours, 152 oiseaux ont péri après avoir heurté un des huit bâtiments du campus sélectionnés aléatoirement. Étant donné que le campus de Vancouver compte 224 bâtiments similaires, le taux annuel de mortalité des oiseaux pourrait en réalité s’élever jusqu’à 10 000.
Selon le plan d’action pour des bâtiments durables adopté par l’établissement en 2018, chaque nouveau bâtiment se doit d’être pensé pour la sécurité des oiseaux. La politique est entrée en vigueur en 2020 pour les nouveaux bâtiments universitaires et administratifs, et s’appliquera aussi à toutes les nouvelles constructions résidentielles d’ici 2025.
« L’Université de la Colombie-Britannique collabore également avec des partenaires internes et externes par l’entremise du programme de développement durable SEEDS, qui consiste à surveiller les collisions d’oiseaux sur le campus. Ainsi, on peut découvrir les bâtiments les plus problématiques et les mettre progressivement à niveau », explique Penny Martyn, gestionnaire des bâtiments durables de l’établissement.
Jusqu’à maintenant, les fenêtres du pavillon du jardin botanique, du bâtiment Buchanan et du Centre Beaty pour la biodiversité ont été modifiées pour assurer la sécurité des oiseaux. Il demeure toutefois complexe pour l’établissement de financer de nouveaux projets de mise à niveau : l’un des sites envisagés, une passerelle suspendue, est composé de 170 panneaux de verre.