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Comment l’Université Thompson Rivers améliore la situation des étudiants autochtones

Son programme Knowledge Makers a récemment été récompensé par le prix Alan-Blizzard pour l’excellence en matière d’enseignement collaboratif.

par JESSICA NATALE WOOLLARD | 19 AOÛT 19

Lors d’un échange culturel pour étudiants autochtones en Tasmanie, Tess Wintercross a été invitée à visiter l’un des territoires ancestraux des peuples autochtones et à se purifier avec de la fumée de feuilles d’eucalyptus. Elle revoit cet Autochtone qui l’observait d’un air complice, voyant bien qu’elle savait intuitivement comment s’y prendre. Cette cérémonie est en effet semblable à celle de la purification par la fumée pratiquée par bon nombre de peuples autochtones d’Amérique du Nord, qui consiste à ramener la fumée vers soi et à l’inhaler pour purifier le coeur, l’esprit et l’être tout entier.

Étudiante de quatrième année en arts à l’Université Thompson Rivers, à Kamloops en Colombie-Britannique, Mme Wintercross affirme que les liens profonds qu’elle a tissés avec un peuple autochtone de l’autre bout du monde l’ont aidée à rédiger l’article sur lequel elle travaillait alors, consacré aux conséquences des microagressions sur les peuples autochtones.

« En ayant la chance de forger des liens avec un autre peuple autochtone, j’ai pris conscience de ma parole, de ce sur quoi je peux écrire, explique Mme Wintercross, qui a grandi à Kamloops bien qu’elle soit issue de la nation crie d’Onion Lake, à la frontière alberto-saskatchewanaise. J’ai alors entrepris une année de découverte de moi-même et de reconnexion à ma culture… Je me suis débarrassée du sentiment de honte qui m’habitait. »

Participants dans le programme Knowledge Makers chantent la chanson Women’s Warrior. Photo de  l’Université Thompson Rivers.

L’article de Mme Wintercross est paru dans une revue évaluée par les pairs destinée aux étudiants-chercheurs autochtones dans le cadre du programme primé de l’Université Thompson Rivers baptisé Knowledge Makers (« Créateurs de savoir »), qui aide les étudiants autochtones à mener des travaux de recherche selon les méthodes autochtones. Les participants assistent à un atelier de deux jours et rencontrent un coordonnateur qui les encadre pendant la préparation de leur article.

Les jeunes chercheurs bénéficient en outre des nombreux liens du programme avec des professeurs, des membres du personnel et des administrateurs de l’Université Thompson Rivers, des aînés de diverses nations autochtones – dont la nation Secwépemc, sur les terres de laquelle l’établissement se situe –, ainsi que des chercheurs autochtones d’autres universités canadiennes et d’universités américaines, mexicaines, néo-zélandaises et australiennes. Au terme du programme, chaque participant reçoit lors d’un repas de célébration une subvention de 1 000 $ et des exemplaires de son article publié.

« Nous essayons d’aider les participants à comprendre à quel point la recherche est utile, leur montrer qu’ils peuvent envisager une carrière dans ce domaine et ainsi gagner leur vie tout en redonnant à leur collectivité », explique Sereana Naepi, coordonnatrice du programme et directrice adjointe du All My Relations Research Centre de l’Université, qui oeuvre à tisser des liens entre chercheurs autochtones et collectivités autochtones.

Lancé en 2015, le programme Knowledge Makers a déjà été suivi avec succès par plus de 65 étudiants autochtones issus d’au moins 30 nations et bandes. Il comprend deux volets, respectivement destinés aux étudiants au premier cycle et aux étudiants aux cycles supérieurs. En avril 2019, le programme a remporté le prix Alan-Blizzard de la Société pour l’avancement de la pédagogie dans l’enseignement supérieur, qui  écompense l’excellence en matière d’enseignement et d’apprentissage postsecondaires collaboratifs. Plus de 40 personnes contribuent au programme de l’Université Thompson Rivers, ce qui en fait l’un des deux principaux programmes axés sur les efforts d’intégration de la culture autochtone de l’établissement lancés en réaction à l’appel de la Commission de vérité et réconciliation.

L’autre programme est le projet Coyote, qui vise à combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi entre les Canadiens autochtones et non autochtones. Chaque faculté ou département énonce ses objectifs par rapport à trois indicateurs clés : le recrutement, la rétention et la réussite des étudiants autochtones. Financé par l’établissement à hauteur de 1,05 million de dollars sur cinq ans, le projet Coyote les aide à atteindre leurs objectifs respectifs. Les stratégies déployées à ce jour varient selon les facultés et départements : création de nouveaux cours ou modification des programmes d’études, financement de la recherche autochtone, ou encore réflexion sur les améliorations à apporter aux installations pour proposer aux étudiants autochtones un environnement plus accueillant.

Le programme Knowledge Makers et le projet Coyote sont tous deux dirigés par la faculté d’éducation et de travail social sous la houlette de sa doyenne, Airini. Boursière Fulbright et ancienne consultante auprès de l’UNESCO et des nations du Pacifique, Mme Airini est originaire de Nouvelle-Zélande. En tant que chercheuse, elle s’intéresse principalement à l’équité en éducation, avant tout au profit de la réussite
des Autochtones.

« Pour que les choses changent vraiment, un effort collectif s’impose, estime Mme Airini. Les études montrent que seule une démarche adoptée à l’échelle de l’établissement peut engendrer un changement complet qui ne se résumera pas à une activité ou à un programme, mais qui perdure pendant une décennie, voire plus. »

Selon Christine Bovis-Cnossen, vice-rectrice aux études de l’Université Thompson Rivers, la réussite du projet Coyote tient au fait qu’il n’a pas été imposé par les hautes sphères, mais au contraire conçu par Mme Airini et son département avant d’être déployé à l’échelle de l’établissement. « Il fallait qu’il repose sur une démarche naturelle », résume Mme Bovis-Cnossen, qui considère que l’établissement peut fixer de grandes priorités, mais précise que « pour qu’un projet soit couronné de succès et suscite l’adhésion d’intervenants très différents, il faut les laisser décider de la manière dont ils souhaitent agir ».

Mme Airini considère ses contributions au programme Knowledge Makers et au projet Coyote comme une forme de services rendus avec l’autorisation des peuples autochtones des terres sur lesquelles l’Université se trouve. Elle espère que le projet Coyote sera élargi à d’autres territoires, tout en estimant que le programme Knowledge Makers pourrait être adapté aux chercheurs autochtones des universités du monde entier. Mmes Airini et Naepi envisagent la création d’une série de revues évaluées par les pairs consacrées au programme Knowledge Makers, publiées à raison d’une édition par établissement participant, d’une édition nationale par pays, et peut-être même d’une édition internationale.

« Notre action s’inscrit dans une vaste stratégie de renaissance des Autochtones par la recherche et l’affirmation de leur identité, précise Mme Airini. Nous devons accélérer le changement. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps que les étudiants autochtones du monde entier restent à la traîne en matière de réussite et de services. » La devise personnelle et professionnelle de Mme Airini résume sa détermination : « Viser la réussite scolaire de tous les étudiants. Vraiment tous. »

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