Lorsqu’une célèbre statue de grenouille située sur l’avenue College de Regina a eu besoin d’être restaurée dernièrement, Alex King, conservatrice de la collection du recteur, s’est dit qu’il s’agissait de l’occasion parfaite pour célébrer un moment notoire de l’histoire culturelle de la ville.
Créée en 1971 par le céramiste et professeur d’expérience Joe Fafard et par son groupe d’étudiant.e.s, la sculpture de béton, d’une hauteur d’environ 1,60 mètre, est ornée de fragments de céramique. Selon Mme King, à l’époque de sa création, les artistes de partout dans le monde intervenaient de façon ludique dans l’espace public, sous l’influence révolutionnaire de la contre-culture.
« Des œuvres étaient simplement installées ici et là sans permission, explique Mme King. [M. Fafard et son groupe] ont tout bonnement traîné [des parties de] la statue sur le gazon devant l’école d’art où elle avait été créée et assemblée. »
L’œuvre rend hommage à David Gilhooly. Pionnier du mouvement Funk Art, cet artiste est reconnu pour ses représentations animalières grossières et irrévérencieuses, à des lunes des tasses délicates et des vases auxquels on associe habituellement la céramique.
Moins d’un an après son installation, la sculpture de grenouille a fait l’objet d’un stratagème d’enlèvement haut en couleur mené par des étudiant.e.s en génie de l’Université de la Saskatchewan à Saskatoon, qui, en dépit de n’avoir réussi à la transporter que sur une dizaine de mètres, en ont quand même abîmé les pattes et le revêtement de tuiles. Dans The Carillon, le journal étudiant de l’Université de Regina, on relatait les propos du professeur Fafard, qui disait à la blague qu’une facture de 1 000 dollars devrait être envoyée à l’établissement rival, « en plus d’un million de dollars pour les dommages psychologiques subis par la communauté artistique de Regina à la suite de ce crime ».
Depuis, la grenouille est un élément bien-aimé du paysage local. Mme King se souvient l’avoir vue peu après son arrivée en ville. « Je me rappelle avoir demandé à une connaissance ce que c’était, se remémore-t-elle. Je ne me doutais pas qu’elle faisait partie de la collection sous ma responsabilité. »
Malgré tout, la cinquantaine a été dure pour le fidèle amphibien, qui n’avait pas été conçu en fonction d’une telle espérance de vie. Son intérieur étant creux, le grillage et l’armature en bois qui lui servent de squelette se sont détériorés au cours des dernières années, ce qui a entraîné un affaissement de la parure de béton.
Puisque Joe Fafard est décédé en 2019, la restauration de l’œuvre a été menée par son neveu, Phillip Tremblay, maintenant à la tête de Julienne Atelier, la fonderie familiale.
La statue a notamment été remplie de mousse pour gagner en stabilité et sa surface a été rafraîchie par l’ajout de nouvelles pièces de mosaïque.