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Réconciliation et autochtonisation : regards croisés sur les progrès et défis

Malgré certaines avancées, l’ensemble des intervenant.e.s du milieu universitaire reconnaissent qu’« il reste beaucoup de travail à accomplir ».

par MOHAMED BERRADA | 15 SEP 23

Les données d’un sondage réalisé par Universités Canada (éditrice d’Affaires universitaires) rendues publiques en août dernier permettent d’évaluer les progrès accomplis en matière de réconciliation dans les universités du pays.

Principal constat : les universités reconnaissent l’importance de l’éducation dans le processus de réconciliation avec les peuples autochtones. Près de 90 % des 70 établissements ayant répondu au sondage disposent d’un plan stratégique visant à favoriser la réconciliation et plus de la moitié de ces plans comptent des stratégies ou des plans d’action publics spécifiques pour répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Pour progresser dans cette voie, 90 % des établissements se sont engagés à intégrer les savoirs autochtones dans les programmes, 72 % concluent des partenariats avec les communautés autochtones et 50 % améliorent la représentation des personnes autochtones dans des postes de direction sur les campus.

Au-delà des plans stratégiques

Pour Jacqueline Ottmann, rectrice de l’Université des Premières Nations du Canada, les universités à travers le pays sont à des stades différents en matière d’inclusion des modes de savoir, de façons d’être et de faire des peuples autochtones, ainsi qu’en ce qui concerne le soutien aux étudiant.e.s autochtones et l’assurance de la représentativité à tous les niveaux de direction des universités. Celle qui est membre du groupe consultatif sur l’éducation postsecondaire autochtone de l’organisme national plaide par ailleurs pour une participation directe et significative des peuples autochtones dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans stratégiques, car « leurs expériences et leurs savoirs sont des atouts cruciaux pour guider ces initiatives ». Elle estime qu’une telle approche « démontre non seulement la confiance, mais aussi la compréhension du fait que rien ne peut se faire sans notre participation. Ainsi, les plans stratégiques doivent être dirigés et validés par les peuples autochtones, sinon ils ne seront pas efficaces ».

Une fois le plan stratégique établi, pour Mme Ottmann, il est également important de savoir s’il existe des plans d’action et d’évaluation liés à ces stratégies. En plus de ces mesures de suivi, elle souligne que les intentions des universités doivent s’accompagner d’un engagement financier significatif, car « la valorisation découle du financement ».

Célébrer les petites victoires, mais rester sur ses gardes

Malgré ce constat nuancé, Mme Ottmann tient à se réjouir des petites victoires. « Je pense que nous devons célébrer les petits pas et reconnaître les changements significatifs qui se produisent au sein de certaines de nos unités, de nos départements et de nos universités. Il y a maintenant une prise de conscience non seulement de la vérité et de la réconciliation, mais aussi de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Certaines de nos universités l’ont reconnue au sein de leur propre établissement. »

Du côté des étudiants, Shannon Cornelson et Stevie-Rae DeMerchant, coprésidentes du Comité consultatif national sur les dossiers autochtones affilié à l’Alliance canadienne des associations étudiantes, ont également salué les avancées positives. D’emblée, elles ont souligné que le fait même de réaliser des sondages sur la réconciliation et l’autochtonisation dans les universités canadiennes représente un énorme pas en avant et constitue une démarche qui permet de mieux identifier et faire face aux obstacles relatifs à l’enseignement des étudiant.e.s autochtones.

N’empêche qu’elles ont aussi relevé la variabilité de la situation d’une université à l’autre. Mme DeMerchant, étudiante à l’Université Saint-Thomas et femme wolastoqiyik de la communauté de la Première Nation de Woodstock, a noté que si 90 % des universités ont créé des postes et des groupes spécifiques pour les étudiant.e.s autochtones, « cela ne se produit pas partout ». De plus, le climat politique et les attitudes locales influencent ces progrès. « Nos efforts en matière de réconciliation sont parfois entravés par le climat politique dans lequel nous nous trouvons au Canada. Donc, c’est un problème. Par exemple, ici en Alberta, notre province ne reconnaît pas officiellement la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation », soutient Mme Cornelson, étudiante à l’Université de l’Alberta faisant partie des membres urbains de la Nation crie de Saddle Lake.

Étudiant.e.s de première génération

L’intégration des connaissances autochtones dans l’enseignement est une préoccupation centrale pour les deux coprésidentes et elles insistent sur l’importance de respecter et de célébrer la diversité culturelle et linguistique des peuples autochtones. Mme Cornelson mentionne qu’en réalité, leur groupe représente principalement les intérêts d’une population étudiante de première génération qui fait face à des défis uniques. « La question prédominante concerne actuellement l’accessibilité des universités. Bien qu’il y ait un financement en place, les conditions de vie et l’accessibilité ne sont pas à la hauteur. C’est précisément sur cet aspect que notre groupe fédéral concentre ses efforts : rendre les universités plus accessibles pour les étudiant.e.s autochtones. »

Elle souligne de plus l’importance de reconnaître le système de soutien global aux étudiant.e.s autochtones, qui présente des différences significatives par rapport à celui des étudiant.e.s provenant de l’étranger ou de familles ayant déjà une tradition d’éducation postsecondaire.

Reconnaissant ces mêmes préoccupations et efforts, le président-directeur général par intérim d’Universités Canada, Philip Landon, s’est dit « agréablement surpris » par les changements positifs opérés ces dernières années. « Le sondage nous permet de constater que le secteur universitaire a parcouru un long chemin, mais qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir », ajoute-t-il. À titre d’exemple des dossiers qu’il suivra avec attention, il cite notamment l’évolution de l’offre de programmes à distance. « Il serait intéressant de voir comment les étudiant.e.s désirant rester au sein de leurs communautés continueront à apprendre à distance, comme nous l’avons vu se développer pendant la pandémie. »

Rappelons que les résultats du sondage interviennent dans un contexte particulier pour Universités Canada. Il y a à peine quelques mois, l’organisme publiait ses engagements à l’égard de la vérité et de la réconciliation, qui remplacent les principes adoptés en 2015. Pour M. Landon, il était « nécessaire de revoir les principes et de les transformer en engagements concrets pour favoriser la réconciliation ». Il a précisé que les engagements actuels vont au-delà des principes précédents et orientent les universités vers des actions spécifiques pour promouvoir la vérité et la réconciliation, indiquant que le temps et la construction de relations solides sont cruciaux pour un engagement authentique.

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