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Responsabilités potentielles

Qu’est-ce que les doctorant.e.s considèrent comme du soutien?

Même si le financement demeure le type d’aide le plus sollicité, le soutien au perfectionnement professionnel n’est pas non plus à négliger.

par JOEL RODGERS | 30 AVRIL 24

Dans les dix dernières années, la pression que subissent les candidat.e.s au doctorat s’est intensifiée. Le financement offert aux cycles supérieurs n’a pas suivi l’inflation et la hausse du coût de la vie. Le marché de l’emploi universitaire s’est effondré dans certains secteurs, rendant l’avenir des étudiant.e.s au doctorat encore plus incertain. Plusieurs d’entre nous qui travaillons aux cycles supérieurs n’avons aucun pouvoir sur le financement ou sur les postes menant à la permanence. Quels moyens avons-nous donc pour contribuer à la réussite de nos étudiant.e.s?

Mon équipe au bureau du décanat de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Toronto est allée à la rencontre d’étudiant.e.s au doctorat pour tenter de répondre à cette question. À l’été 2022, nous avons sondé les doctorant.e.s de la Faculté, au moyen de questions ouvertes, sur les principaux obstacles à leur réussite et sur les sources de soutien qui à leur sens sont les plus importantes. Nous avons reçu 682 réponses, ce qui représentait à ce moment 23 % de la population doctorale.

À la lumière de ce sondage, trois éléments principaux sont perçus comme des obstacles à la réussite universitaire :

1) La pandémie de COVID-19;

2) Le manque de financement;

3) Les problèmes de santé mentale.

Lorsqu’on leur a demandé d’indiquer les sources de soutien les plus importantes, bon nombre de répondant.e.s ont exprimé leur confusion ou carrément du dédain. Nous avons d’ailleurs eu droit à une personne qui, sans répondre à la question, s’est plutôt indignée : « Je ne sais même pas ce qu’on veut dire ici. On parle de soutien émotionnel? De soutien financier? » Ce genre de réaction révèle le défi même de comprendre ce que les doctorant.e.s considèrent comme du soutien. La première étape serait donc d’apporter des précisions à ce sujet et d’inciter ces étudiant.e.s à demander de l’aide.

Qu’est-ce que « du soutien » pour les doctorant.e.s?

Le choix de mots du sondage n’était pas anodin : en optant pour une formulation vague comme « importantes sources de soutien », nous cherchions à mieux comprendre ce que ce groupe valorise. Le soutien social offert par les proches et le mentorat obtenu des professeur.e.s sont revenus à quelques reprises dans les réponses, mais c’est le soutien financier qui a largement dominé le sondage. Parmi les sources importantes de soutien les plus citées, on retrouve les bourses doctorales des trois organismes subventionnaires (Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et Conseil de recherches en sciences humaines du Canada), les bourses d’études supérieures de l’Ontario, les subventions externes, les bourses d’études supérieures de l’université, et même les postes d’auxiliaires de recherche et d’enseignement. L’augmentation du financement était par le fait même le type de soutien le plus demandé.

Il s’agit là d’un besoin légitime – le financement n’a pas augmenté au même rythme que le coût de la vie – mais dans les faits, ce ne semble pas être le principal obstacle. En effet, des études ont démontré que chez les meilleur.e.s doctorant.e.s en sciences humaines aux États-Unis, il n’existe aucune corrélation entre le financement reçu et le temps pris pour obtenir son diplôme. Ce serait plutôt un ensemble de facteurs autres que financiers qui aurait la plus grande incidence sur la réussite aux cycles supérieurs, notamment les types de projets, les méthodologies de recherche, la culture départementale et les attentes des directeur.rice.s de recherche. (Fait intéressant : la supervision et la culture départementale ont autant été citées comme des obstacles que comme des sources de soutien.) Il ne fait aucun doute que le manque de financement ajoute une pression sur les épaules des étudiant.e.s et que nous devons continuer d’exiger un financement accru, mais il ne s’agit pas d’un facteur qui aurait à lui seul le pouvoir d’influer sur la durée des études ou sur la réussite professionnelle après le diplôme.

Alors, comment soutenir les doctorant.e.s?

Bien que le financement soit l’une des sources de soutien les plus sollicitées, notons qu’au sens large, une personne répondante sur cinq aimerait qu’on la soutienne davantage dans son perfectionnement professionnel. Parmi les moyens souhaités, il y a la reddition de comptes à l’écrit, la mise sur pied de groupes de rétroaction, l’offre de formation sur les nouvelles méthodologies de recherche et pratiques pédagogiques, ainsi que la mise à disposition de ressources sur la poursuite d’une carrière universitaire ou à l’extérieur du milieu. Comme l’explique l’une des personnes répondantes, « le plus grand défi est de sortir d’une trajectoire de carrière dans le milieu universitaire alors que nous sommes encore au doctorat et que nous manquons déjà de temps […]. Nous devons porter plusieurs chapeaux à la fois. » Comme la réalité des étudiant.e.s au doctorat est multifacette, nos solutions doivent aussi l’être. Pour certaines personnes, un atelier ou une table ronde ponctuels suffisent. D’autres ont plutôt besoin de rencontres régulières et coordonnées ou même de cours leur offrant des outils pour se perfectionner sur le plan professionnel.

Ces multiples sources de soutien ne combleraient pas seulement les besoins actuels perçus par les doctorant.e.s, mais façonneraient aussi leur façon d’apprendre et permettraient de répondre à leurs besoins futurs. Par exemple, une personne répondante a suggéré une meilleure planification individuelle tôt dans le parcours doctoral, pour mieux naviguer dans la zone d’incertitude qu’est la période entre la rédaction et la soutenance. Selon les recommandations de Loleen Berdahl et Jonathan Malloy, il faudrait collaborer étroitement avec les départements de l’université pour apporter ce soutien personnalisé. Au sein des bureaux centralisés devraient s’élaborer des programmes qui complémentent – plutôt que de concurrencer – le travail des unités des cycles supérieurs.

Par-dessus tout, nos solutions doivent tenir compte de l’indépendance d’esprit et de la pensée critique dont font preuve les étudiant.e.s aux cycles supérieurs. Si cette indépendance mène parfois les étudiant.e.s à mal définir ou à sous-estimer leurs besoins, une approche paternaliste serait quant à elle contre-productive. Il vaut mieux offrir à ces personnes le soutien dont elles pensent avoir besoin et travailler en coulisse à répondre à des besoins dont elles ne soupçonnent pas encore l’existence.

À PROPOS JOEL RODGERS
Joel Rodgers
Joel Rodgers est coordonnateur du perfectionnement professionnel des étudiant.e.s aux cycles supérieurs à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Toronto.
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