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Conseils carrière

Esquisses doctorales : récit d’un voyage au troisième cycle

Un guide utile pour les personnes réfléchissant à se lancer dans un doctorat.

par MARCO ROMAGNOLI | 24 JAN 24

Écoutant du jazz et plongé dans les post-PhD blues, j’écris quelques lignes sur mon parcours doctoral récemment achevé. Mon intention est de fournir un guide pour « la trousse du doctorant ou de la doctorante », le tout concrétisé par des exemples tirés de mon expérience personnelle. L’objectif de ce texte est donc d’orienter les camarades marin.e.s dans cette aventure sur l’océan du troisième cycle universitaire.

Peu d’espace et beaucoup à dire, mais la recherche nous apprend à synthétiser et à articuler nos pensées en quelques phrases. Je diviserai ce texte en trois phases (avant, pendant et après le doctorat), chacune étant rythmée par des métaphores : pour la préparation au doctorat, je choisis l’image du marathon; pour la phase qui se concrétise pendant le doctorat, j’opte pour la parole; enfin, pour l’après-doctorat, j’utilise la boussole. Ne vous attendez pas à des réponses toutes faites, mais plutôt à des réflexions et des questionnements.

Avant : le marathon

Si nous voulons participer au marathon de Boston, il faut respecter des critères de qualification minimaux en fonction de l’âge, du sexe et du genre (par exemple, une femme entre 18 et 34 ans doit avoir déjà couru un marathon complet dans le temps limite de 3 heures et 30 minutes). Il est évident qu’avant de courir un marathon, il faut se préparer. De même, la personne qui souhaite commencer un doctorat devrait d’abord se demander pourquoi elle fait ce choix. Bien que j’aime étudier et apprendre, je n’avais aucune idée de ce que signifiait « faire de la recherche ». J’avais cependant des idées claires sur où je voulais me situer professionnellement : l’admission au doctorat en ethnologie et patrimoine à l’Université Laval a été pour moi une porte d’entrée au Canada, un pays où je voulais vivre depuis mon enfance.

Revenons à nous et au « pourquoi ». Parmi les questions, je poserais : qu’est-ce qui me pousse à commencer un doctorat? Cette motivation résistera-t-elle à l’épreuve du temps et des difficultés? À quoi peut me servir un diplôme de troisième cycle sur les plans professionnel et personnel? Quel objectif veux-je atteindre? Peut-être devenir professeur.e d’université, est-ce un défi personnel pour le simple plaisir de la compétition, ou rêvons-nous de découvrir un nouveau pays avec sa langue et sa culture. Si vous avez au moins une esquisse de réponse à ces premières questions – il est également permis de laisser place à l’aventure, un peu comme la carte du Mat dans les tarots –, continuez avec d’autres questions, comme dans les renvois d’un questionnaire : comment puis-je financer les prochaines années d’études (travail à temps partiel, bourses d’études, contrats à l’université, économies personnelles…)? Comment puis-je organiser mes espaces de vie (professionnel, personnel et familial)? À qui puis-je demander des conseils, qui peut me soutenir, et qui peut m’offrir les deux?

Le doctorat n’est pas un sprint, c’est un marathon. Vous pouvez vous préparer au mieux et avoir tout de même des ennuis, vous pouvez ne pas être convaincu.e.s, mais finir inopinément sur le podium, le risque de blessures psychologiques est réel, disons-le clairement. Mais si vous décidez de vous préparer au marathon et de le courir, je vous retrouve à la phase deux, celle où le pistolet de départ a déjà annoncé le début des 42 km.

Pendant : la parole

Nous sommes dans le ventre doctoral, l’achèvement du programme de troisième cycle (en moyenne cinq ans et 10 mois) donnera naissance à une thèse. Bien que la thèse devrait être la priorité pendant cette gestation, celles et ceux qui l’ont vécue savent bien que ce n’est pas le cas. Il est rare qu’on puisse se consacrer uniquement à l’écriture de la thèse (même lorsque l’on obtient un financement). Plusieurs stimuli et engagements de toutes sortes, du biberon aux échéances, jalonnent cette période. La mienne a duré six ans : 75 pleines lunes au cours desquelles un enchaînement cyclique d’événements (dé)plaisamment imprévus s’est matérialisé : du fait de se retrouver au bureau les dimanches à 8 heures du matin à l’obtention d’une prestigieuse bourse d’études Vanier, de la crise sanitaire mondiale de la COVID-19 à la découverte de nouveaux paysages lors de mon terrain d’études en Méditerranée.

Vient ensuite le « comment » : comment affronter au mieux ce parcours? Sur le plan universitaire, élaborez-vous un plan de travail avec des objectifs concrets et des délais pour les atteindre (cours obligatoires, temps pour la recherche, moments de repos, rédaction de la thèse, diverses activités telles que des communications scientifiques ou des publications…). Exigez ce plan de travail de votre (co)direction de recherche. Soyez discipliné.e.s et persévérant.e.s dans l’atteinte de votre objectif, sans perdre de vue ce qui vous entoure : il faut à la fois la fonction macro et celle du paysage pour conclure une thèse. Discutez de l’avancement (ou non) de votre doctorat avec votre (co)direction de recherche. Discutez-en également avec quelqu’un qui n’est pas votre (co)direction de recherche; ce sont souvent ces personnes qui voient les angles morts pendant que nous sommes occupé.e.s à courir.


