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L’Ontario se résoudra-t-il à augmenter le financement du secteur postsecondaire et les droits de scolarité?

Le milieu de l’enseignement postsecondaire répond au rapport d’un comité expert.

par MOIRA MACDONALD | 15 DÉC 23

La viabilité financière du secteur postsecondaire de l’Ontario est « sérieusement menacée » et nécessite un apport financier significatif de la part du gouvernement provincial et de la population étudiante, conclut un comité expert nommé par le gouvernement.

Dans son récent rapport intitulé Assurer la viabilité financière du secteur postsecondaire en Ontario, le comité estime que les subventions du gouvernement provincial devraient être augmentées de 10 % dans un premier temps et comprendre une hausse minimale annuelle de 2 % pour les trois à cinq années à venir. Il préconise également une hausse des droits de scolarité de 5 % pour l’automne prochain – et de 8 % pour certains programmes professionnels – ainsi que des ajustements subséquents liés à l’inflation, mettant ainsi fin à un gel qui dure depuis presque cinq ans.

Les universités ontariennes ont exhorté le gouvernement provincial à répondre rapidement aux recommandations, plaidant pour un financement supplémentaire immédiat et l’annonce de la fin du gel des droits de scolarité pour 2024-2025. « Je pense que le gouvernement comprend la nécessité d’agir », confie Steve Orsini, président-directeur général du Conseil des universités de l’Ontario (COU), à Affaires universitaires. « Plus les recommandations seront suivies rapidement, le mieux ce sera. »

Le rapport souligne que la stabilité financière du secteur dépend d’un « engagement commun et équilibré » de la part du gouvernement, de la population étudiante et des établissements. Cependant, il met aussi en lumière les lacunes du financement gouvernemental en Ontario au fil des années. Les chiffres de la province montrent que les subventions de fonctionnement par étudiant.e pour les universités en 2021 – soit 8 350 dollars – étaient inférieures à celles de 2008, qui s’élevaient à 8 514 dollars (si on ne tient pas compte de l’inflation).

Selon le rapport, certains établissements sont devenus tellement dépendants des étudiant.e.s provenant de l’étranger « qu’il s’agit désormais d’une source de revenus essentielle à la viabilité financière du secteur ». Toutefois, cette dépendance est plus marquée dans les collèges que dans les universités, et le rapport ne propose pas de recommandations spécifiques pour ces dernières.

Le comité était présidé par Alan Harrison, qui a occupé des postes de haute direction dans plusieurs universités canadiennes. Il a également servi en 2021 comme conseiller spécial du gouvernement de l’Ontario sur les difficultés financières de l’Université Laurentienne, situation qui a motivé la création du comité et qui a mené aux audits de quatre universités ontariennes par la vérificatrice générale. Ce groupe de huit membres comprenait des personnes qui ont occupé des rôles de direction et de gouvernance d’universités, de collèges et d’établissements autochtones.

Qualifiant le rapport de « jalon majeur » pour l’accessibilité et la viabilité de l’enseignement postsecondaire, Jill Dunlop, ministre ontarienne des Collèges et Universités, a déclaré qu’aucune modification du financement ou des droits de scolarité ne serait envisagée tant que les établissements n’auraient pas revu leurs dépenses et pratiques opérationnelles pour garantir une efficacité maximale. En réponse, le COU a rappelé les mesures mises en place par ses membres, telles que les achats groupés et les stratégies communes d’optimisation de l’espace.

Mme Dunlop a également mentionné que les efforts pour instaurer un cadre de responsabilité financière intégrant des agences de notation externes et des mesures correctives en cas de non-respect des objectifs financiers se poursuivront. Faisant l’objet d’une recommandation du comité, le COU reconnaît qu’il pourrait être responsable d’élaborer le processus pour mettre sur pied un groupe expert sectoriel afin d’assister les universités nécessitant une telle intervention.

