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Soins d’affirmation de genre : la clinique de l’Université Mount Allison ouverte à la population

« Je crois qu’il est très important d’assurer l’accès à des soins sûrs et professionnels. Alors je fais de mon mieux pour répondre à la demande », affirme Sara Thomas, médecin clinicienne.

par ANGELA MOMBOURQUETTE | 07 SEP 23

La clinique de soins d’affirmation de genre de l’Université Mount Allison, à Sackville, au Nouveau-Brunswick, a ouvert ses portes au grand public.

Médecin de famille, Sara Thomas offre ce type de soins à la clientèle étudiante depuis septembre 2022 au Centre de bien-être de l’Université Mount Allison. En juin dernier, elle est allée plus loin en fondant sur le campus une clinique d’affirmation de genre ouverte à toute la population néo-brunswickoise. Accessible uniquement sur ordonnance, cette clinique aide les personnes à commencer ou à poursuivre une hormonothérapie, les accompagne dans le processus d’approbation d’une chirurgie de réaffirmation de genre et les dirige vers d’autres spécialistes.

« Chez les personnes présentant une diversité de genre, l’accès à l’hormonothérapie est très variable », constate Dre Thomas. Elle explique que les médecins de famille ne sont pas toujours formé.e.s pour prescrire ce traitement aux personnes ayant une dysphorie de genre – un sentiment d’inadéquation entre le sexe biologique et l’identité de genre. « Comme membre de la communauté queer, je crois qu’il est très important d’assurer l’accès à des soins sûrs et professionnels. Alors je fais de mon mieux pour répondre à la demande. »

Sarah Thomas
Sarah Thomas. Photo de l’Université Mount Allison.

Depuis que la clinique a ouvert ses portes au grand public, Dre Thomas a accueilli des gens de Moncton et de Sackville, mais aussi de villes plus lointaines, dont Saint-Jean et Fredericton. Elle estime qu’en trois mois, entre 30 et 40 patient.e.s se sont ajouté.e.s aux 10 personnes de l’Université qu’elle suivait déjà.

Jalila Jbilou, médecin et professeure agrégée à l’École de psychologie et à la Faculté des sciences de la santé et des services communautaires de l’Université de Moncton, affirme qu’il faut certainement accroître l’offre de soins au Nouveau-Brunswick, mais que les besoins sont difficiles à cerner. Selon le Recensement de 2021, parmi les personnes de 15 ans et plus, environ une sur 300 est transgenre – autour de 60 000 personnes au Canada. Or ces chiffres peuvent être trompeurs, estime Dre Jbilou.

« Ce n’est que [la pointe] de l’iceberg étant donné l’invisibilisation des personnes transgenres », explique-t-elle, ajoutant que de nombreux obstacles compliquent la tâche des chercheurs et chercheuses ainsi que des statisticien.ne.s qui souhaitent recueillir des données exactes sur l’identité de genre autodéclarée, surtout en milieu rural ou éloigné. « Ça ne veut pas dire que ces gens n’existent pas. C’est sur ce plan que les études peuvent s’avérer utiles. Il faut qu’on sache : Qui sont ces gens? Où peut-on les trouver? Quels sont leurs besoins? Comment peut-on mieux y répondre? Parce que si on choisit comment répondre aux besoins sans avoir l’information… on fait fausse route. »

À son avis, les cliniques spécialisées comme celle de Dre Thomas peuvent pallier en partie, mais pas totalement, les problèmes d’accès aux soins d’affirmation de genre. « Il faut absolument ouvrir d’autres cliniques, mais ça [ne va pas] régler le problème. Il faut sensibiliser l’ensemble du personnel de la santé », soutient Dre Jbilou.

Celle-ci indique que les établissements postsecondaires peuvent contribuer à la création d’une stratégie de soins plus inclusive en intégrant l’affirmation de genre dans la formation obligatoire en soins primaires, tous domaines confondus – médecine, sciences infirmières, psychologie et travail social. Elle ajoute que ces notions sont déjà enseignées dans le programme de médecine de l’Université de Moncton.

« Beaucoup de gens me disent avoir attendu des années pour suivre une hormonothérapie, déplore Dre Thomas. On sait qu’en général, les personnes transgenres ou présentant une diversité de genre sont plus à risque d’être aux prises avec des problèmes de santé mentale […] et les priver de ce type de soins, faute de ressources, représente un échec de notre société. »

Des soins d’affirmation de genre sur fond de tensions politiques

Le climat politique du Nouveau-Brunswick semble peu propice à l’inclusion des personnes transgenres. En juin 2023, le gouvernement progressiste-conservateur de la province a modifié la Politique 713, qui établit les exigences minimales pour la création d’un milieu scolaire sûr pour les élèves 2SLGBTQ+, de la maternelle à la 12e année. Désormais, dans les écoles publiques, les élèves de moins de 16 ans qui souhaitent être désigné.e.s par le prénom ou les pronoms de leur choix verront leur demande refusée en l’absence de consentement parental. L’école qui reçoit une telle demande devra transférer le dossier à un.e psychologue ou à un.e travailleur ou travailleuse social.e, qui élaborera un plan en collaboration avec les parents.

Les modifications apportées – et la déclaration subséquente du premier ministre Blaine Higgs selon laquelle on assiste à « une montée rapide de la dysphorie de genre », un diagnostic « à la mode » – ont soulevé la colère de la population. L’avocat Kelly Lamrock, ancien ministre de l’Éducation, a été choisi pour mener des consultations auprès d’expert.e.s en éducation, en droit, en santé mentale et en médecine; son rapport, publié le mois dernier, conclut que la nouvelle politique enfreint, entre autres, la Loi sur les droits de la personne de la province et la Loi sur l’éducation.

Selon Dre Jbilou, le tollé soulevé par la Politique 713 braque les projecteurs sur les questions d’identité de genre et pourrait entraîner une amélioration des soins et des services aux personnes transgenres et non binaires de la province.

« Ces questions entourant la Politique 713 sont très importantes parce qu’elles ébranlent les croyances et les valeurs de la société. Parfois, les grands changements commencent par ce genre d’action, affirme la Dre Jbilou. Nous avons une belle occasion de façonner l’avenir. […] On le voit avec Dre Thomas – elle est en avance sur les autres, et c’est ce qu’il nous faut. »

Pour sa part, Dre Thomas prévoit continuer d’offrir des soins d’affirmation de genre à la population étudiante et au grand public cet automne, et elle espère établir un système de rendez-vous sans ordonnance, directement sur le site Web de l’Université Mount Allison.

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