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Pour une réévaluation décennale de la permanence

Par Affaires universitaires
Publié en janvier 1997

Si les universités ne se décident pas à réévaluer périodiquement et sérieusement les professeurs permanents, les gouvemements s’en chargeront, a prédit le professeur Peter Emberley de la Carleton University.

II s’adressait à des universitaires et des journalistes qui débattaient récemment à l’University of Toronto le rapport entre la permanence et la qualité de l’enseignement. Le débat était organisé par l’Ontario Under­graduate Students Alliance (OUSA) comme suite à un rapport dans lequel elle préconise de rééval­uer tous les cinq ans le droit des professeurs à la permanence.

Selon le professeur Emberley, auteur de Zero Tolerance: Hot Button Politics in Canada’s Universities, tant pour accorder la permanence que pour l’évaluation annuelle, on se fie trop à l’avis des collègues, si bien que la politique peut jouer davantage que le mérite. Qui voudrait congédier un ami ou admettrait avoir pris une mauvaise décision lors de l’engagement?

Il voudrait plutôt que le rendement de chaque professeur soit évalué tous les dix ans par un comité indépendant d’universitaires et que ceux qui ne sont pas à la hauteur prennent très au sérieux la perspective de voir leur permanence remplacée par un contrat renouvelable. Il rejette l’idée d’une réévaluation quinquennale pro­posée par l’auteur du rapport de l’OUSA, Jane Ormrod (inscrite au doctorat en anthropologie et histoire à l’University of Chicago), qu’il juge trop hâtive en comparaison avec la longue démarche, souvent « laborieuse et hésitante » qui précède la plupart des découvertes.

M. Bill Graham, président de l’Association des professeurs de l’U of T et M. Bill Bruneau, président de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, affirment que l’enseignement et la recherche font partie intégrante du rôle des professeurs et que sans la stabilité durable que promet la permanence, ils refuseraient de contester les idéologies dominantes et hésiteraient à s’engager dans la rechercbe pure de longue durée. « Nous en avons besoin pour protéger le droit de contester, de faire de la recherche fonda­mentale et d’enseigner plus que des trucs à la mode », a soutenu M. Graham.

Mais le chroniqueur de Southam News Andrew Coyne doute que la permanence protège réellement la liberté universtaire, faisant obser­ver que même aujourd’hui, on peut être chassé de son emploi pour avoir bravé l’opinion générale. Elle éviterait surtout aux mauvais enseignants d’être forcés de s’améliorer pour conserver leur emploi. « L’insistance sur la qualité de l’enseignement fait cruellement défaut. On dirait qu’enseigner est quelque chose qu’on doit faire entre deux projets de recherche. »

M. Coyne propose d’attaquer le problème sous deux angles.

D’abord, les professeurs devraient pouvoir se spécialiser en enseignement ou en recherche, selon leurs talents et leurs intérêts. Et l’argent que les gouvernements con­sacrent à l’enseignement universitaire devrait être versé directement aux étudiants afin qu’ils puis­sent aller aux établissements où ils trouvent les meilleurs profs. Mais cela exigerait d’abattre les obstacles législatifs à la création d’u­niversités afin d’intensifier la concurrence. « Les universités sont régies comme un cartel réglementé », a affirmé M. Coyne, qui y voit la base de leur résistance au changement.

Point de vue contesté par M. Bruneau, qui a affirmé que les professeurs perma­nents sont tenus par contrat de faire preuve d’une grande compétence en enseignement, en recherche et en service à la collectivité et peuvent être congédiés s’ils échouent. Pour sa part, il attribue la mauvaise image publique de la permanence à des administrateurs mous qui crai­gnent d’exercer leur droit de congédier les professeurs sous-performants.

« Dans l’ensemble, les administrations sont lâches ou incompé­tentes », a-t-il affirmé, ajoutant qu’elles préfèrent la tactique inepte de faire la vie si dure aux professeurs dont elles ne veulent plus (en leur refusant la rémunération au mérite ou en leur dormant des bureaux impossibles) qu’ils préfèrent s’en aller.

Mais M. Emberley a ré­torqué­ que les associations de professeurs sont aussi à blâmer pour la répugnance des administrateurs à con­gédier les incompétents. « Elles et les conventions collectives para­lysent littéralement les administrateurs, a-t·il dit. Toute tentative de congédiement entraîne de deux a trois années d’arbitrage. »

L’un des rares points qui ont fait l’unanimité est la nécessité d’en­courager et de récompenser l’enseignement de qualité supérieure. Comme le professeur Emberley; M. Coyne veut qu’on puisse retirer la permanence à ceux dont l’enseignement se dégrade. De leur côté, les représentants des professeurs ont allégué que les universités devraient leur donner plus de ressources pour les aider à s’améliorer.

Il faut aussi tenir compte des attentes des étudiants, selon M. Graham.

« Ils s’attendent à ce que leurs professeurs émulent les animateurs qu’ils voient à la télé. » Tous les professeurs ne peuvent pas être des professionnels du spectacle mais tous peuvent apprendre des tech­niques qui en feront des enseignants habiles, pensait-il.

L’OUSA, qui a dépensé 10 000 $ pour son rapport sur l’enseignement et la permanence, prévoit tenir d’autres débats semblables au cours des prochains mois et en tirer des recommandations de principe qu’elle soumettra au gouvernement provincial. L’alliance représente les étudiants de premier cycle de six universités; la Fédération des étudiants de l’Ontario représente la majorité de l’effectif au premier cycle.

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