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Accélérer les essais cliniques

Des chercheurs et chercheuses améliorent l’efficacité et l’inclusivité d’un écosystème trop lourd.

par MOIRA MACDONALD | 01 SEP 23

Un nouveau projet national vise à mieux outiller et situer le Canada sur le plan des essais cliniques. Comment? En simplifiant les processus d’approbation et en renforçant les capacités dans tout le pays. Ces deux aspects ont notamment été pointés du doigt pour expliquer le retard du Canada dans la course mondiale aux vaccins et aux traitements durant la pandémie de COVID-19.

Le Consortium pour accélérer des essais cliniques (AEC), dont la création a été annoncée en janvier dernier, rassemble 28 réseaux de recherche sur les maladies et 11 unités d’essais cliniques affiliées à des universités. Financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) à raison de 39 millions de dollars sur trois ans, le projet permettra de mener des essais pour évaluer des interventions relatives à un éventail de troubles, dont les maladies cardiaques et rénales, tout en testant des moyens d’éliminer les lourdeurs administratives, d’améliorer la coordination nationale et internationale ainsi que d’augmenter la diversité des participant.e.s.

« Le Canada a fait quelques très bons coups en matière d’essais cliniques, qui ont eu des retombées sur les soins de santé dans le monde entier, souligne P. J. Devereaux, coprésident du comité des opérations du consortium ainsi que candidat principal et scientifique principal à l’Institut de recherche sur la santé des populations de l’Université McMaster. Il nous faut tout de même faire preuve d’introspection et reconnaître nos faiblesses – et la COVID a prouvé que nous avions encore bien du chemin à faire. »

Les essais cliniques évaluent la sécurité et l’efficacité des interventions de santé sur des participant.e.s humain.e.s, une étape cruciale de l’innovation médicale. Dans le cas de la COVID-19, on a attribué la lenteur des essais cliniques canadiens à la multiplicité des approbations éthiques nécessaires ainsi qu’aux divergences concernant les technologies de l’information, les exigences de sécurité et les règles de collecte des données personnelles pour les études multiétablissements. Les consultations menées par les IRSC auprès du milieu de la recherche et d’autres parties prenantes à l’automne 2022 ont confirmé ces problèmes en plus de révéler un manque d’infrastructures.

À l’inverse, le Royaume-Uni s’est démarqué par son efficacité remarquable, entamant un essai clinique à peine plus d’une semaine après l’annonce officielle de la pandémie, ce qui a permis l’adoption rapide de traitements vitaux à partir de médicaments existants. Même si ses capacités de recherche semblent actuellement se détériorer, à l’époque, le Royaume-Uni pouvait compter sur tout un réseau de chercheurs et chercheuses en milieu hospitalier capable de recruter rapidement des patient.e.s dans tout le pays.

« C’est un exploit qui tient du miracle », soutient Dr Devereaux, précisant que le Royaume-Uni a dû surmonter moins d’obstacles structurels, s’étant notamment doté d’un processus uniforme d’approbation éthique. « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas adopter un tel processus au Canada. Mais pour y arriver, il faudra tirer des leçons et changer le système en profondeur. »

Le Consortium AEC souhaite notamment élargir et soutenir le réseau d’essais cliniques du pays, renforcer le financement et la formation, faire progresser le secteur canadien de la biotechnologie en nouant des partenariats entre des entreprises privées et des personnes qui réalisent des essais cliniques, faire connaître les essais et améliorer la diversité et la dispersion géographique du bassin de participant.e.s.

La participation aux essais cliniques est généralement réservée aux résident.e.s des régions urbaines. AEC souhaite remédier au problème en développant la capacité de recherche de 20 petits hôpitaux communautaires, dans des endroits comme l’île du Cap-Breton et Iqaluit. Le consortium collabore également avec Pharmaprix à un projet qui pourrait permettre à la chaîne pharmaceutique de recruter des participant.e.s pour des essais cliniques susceptibles de profiter à leur clientèle, un peu comme le fait Walgreens aux États-Unis.