En plus d’un financement accru par étudiant.e, le comité suggère que les universités soient autorisées à accroître le nombre d’étudiant.e.s du pays comptabilisé.e.s dans le calcul des subventions, en prévision d’une augmentation démographique des 18-20 ans jusqu’au moins 2028. D’après le rapport, 14 universités ontariennes de petite ou moyenne taille ont déjà admis plus de 20 000 étudiant.e.s du pays que le nombre financé, entraînant ainsi une perte de 175 millions de dollars.

La province, qui suivait un plan pour passer d’un modèle de financement principalement basé sur l’inscription à un modèle basé à 60 % sur la « performance » (taux de diplomation et d’emploi après études, subventions de recherche), est invitée par le panel à limiter ce critère à 25 % d’ici 2026-2027.

Le comité souligne que la diversité des contextes universitaires locaux ne se prête pas à une approche unique. Il recommande que les universités du Nord soient autorisées à abaisser leurs seuils d’inscription et que les subventions ne soient pas diminuées cette année pour les établissements dont les inscriptions sont inférieures à leurs objectifs.

Cela ne fera cependant pas grande différence, déclare Kevin Wamsley, recteur de l’Université de Nipissing à North Bay, soulignant que certains programmes, notamment en enseignement, bénéficient d’une demande soutenue. « Le problème majeur, ce sont les étudiant.e.s non financé.e.s », affirme-t-il. L’Université de Nipissing compte près de 270 étudiant.e.s dans cette situation, principalement dans des programmes en enseignement. Selon M. Wamsley, il serait plus efficace d’améliorer le financement des subventions spéciales pour le Nord, reconnaissant les coûts uniques auxquels fait face l’Université en tant qu’établissement éloigné de petite taille.

L’Alliance des étudiant.e.s de premier cycle de l’Ontario (OUSA) salue les améliorations du financement de fonctionnement, mais déclare dans un communiqué de presse que les recommandations, si elles sont mises en œuvre, continueraient d’accorder une part des revenus « disproportionnée » aux droits de scolarité, estimée à 65 % en 2021-2022 (le comité, cependant, écrit que restaurer les droits de scolarité à leur niveau de 2019, en tenant compte de l’inflation, représenterait une hausse de 25 %, chose qu’il n’est pas prêt à recommander). L’OUSA est également satisfaite des suggestions d’amélioration du Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario, notamment l’augmentation des subventions pour les étudiant.e.s à faible revenu, mais voudrait que le gouvernement aille plus loin, par exemple en couvrant entièrement les besoins des étudiant.e.s à faible revenu par des subventions et en prolongeant la période de grâce pour les remboursements.

Deux petites universités francophones, soit l’Université de Hearst et l’Université de l’Ontario français, présentent un faible taux d’inscription et risquent de ne pas pouvoir maintenir leur indépendance financière. Le comité recommande leur restructuration en collaboration avec d’autres établissements d’enseignement supérieur francophones, que ce soit sous forme de partenariats, de consortiums ou d’une intégration à l’Université d’Ottawa.


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Dans une initiative peu commune, M. Harrison a suggéré que l’Université de Toronto devrait pouvoir déterminer librement les droits de scolarité de ses étudiant.e.s locaux, justifiant cette recommandation par le statut d’excellence et les coûts plus élevés de l’Université et soulignant que son expansion au-delà des limites fixées pourrait déséquilibrer le système éducatif en attirant des étudiant.e.s d’autres universités.

Malgré les difficultés financières du secteur, les salaires des professeur.e.s de l’Ontario, parmi les plus bas du pays, ne sont pas en cause, selon le rapport du comité. Le personnel enseignant souligne que le système resterait largement sous-financé malgré les recommandations. Un rapport récent commandé par l’Union des associations des professeur.e.s des universités de l’Ontario (OCUFA) a suggéré qu’il faudrait injecter un supplément de 4,9 milliards de dollars dès la première année d’un réinvestissement sur cinq ans pour que l’Ontario rattrape la moyenne canadienne de financement par étudiant.e.

« Le fond du problème, c’est que les ressources globales sont insuffisantes », explique Nigmendra Narain, président de l’OCUFA. « Jouer avec les chiffres, c’est comme mettre un diachylon sur une jambe de bois. Il en faut bien plus pour faire face au sous-financement chronique », soutient-il.

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