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Les dirigeants universitaires et autochtones lancent un appel à la collaboration

Le quatrième Forum national sur la réconciliation, qui s’est tenu à l’Université de Victoria, avait l’entraide pour thème central.

par JESSICA NATALE WOOLLARD | 29 NOV 18

Selon les enseignements des peuples Salish du littoral qui vivent au sud de l’île de Vancouver, les hôtes d’événements importants doivent inviter quatre témoins à observer le déroulement des activités de façon à pouvoir en faire foi. Ce protocole a été respecté lors de la cérémonie d’ouverture du quatrième Forum national sur la réconciliation des 15 et 16 novembre à l’Université de Victoria, qui est située sur les territoires traditionnels des peuples parlant le lekwungen.

En plus des quatre témoins des peuples Salish du littoral, les organisateurs du Forum ont appelé quatre témoins universitaires symboliques, explique Robina Thomas, directrice générale, Études autochtones et mobilisation communautaire à l’Université de Victoria. « Les témoins observent tout ce qui se passe, particulièrement pour voir si nous suivons le protocole, faisons preuve de respect et d’écoute, travaillons correctement et tenons notre événement dans le souci du respect », précise-t-elle.

La cérémonie de l’appel des témoins a donné le ton au Forum auquel participaient 250 dirigeants des collectivités autochtones, des gouvernements et des universités. La rencontre, organisée chaque année dans une université différente en partenariat avec Universités Canada, vise à favoriser la collaboration entre les universités et les collectivités autochtones pour répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

Stephanie Peter interprète un chant d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture du Forum sur la réconciliation le 15 novembre 2018 au Centre de bien-être des Songhees. Photo de l’Université de Victoria.

Shelagh Rogers, radiojournaliste à la CBC Radio et chancelière de l’Université de Victoria a souligné la vaillance, l’engagement et le côté visionnaire des participants. « Si vous êtes ici, c’est que vous avez à cœur d’établir de nouvelles relations entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada. Votre présence, en soi, illustre votre espoir d’y parvenir. »

« Le recteur de l’Université, Jamie Cassels, nous a mis en garde contre les gestes symboliques et les solutions rapides. Nous devons prendre des mesures viables à long terme », a-t-elle ajouté.

Le thème du Forum de 2018, Ts’its’u’ watul tseep, qui signifie « s’entraider » en langue hul’q’umi’num’, témoigne de la volonté des établissements postsecondaires de collaborer avec les collectivités et les étudiants autochtones au processus de réconciliation, en apportant des modifications aux structures de gouvernance ainsi qu’aux cours, aux programmes et aux services offerts dans les universités.

La première journée du Forum s’est déroulée au centre de bien-être Songhees, un complexe sportif et culturel érigé sur les territoires de la Nation des Songhees, et la seconde s’est déroulée sur le campus de l’Université. En septembre dernier, l’Université avait lancé un programme de droit jumelé, le premier du genre, qui mène à un diplôme en common law canadienne et à un diplôme en ordres juridiques autochtones.

Les participants au Forum ont assisté à quatre tables rondes au cours desquelles des leaders d’opinion ont abordé divers sujets : protection de l’enfance et santé des enfants, langue et culture, éducation dans un contexte d’entrepreneuriat et de renforcement des capacités socio-économiques, et éducation dans un contexte de justice. Parmi les experts figuraient des universitaires, des administrateurs d’universités, des aînés (que les peuples Salish du littoral de la région appellent « old ones »), des artistes autochtones et des représentants d’organismes à but non lucratif et d’entreprises.

Le thème de l’entraide s’inscrivait dans la structure même du programme du Forum. À la suite des tables rondes, les participants ont échangé, afin d’apprendre les uns des autres, de découvrir les programmes et les changements administratifs adoptés dans les autres établissements, d’évaluer les progrès et les lacunes ainsi que de trouver des solutions concertées dans le but de faire progresser le processus de vérité et de réconciliation.