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Sur le plan personnel, rassurez-vous, car vous n’êtes pas seul.e.s (même si vous vous sentirez souvent ainsi). Profitez donc de la parole : des échanges avec les collègues doctorant.e.s et des conversations légères qui vous distraient de la complexité des contenus scientifiques. Frappez à une porte pour demander conseil, à une autre pour demander de l’aide. Profitez des sorties conviviales et des cafés savourés lentement. Mais surtout, n’oubliez pas de vous apprécier vous-mêmes : non seulement vous êtes fantastiques, mais vous êtes en train de vous former pour acquérir les compétences qui font d’un chercheur ou d’une chercheuse ce qu’il ou elle est.

Le doctorat n’est pas un secret, c’est un partage. Une phrase écrite et perfectionnée, une confidence de nos péripéties universitaires, le syndrome de l’imposteur qui nous serre la gorge mais que l’on apprend à apprivoiser. Le doctorat apprend à articuler la pensée, à défendre ses idées, à se poser des questions et en même temps à multiplier les doutes. Passons maintenant à la troisième phase.

Après : la boussole

Une fois le doctorat terminé, le chemin habituel pour celles et ceux qui veulent obtenir un poste permanent à l’université est d’entreprendre un postdoctorat (puis un autre, éventuellement un troisième), et d’espérer l’ouverture et l’obtention d’un poste de professeur.e. Parfois, je me sens extrêmement optimiste en pensant représenter cette petite proportion qui deviendra vraiment professeur.e titulaire. D’autres fois, je réalise que cet optimisme n’est rien d’autre qu’une perruque posée sur la peur ou un voile cachant le doute constant de ne pas y arriver. Certains jours, je mets la perruque et d’autres jours, je porte le voile. Mais penser que la carrière universitaire est la seule option possible, et ne pas envisager de plans B, C et D (même en dehors des murs du campus), est courant.

La question à se poser cette fois-ci porte sur le « quoi » : que voudrais-je faire maintenant que j’ai terminé le (post)doctorat? Comment puis-je mettre en pratique les compétences acquises (par exemple, en pensée critique)? Comment puis-je faire ce que j’aime et devenir cette version de moi-même? Nous avons besoin d’une boussole qui, pour orienter son aiguille, nécessite une connaissance de soi, une écoute profonde et aussi (et de nouveau) une bonne dose de motivation et de scénarios possibles. J’ai récemment commencé un postdoctorat de deux ans à l’Université du Québec à Montréal, je planifie déjà un deuxième postdoctorat à la Harvard University, aux États-Unis. Mais la réalité est que je ne sais pas exactement ce que je pourrais faire si, une fois terminée l’épopée postdoctorale, aucun poste ne se présente au Québec, où je vis, et si je n’obtiens pas un poste permanent. Ce que je sais pour l’instant, c’est que la formule du travail que j’aime se résume aux ingrédients qui composent le métier de professeur.e : l’enseignement, la recherche et la relation avec les étudiant.e.s.

Ressources

De manière non exhaustive, les références suivantes sont des ressources pour avant, pendant et après le doctorat qui m’ont aidé et stimulé. Je les suggère en espérant qu’elles feront de même pour vous :

 

 

Bien sûr, une simple recherche sur Google ou dans votre librairie (universitaire) de confiance peut vous donner d’autres idées enrichies d’expériences tout aussi valables.

Vous n’êtes pas votre doctorat, le troisième cycle est une direction. Le doctorat sert à nous orienter sur bien plus de sphères de la vie que nous ne l’imaginons. Il nous permet de réaliser combien de choses nous ne savons pas, de devenir des gestionnaires habiles du temps, de la procrastination et du stress. En somme, c’est un miroir pour se voir et se connaître mieux. C’est aussi une passion, dans les deux sens du terme : la passion comme souffrance physique et spirituelle, mais aussi cet amour intense lié à la sphère émotionnelle et sentimentale. Alors, passionnons-nous.

Pour conclure, je cite la question d’une agricultrice italienne d’une immense connaissance de Mère Nature et à la plume brillante : « Combien de temps faut-il pour faire du pain? » Elle répond, aussi poétiquement que réaliste, 12 mois. « Il faut l’automne pour semer le blé, l’hiver pour le voir pousser et le printemps pour le voir haut et coiffé par le vent; il faut l’été pour le récolter et le battre. » Et ainsi de suite, pour toutes les saisons et les années à venir. Le pain est donc un chapelet, un mantra, un cycle. Quel grand exemple de labeur, de discipline et de persévérance nous offre Francesca Pachetti. Aussi pour devenir docteur.e en recherche, il faut des temporalités : un passé de marathonien.ne, un présent dialogique et un futur orienté. J’ai partagé avec vous la recette de mon pain, qui n’est pas la seule, mais c’est la miche que j’ai mastiquée pendant ces six ans. Je vous souhaite de devenir d’excellents boulangers et d’excellentes boulangères.

Bon voyage!

Marco Romagnoli est chercheur postdoctoral à l’Université du Québec à Montréal et enseignant en tourisme au Cégep de Matane. 

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