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Le côté glamour du jeu fait des ravages chez les jeunes adultes

Des chercheurs qui s’intéressent au phénomène du jeu veulent sensibiliser les conseillers du milieu universitaire aux conséquences dévastatrices du jeu.

par SYLVAIN COMEAU | 07 FEV 11

« Je suis incapable d’arrêter. C’est un loisir qui a fini par me détruire. » « J’ai déçu ma famille. » « Je ne souhaite cette dépendance à personne, même pas à mon pire ennemi. »

Ce sont là les mots de jeunes accros. Ils ne consomment toutefois pas leur drogue au moyen d’une aiguille, d’une bouteille ou d’une pipe. Ils assouvissent plutôt leur dépendance au casino, sur une machine de loterie vidéo ou sur un site de jeu en ligne. Ces jeunes hommes souffrent d’un problème de jeu pathologique, en hausse alarmante sur les campus nord-américains depuis le milieu des années 1990.

« Les principales motivations à jouer ne sont pas nécessairement les gains pécuniaires, mais plutôt l’excitation, le divertissement et la poussée d’adrénaline, explique Jeffrey Derevensky, codirecteur du Centre international d’étude sur le jeu et les comportements à risque chez les jeunes de l’Université McGill. Les adolescents et les jeunes adultes sont les plus friands de ce type de sensations.»

À l’instar d’un nombre croissant de chercheurs, M. Derevensky élargit la définition de jeune « à risque ». Le jeu, surtout lorsqu’il est pratiqué en groupe, figure maintenant aux côtés des beuveries et des expériences avec les drogues sur la liste des comportements à risque élevé qui séduisent facilement les adolescents et les étudiants d’âge universitaire.

« Nous savons que l’adolescence et le début de l’âge adulte sont des périodes propices à la prise de risques, en particulier chez les hommes. Le cerveau est programmé pour ça, explique Rina Gupta, codirectrice du Centre. Le jeu est une façon répandue, socialement acceptable et accessible de prendre des risques. Il est également perçu comme une façon d’élever son statut social, un autre objectif important chez les adolescents et les jeunes adultes. »

La grande majorité des jeunes s’adonnent au jeu d’une façon ou d’une autre, affirme pour sa part M. Derevensky, et ils sont presque deux fois plus susceptibles de développer une dépendance que les adultes. Presque toutes les études révèlent que les taux les plus élevés de participation à des activités liées au jeu se trouvent chez les 18 à 24 ans.

Les deux chercheurs s’intéressent à la question depuis le début des années 1990 et ont cofondé le Centre en 2001. Depuis, ils ont été témoins de l’arrivée des casinos virtuels et de l’explosion de la popularité du poker, qui est passé de la sous-culture à la culture dominante. « Le public connaît maintenant de jeunes vedettes du poker, dont plusieurs du Québec. Il les regarde et se dit : “Je suis aussi intelligent qu’eux. Je peux le faire moi aussi”, constate Mme Gupta. Certains vont même jusqu’à abandonner leurs études pour tenter de vivre du jeu. »

Le Centre traite gratuitement les jeunes joueurs pathologiques en les amenant à régler leurs problèmes sous-jacents et en remplaçant l’euphorie que procure le jeu par des solutions plus saines.

« Malheureusement, les joueurs compulsifs se tournent vers nous lorsqu’ils ont déjà de graves problèmes. Ceux qui gagnent ne sollicitent pas d’aide », se désole M. Derevensky. Problèmes juridiques, éloignement de la famille et amis, dettes colossales et risques d’attaques de la part des usuriers sont autant de complications possibles du jeu. « Beaucoup ont volé leur famille et cumulent les dettes et les cartes de crédit pleines à craquer. »

Ces joueurs sont pris dans un cercle vicieux, car le jeu pathologique est une puissante dépendance, explique Ron Frisch, professeur de psychologie à l’Université de Windsor, qui siège au comité consultatif du Centre. « Nous avons constaté que les joueurs compulsifs ont tendance à fumer, à consommer de l’alcool et à souffrir de diverses dépendances davantage que la population en général. »

David Hodgins, professeur de psychologie à l’Université de Calgary, étudie les dépendances et les comorbidités sous forme de troubles psychiatriques chez les joueurs compulsifs. « Dans ce contexte, on parle de comorbidité lorsque la dépendance au jeu se manifeste conjointement à d’autres problèmes de santé mentale … Nous commençons tout juste à comprendre la nature de ces relations, mais nous savons qu’une personne qui souffre à la fois de dépression et d’une dépendance au jeu aura beaucoup plus de difficulté à s’en sortir qu’une personne qui a seulement une dépendance au jeu. »

Ce sont les difficultés émotionnelles liées à la dépendance au jeu qui font sans doute le plus de ravages chez les personnes qui en souffrent, poursuit M. Hodgins. « Un sentiment d’impuissance, une perte de contrôle et beaucoup de stress nuisent aux études et aux relations des joueurs; les amènent à considérer le suicide comme la meilleure option. La perte d’argent n’est pas la seule conséquence du jeu compulsif. »

Étant donné l’image inoffensive souvent associée au jeu, les chercheurs tentent de sensibiliser les campus à la question. « Il n’est pas rare qu’une fraternité organise un tournoi de poker pour amasser des fonds. Pourtant, personne ne penserait à organiser un concours de buveurs de bière », souligne M. Derevensky.

« Je crois que les universités doivent se montrer proactives, comme elles le font pour d’autres types de dépendances. Les conseillers du milieu universitaire doivent être informés des signes précurseurs de la dépendance au jeu et de la façon d’aider les joueurs compulsifs. Pourquoi ne pas afficher les numéros de téléphone de services d’aide aux joueurs compulsifs sur les campus? Toutes les techniques utilisées dans le cadre de campagnes anti-drogues et anti-alcool pourraient s’appliquer aussi contre le jeu. »

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