La forêt acadienne est au cœur d’une initiative de taille sur le campus de l’Université de Moncton à Shippagan. Déjà en cours de réalisation, un arboretum permettra dès l’automne non seulement de verdir le campus, mais également de rapprocher deux peuples qui cohabitent dans la Péninsule acadienne.
Les premiers arbres ont été plantés il y a plusieurs mois déjà près de la résidence universitaire Raymond-Chiasson. L’objectif, à terme, est de rendre ce terrain sous-utilisé aux communautés qui y transitent ou qui habitent le secteur. Plus précisément, « il s’agit d’un réaménagement majeur de l’espace. Nous voulons en faire un lieu d’éveil, d’échange et de connaissance », explique Yves Bourgeois, doyen des études à l’Université de Moncton, qui applaudit le fait que les Autochtones de la communauté mi’kmaw d’Esgenoôpetitj aient accepté de faire partie de l’aventure. Du coup, ce sera l’occasion de faire valoir leurs connaissances et leur culture.
À l’instar de bien des communautés au Canada, la relation entre les Acadien.ne.s et les Autochtones du Nouveau-Brunswick n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. « Il y a eu des conflits liés aux droits de pêche dans les dernières décennies », cite en exemple M. Bourgeois. « Tout était donc un peu sur le frein entre nos deux nations. Cependant, dès le départ, la collaboration a été excellente. Depuis l’été dernier, nous sommes en constante communication, nous avons engagé une étudiante issue de la communauté [autochtone] chargée de faire le lien entre les intervenant.e.s. Nous ne voulions absolument pas sauter d’étapes ou faire d’appropriation culturelle », explique-t-il.
Grâce à cette approche toute en sensibilité, le projet a fait boule de neige.
Pas un musée
Lorsqu’il sera complété, le projet de petite forêt, mais également de jardin médicinal autochtone, permettra d’établir le lien avec la population locale. On y abordera ainsi des thématiques telles que les récoltes durables, traditionnelles ou médicinales des plantes que l’on retrouve dans la forêt boréale.
L’arboretum sera également un centre d’interprétation, mais aussi un lieu vivant, notamment grâce à des pistes cyclables. Il servira à la fois de lieu d’enseignement et de rassemblement. On y retrouvera 26 essences d’arbres en un seul et même point, alors qu’il faudrait des journées entières de déplacement pour atteindre une telle diversité dans leur milieu naturel.
« Tous vont bénéficier du projet », explique M. Bourgeois. « Les objectifs du départ sont déjà atteints, et même davantage. Plusieurs aménagements physiques sont en construction, tous les arbres [une centaine au total] ont été plantés l’an dernier, sans oublier le jardin médicinal mis en place ce printemps », énumère-t-il, rappelant qu’un lien de confiance a pu être établi entre l’ensemble des partenaires, une condition sine qua non au succès d’une telle initiative.
Pour l’instant, l’inauguration officielle de l’aménagement arboricole est prévue pour le mois d’octobre. « Il n’y a aucune embûche pour le moment. Comme n’importe quel projet, il a fallu ficeler le financement au départ, mais tout le monde veut que ça fonctionne », ajoute M. Bourgeois, avançant même que des ententes sont conclues pour l’entretien, sans oublier la Ville de Shippagan qui a cédé des terrains.
Et la boucle? L’intégration du tourisme. « Avec le circuit de véloroute de la péninsule et la future connexion avec le transport en commun, le site sera facilement accessible. Ça va amener plusieurs personnes sur le campus qui pourront découvrir un tas de choses, et les gens des Premières nations pourront servir d’interprètes. Le rapprochement est majeur et sera très intéressant à suivre au cours des prochaines années », soupèse M. Bourgeois, visiblement fort enthousiasmé par la tournure des événements.