Inclusion des communautés autochtones

Dans le cadre du projet, Wayne Clark, directeur général du programme de santé autochtone de la Faculté de médecine et de dentisterie de l’Université de l’Alberta, chapeaute une initiative du Consortium AEC visant à étendre les essais cliniques aux personnes autochtones dans les collectivités éloignées. Toutefois, il y subsiste toujours des séquelles des sévices perpétrés, comme les expériences non consensuelles effectuées à l’ancien « hôpital pour Indiens » d’Edmonton, explique M. Clark, lui-même Inuit. Le Consortium AEC vise à établir des lignes directrices pour l’adoption d’approches efficaces et culturellement respectueuses, qui tiennent compte des intérêts et des besoins des communautés autochtones et leur offrent autant de contrôle que possible sur le processus et les résultats, dans l’objectif ultime d’améliorer leur santé.

« On constate une volonté de réparer les erreurs et de repenser les façons de faire, de reconnaître les violences commises par le passé, mais aussi de nous créer un espace qui préserve l’autodétermination et la souveraineté », explique M. Clark. Avec d’autres personnes, il consultera des Aîné.e.s et des leaders autochtones pour discuter des méthodes à tester, comme les moyens de cibler les différentes collectivités autochtones dans les essais pour faciliter le contrôle des données associées et pour connaître leurs priorités en matière de santé. Les essais ainsi engendrés auront lieu au cours de la dernière année du projet.

Toujours dans l’idée d’améliorer l’écosystème canadien d’essais cliniques, le Consortium AEC travaille à mettre sur pied un processus unique d’approbation éthique, à élaborer une structure qui réduirait les coûts des essais canadiens à l’étranger et à tester l’utilisation d’un modèle normalisé de contrat-cadre, une tâche à laquelle pourraient contribuer les universités selon Dr Devereaux. Les problèmes actuels d’efficacité et de dédoublement constituent pour lui un « échec moral »; ils font du Canada un choix peu attrayant pour les essais internationaux prometteurs, ce qui prive la population d’interventions novatrices qui pourraient sauver des vies ou les améliorer considérablement.

La recherche d’un processus d’approbation éthique unique est une quête ardue pour le Consortium AEC. Si la nécessité de mettre en place un tel processus paraît évidente, il reste à choisir lequel. Plusieurs provinces travaillent déjà à simplifier les systèmes d’approbation des essais cliniques, précise Laurel Evans, directrice de l’éthique de la recherche à l’Université de la Colombie-Britannique.

À son avis, le Consortium AEC n’atteindra pas son objectif d’efficacité s’il cible uniquement l’évaluation éthique et ne repense pas aussi les contrats, l’accès aux données et les mesures de protection de la vie privée.

« Ça m’exaspère profondément qu’on ne puisse relier toutes les plateformes provinciales d’approbation, qu’on ne dispose pas d’un système centralisé qui s’occupe de tout », se désole-t-elle.

Selon Janet Dancey, directrice du Groupe canadien des essais sur le cancer – le plus grand réseau canadien en la matière, situé à l’Université Queen’s –, le Consortium AEC est particulièrement bien placé pour faire émerger un consensus chez les personnes qui influencent le processus de lancement des essais cliniques, et ce, en raison de ses racines dans le gouvernement, les établissements ainsi que les réseaux de recherche et de patient.e.s.

« Il faut une certaine autorité et des efforts concertés pour résoudre ces problèmes. »

La création d’un processus d’évaluation national unique sera au cœur de la deuxième réunion nationale du Consortium, qui aura lieu vers la fin septembre à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard. Comme le temps presse – le compteur de la subvention de trois ans a commencé à l’automne dernier –, la vitesse est véritablement de mise. « Nous devons prouver que nous pouvons accomplir de grandes choses en peu de temps », lance Dr Devereaux.

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