Selon Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, les tables rondes témoignaient de l’esprit même du Forum. « Ce rassemblement national nous fait nous pencher sur la vérité et mettre en commun des pratiques exemplaires : les mesures qui fonctionnent, qui accélèrent le changement et l’intègrent, qui instillent un sentiment de fierté à l’égard du travail accompli en cette période de réconciliation. »

En 2015, les 96 établissements membres d’Universités Canada ont adopté un ensemble de principes pour aider les étudiants autochtones à accéder aux études supérieures. Malgré les grandes choses accomplies depuis, « il reste encore beaucoup de pain sur la planche » ajoute M. Davidson.

Lors de la table ronde sur la langue et la culture, Jean-Paul Restoule, universitaire anishinaabé et titulaire de la chaire sur l’éducation des Autochtones de l’Université de Victoria, a invité les universités à « céder les rênes aux collectivités autochtones ». Il a cité en exemple les survivants des pensionnats qui peinent à s’adapter aux cours de langues traditionnelles. « Avant même d’apprendre la langue, il leur faut apprendre à réprimer la honte qu’ils éprouvent à s’exprimer dans leur langue qui, en définitive, ne peut pas être enseignée à la manière de l’espagnol ou de l’italien », a-t-il indiqué. Il a ainsi conseillé aux universités d’établir des partenariats avec les collectivités autochtones afin de définir leurs besoins, « car elles détiennent la connaissance ».

La question de laisser les peuples autochtones définir leurs propres besoins a également été abordée lors de la table ronde sur l’entrepreneuriat et le développement socio-économique. Rick Colbourne, boursier du programme Fulbright et professeur auxiliaire à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, a invité les participants à s’interroger sur la nature de l’entrepreneuriat du point de vue autochtone. Selon lui, la meilleure façon d’appuyer les étudiants et les collectivités est d’enseigner en quoi « les affaires sont complices de la colonisation » et d’intégrer « les façons dont les Autochtones voient les affaires » aux cours universitaires.

L’honorable Melanie Mark, ministre de l’Enseignement supérieur, des Compétences et de la Formation, discute avec les participants au Forum sur la réconciliation à la suite de son allocution le 15 novembre 2018 au Centre de bien-être des Songhees. Photo de l’Université de Victoria.

Pour aider les participants à mener d’autres travaux sur la réconciliation, les organisateurs du Forum ont accordé une attention particulière à la façon de recueillir les idées et les engagements formulés au cours de ces deux journées. Outre les huit témoins responsables de consigner les propos, les organisateurs du Forum ont pris note des leçons tirées des tables rondes, lesquelles seront présentées dans un rapport accessible en ligne. De plus, les participants devaient inscrire sur une carte postale une mesure qu’ils s’engageaient à concrétiser d’ici un an, en vue de favoriser la guérison et les changements nécessaires à la réconciliation.

Lors de la cérémonie de clôture, Universités Canada a annoncé que, pour la première fois, un consortium de cinq établissements postsecondaires, à savoir l’Université Algoma, l’Institut Shingwauk Kinoomaage Gamig, l’Université du Cap Breton, l’Université Nipissing et l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, organisera le Forum de 2019. Celui-ci se tiendra à l’Université Algoma, à Sault Ste. Marie, en Ontario, sur les territoires traditionnels des Anishinaabés.

Les participants au Forum de 2019 auront l’occasion de voir la première exposition permanente d’importance sur les survivants des pensionnats autochtones présentée au Shingwauk Hall, un ancien pensionnat situé sur le campus de l’Université Algoma. Ils pourront également visiter le centre de la découverte Anishinabek dont l’ouverture est prévue en 2019. L’édifice de 10,2 millions de dollars abritera le Shingwauk Kinoomaage Gamig, l’un des neuf instituts autochtones d’enseignement supérieur de l’Ontario, ainsi que la bibliothèque nationale des chefs autochtones, la première bibliothèque de recherche autochtone au Canada.

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