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Bourses d’études supérieures : un manque à gagner de plus de 8 500 $

Le gouvernement du Canada poussé à mieux soutenir financièrement les étudiants aux cycles supérieurs.

par MAXIME BILODEAU | 16 AOÛT 22

Ce sont 26 104 dollars qu’obtiendrait annuellement un étudiant à la maîtrise récipiendaire du Programme de bourses d’études supérieures du Canada s’il avait suivi l’augmentation du coût de la vie dans les deux dernières décennies. À l’heure actuelle, ce montant est cependant de 17 500 dollars par an, soit la même somme qu’en 2003. Au moment d’écrire ces lignes, à la fin juillet, on parle donc d’un écart de près de 50 % selon la calculatrice de l’inflation de la Banque du Canada.

« Comment peut-on croire que cette circonstance, qui touche aussi bien les étudiants à la maîtrise, au doctorat qu’au postdoctorat, est tolérable dans le contexte inflationniste actuel? », s’interroge Maxime Blanchette-Joncas, député du Bloc Québécois dans Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques ainsi que vice-président du nouveau Comité permanent de la science et de la recherche – constitué par un vote unanime de la Chambre des communes en 2021.

Le 6 juin dernier, le Comité déposait son tout premier rapport sur l’étude des Réussites, dés et opportunités pour la science au Canada. Il a tenu sept réunions, a entendu 46 témoins et a reçu 14 mémoires lors de ses travaux réalisés à l’hiver et au printemps derniers. Ce document propose 13 recommandations sur la façon d’améliorer l’état actuel de la recherche scientifique à l’échelle nationale. Du lot, deux concernent la valeur des bourses pour les étudiants aux cycles supérieurs.

Le Comité recommande d’abord que « le gouvernement du Canada augmente le nombre des bourses offertes aux étudiants des cycles supérieurs et aux chercheurs postdoctoraux, hausse leur valeur de 25 % et s’assure qu’elles soient indexées sur l’Indice des prix à la consommation ». Cette indexation du financement devrait être continuelle, suggère le Comité dans sa seconde recommandation sur la revalorisation des bourses d’études supérieures et postdoctorales.

Pourquoi établir le seuil à 25 %? « Le Comité s’est basé sur un document fourni par Universités Canada [éditrice d’Affaires universitaires] pour avancer ce chiffre », précise M. Blanchette-Joncas. L’organisation, qui représente les universités canadiennes au pays et à l’étranger, soutient que cela permettra de « rattraper les baisses successives de la valeur réelle causée par l’inflation ». Le tout correspondrait à un investissement approximatif supplémentaire de 154 millions de dollars par an ou 770 millions de dollars sur cinq ans.

Si l’organisation U15, un regroupement des universités de recherche canadiennes, a suggéré de tripler le nombre de bourses d’études supérieures, Universités Canada propose plutôt de le doubler.

Certaines recommandations ne se sont toutefois pas frayé un chemin jusque dans le rapport du Comité. L’Union étudiante du Québec a, par exemple, déploré que la durée des bourses de recherche fournies par le gouvernement fédéral soit moins longue que le temps réel des études supérieures. « Les bourses doctorales financent un étudiant pendant trois ans alors qu’il est tout à fait commun que la durée des doctorats soit de plus de trois ans », lit-on dans son mémoire.

Un milieu unanime

Dans une réponse laconique, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a réagi au dépôt du rapport du Comité. « [Le ministère] examine actuellement le rapport et consulte l’ensemble du gouvernement sur une réponse qui devrait être présentée à la Chambre des communes d’ici la date limite du 4 octobre 2022 », nous a écrit par courriel un porte-parole du ministère piloté par François-Philippe Champagne.

Josée Bastien, présidente de l’Association canadienne pour les études supérieures (ACES), s’est quant à elle dite encouragée par les recommandations formulées par le Comité. « Ce qui est proposé constitue un bon point de départ, affirme- t-elle. L’indexation continuelle de bourses au coût de la vie nous apparaît comme primordial. »

L’ACES fait d’ailleurs partie des quelque 6 500 signataires d’une pétition qui exige une augmentation du financement accordé aux boursiers des trois conseils de recherches du Canada. Lors d’une rencontre du Comité, Jean-Pierre Perrault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures à l’Université de Sherbrooke, a souligné que « le seuil de la pauvreté est aujourd’hui supérieur à 20 000 dollars par année » et que le statu quo est donc « une invitation à vivre sous le seuil de la pauvreté que nous offrons aux [boursiers] ».

Mme Bastien, qui est aussi doyenne de la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval, voit dans cette situation une menace à long terme pour l’attractivité des études supérieures. « La société canadienne a besoin de recruter et de retenir les meilleurs étudiants sur les bancs de ses universités et dans ses laboratoires. Face à la féroce concurrence internationale, force est de constater que nous envoyons actuellement le mauvais signal », regrette-t-elle.

Selon des données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada est le seul pays du G7 où les dépenses intérieures brutes de recherche-développement (R-D) sont en baisse depuis 2001. Seule l’Italie investit moins d’argent en R-D – 1,53 % de son PIB en 2020 – que le Canada – 1,70 % de son PIB la même année. Toujours selon l’OCDE, le nombre de chercheurs pour 1 000 employés est en baisse depuis 2011 au Canada.

« Le gouvernement a clairement une occasion à saisir. Le milieu universitaire est unanime sur la question, il n’y a plus de temps à perdre », pense M. Blanchette-Joncas. En tout cas, toute amélioration sera la bienvenue pour les étudiants aux cycles supérieurs, concernés au premier chef par cette impasse. Devant le Comité, plusieurs ont témoigné des conditions de vie précaires dans lesquelles ils se trouvent.

« La rémunération postdoctorale au Canada est si faible que j’ai gagné plus d’argent pendant mes années d’études de doctorat en Australie en enseignant occasionnellement qu’en travaillant ici au Canada. De plus, chaque année, mon salaire canadien diminuait en réalité, parce qu’il n’était pas indexé à l’inflation, et il n’a pas augmenté à mesure que j’acquerrais de l’expérience », a raconté Shaun Khoo, stagiaire postdoctoral à l’Université de Montréal, à titre personnel.

« Nous sommes des chercheurs en début de carrière formés au Canada et nous voulons rester ici. Nous voulons faire notre part. En nous engageant dans une carrière enracinée dans la science et la recherche, nous armons notre conviction qu’un avenir meilleur est possible. Nous avons simplement besoin de ressources pour survivre et prospérer », a pour sa part résumé Andrea Wishart, étudiante au doctorat à l’Université de la Saskatchewan.

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