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Parole aux leaders

Remercions à profusion le gouvernement pour le financement de la science

En temps de crise comme en temps de prospérité, il n’est jamais conseillé de mordre la main qui vous nourrit.

par MARTHA CRAGO | 08 JUIN 16

Depuis plusieurs mois, on entend souvent dire que la science est de retour au Canada, ou que le pays occupe de nouveau la scène mondiale. Cela réjouit beaucoup d’entre nous. Désormais, nous pouvons écrire sans crainte sur les changements climatiques et demander du financement pour la recherche sans avoir à nous camoufler ou, pire, à censurer nos propositions.

Le changement par rapport à l’an dernier est tel que, certains jours, on a l’impression de sortir au soleil après des années passées dans l’ombre. L’hiver dernier, alors que j’assistais à Washington au congrès de l’American Academy for the Advancement of Science, j’ai entendu à quatre reprises des universitaires américains dire à propos des Canadiens : « Non seulement ils ont un ministre des Sciences, mais c’est une femme, et elle est ici! » Les temps ont vraiment changé. Ce vent de renouveau souffle-t-il vraiment? Oui, indubitablement.

Des collègues étrangers m’ont récemment demandé si le Canada avait encore des problèmes économiques. En constatant les nouveaux investissements canadiens au profit de la science, ils se demandaient comment la chose était possible en ces temps difficiles. Je leur ai répondu que tout était une question de priorités gouvernementales, tout en me demandant comment tempérer leurs attentes. À quoi peut-on s’attendre dorénavant, et comment s’y préparer?

En 2009, j’ai rencontré le ministre des Sciences et de la Technologie au lendemain de l’annonce du premier budget fédéral postérieur à la crise économique de 2008. Ce budget comportait certes l’annonce du Programme d’infrastructure du savoir destiné aux universités, mais prévoyait très peu de crédits additionnels pour la recherche. En première page du Globe and Mail s’affichait une photo d’un chercheur exprimant sa rage à propos du budget. J’étais dans le bureau du ministre quand il a découvert cette photo. Il a dit que si c’était vraiment là la réaction des professeurs à l’investissement annoncé au profit des universités, peut-être le gouvernement devrait-il investir ailleurs.

À l’heure où nous nous réjouissons des investissements gouvernementaux au profit de la recherche et de l’infrastructure universitaires, ce souvenir me revient sans cesse : Il n’est jamais bon de mordre la main qui vous nourrit. Il est temps pour nous, au contraire, de féliciter le gouvernement de la confiance qu’il nous accorde, et de l’appeler à continuer dans cette voie, encore et encore. Si jamais les choses tournent mal, il sera toujours temps de le féliciter pour ses investissements tout en plaidant pour le financement de la science, et de lui envoyer un message clair au moyen de nos votes.

Le mois dernier, j’étais invitée à prendre la parole dans le cadre d’une rencontre organisée conjointement au Brésil par Universités Canada et par l’Association brésilienne pour l’éducation internationale. Cette rencontre était consacrée aux leçons tirées du programme brésilien Science sans frontières. Salué comme étant révolutionnaire et visionnaire lors de son lancement en 2011, ce programme s’étiole peu à peu. Son objectif initial était de renforcer et de multiplier les initiatives brésiliennes au profit de la science, de la technologie, de l’innovation et de la compétitivité en finançant pendant cinq ans la mobilité internationale de 101 000 étudiants et chercheurs en STGM (science, technologie, génie et mathématiques). Fort de son économie florissante, le Brésil s’affirmait à l’époque de manière confiante sur la scène scientifique mondiale.

Comme bien d’autres pays, le Canada s’est beaucoup investi dans le programme Science sans frontières. Au printemps 2012, le gouverneur général s’est rendu au Brésil à la tête d’une mission regroupant quelque 40 recteurs d’universités canadiennes. Ces dernières ont commencé à proposer des cours de portugais brésilien pour permettre aux étudiants canadiens de se rendre à leur tour au Brésil.

Le programme Science sans frontières a-t-il été une totale réussite? Non, mais cette entreprise audacieuse a généré bien des leçons. Les Brésiliens reconnaissent aujourd’hui que leur système d’éducation doit assurer une meilleure formation linguistique. Le Canada, lui, constate que relativement peu de ses étudiants ont eu le cran de se rendre au Brésil. Il constate aussi que l’objectif premier du programme, à savoir l’avancement de la science, est loin d’avoir été atteint puisque la majorité qui s’est en prévalu était des étudiants au premier cycle qui ont passé beaucoup de temps à apprendre la langue.

Mais surtout, l’état de l’économie brésilienne n’est plus ce qu’il était en 2011. Le financement du programme Science sans frontières s’est tari, et le gouvernement brésilien est en plein désarroi. Les réunions auxquelles j’ai pris part au Brésil baignaient dans un parfum de nostalgie. On sentait bien que ce qui avait été perçu comme une formidable initiative pour faire progresser la science sur la scène internationale touchait à sa fin. Bien sûr, le programme Science sans frontières laissera des traces, dont certaines perdureront des années. Mais les temps ont changé, et les attentes ont régressé. Gardons espoir. Le temps est venu de commencer à élaborer de nouveaux plans pour l’avenir.

À PROPOS MARTHA CRAGO
Martha Crago
Martha Crago is vice-president, research, at Dalhousie University. Her column appears in every second issue of University Affairs.
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