Superbe cité, Bergen est la seconde ville en importance en Norvège. Elle se déploie autour du premier port du pays, qui accueille grands navires et voiliers. Entourée de sept montagnes, elle abrite entre autres une importante base navale, ainsi qu’une université. Les campus de l’Université de Bergen sont répartis en divers endroits, entre le musée du xixe consacré à la culture et à l’histoire naturelle, sis au sommet d’une colline, et les immeubles en verre ultracontemporains du Centre Marineholmen situés le long de la voie navigable du Damgardsundet.
C’est dans l’un de ces immeubles en verre que Kristin Westman a décroché sa maîtrise en biologie marine. Suédo-norvégienne d’origine, elle est arrivée à Bergen avec, en poche, un baccalauréat de l’Université Bishop située à Lennoxville, au Québec. Elle aurait bien aimé poursuivre ses études au Canada, mais les frais de scolarité exigés l’en ont dissuadée. Elle est donc rentrée en Scandinavie, où les établissements postsecondaires accueillent gratuitement les citoyens qui le souhaitent.
Si tous les pays nordiques jouissent d’un niveau de vie élevé, la Norvège arrive en tête, grâce aux ressources pétrolières de la Mer du Nord. Pays le plus riche d’Europe avec des actifs estimés à plus de 450 milliards de dollars, la Norvège s’est dotée d’une société pétrolière d’État, dont les pétrodollars financent le régime de retraite public et contribuent au mieux-être des citoyens. « Les revenus du pétrole alimentent toute l’économie norvégienne », précise Anders Goksøyr, chef du département de biologie à l’Université de Bergen.
Malgré sa richesse, la Norvège pratique des taux d’imposition et de taxation élevés. Elle consacre ses recettes fiscales au financement d’un filet de sécurité sociale des plus complets, proposant de ce fait la meilleure qualité de vie au monde selon l’Indice du développement humain des Nations Unies. « Le gouvernement norvégien exerce une influence relativement importante sur la vie de ses citoyens, mais ceux-ci l’acceptent tout à fait, voire le souhaitent », souligne Karin Pittman, Canadienne expatriée, actuellement consule honoraire et professeure de biologie à l’Université de Bergen.
Bien qu’elles offrent un enseignement de grande qualité, les universités norvégiennes n’exigent généralement aucuns frais de scolarité. Leurs étudiants n’ont qu’à acquitter des frais administratifs inférieurs à 100 $ par semestre, qui contribuent au financement de divers services : garde d’enfants, soins de santé, services-conseils, etc. Le gouvernement les aide par ailleurs à acquitter leurs frais de subsistance grâce à un mélange de prêts et de bourses d’études, établis en fonction de facteurs comme la situation financière de chaque étudiant ou encore le nombre de cours suivis et réussis. Jusqu’à 40 pour cent des dépenses de subsistance d’un étudiant peuvent ainsi être financées par l’État. « La philosophie norvégienne veut que les études supérieures soient accessibles à tous ceux qui y ont droit, sans qu’ils aient à dépendre de l’aide de leurs parents », explique Mme Pittman.
Tout n’est pas rose pour autant. Comme les étudiants du Canada, ceux de Norvège vivent en colocation, cuisinent sur des réchauds et travaillent à temps partiel pour s’offrir de petits luxes et une vie sociale. Malgré les généreux subsides étatiques, il est fréquent qu’ils se retrouvent lourdement endettés au terme de leurs études, coût de la vie élevé oblige.
Les revendications des étudiants norvégiens n’ont rien à voir avec celles de leurs homologues canadiens. Leurs fédérations réclament en fait un renforcement de l’aide gouvernementale et le versement de celle-ci 11 mois sur 12 plutôt que 10, afin d’alléger le fardeau financier des étudiants en été. Plus personne ne remet aujourd’hui en cause l’important financement des études par le gouvernement norvégien, que les étudiants « tiennent désormais plus ou moins pour acquis », souligne M. Goksøyr.
La détermination de la Norvège à financer les études supérieures a conduit à une population très instruite, mais ses effets sur les notes restent négligeables. Selon certains, les universités sont désormais si accessibles que beaucoup d’étudiants qui les fréquentent n’y sont, au fond, pas à leur place. Certains étudiants manquent en outre de motivation, n’ayant pas eu à investir le moindre sou pour s’offrir des études supérieures.
Malgré tout, la générosité du financement gouvernemental contribue à accroître le nombre d’étudiants qui vont au bout de leurs études. La Norvège affiche l’un des taux de réussite universitaire les plus élevés au monde : près de 32 pour cent des adultes de 25 à 64 ans y détiennent un diplôme universitaire, contre seulement un peu plus de 24 pour cent au Canada.
Mme Westman résume parfaitement la situation : « Au Canada, une fois leur baccalauréat en poche, beaucoup de mes amis ont renoncé à poursuivre leurs études, par manque d’intérêt ou de moyens. En Norvège, par contre, la plupart des étudiants s’emploient à décrocher une maîtrise. »