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Déclin marqué des compétences mathématiques chez les nouveaux étudiants

Le problème est évident, mais les éducateurs ne s’entendent pas sur son importance.

par ANNE KERSHAW | 13 SEP 10

Les compétences en mathématiques ont nettement diminué chez les nouveaux étudiants des universités canadiennes ces dernières années, bon nombre d’entre eux étant incapables de résoudre des opérations d’arithmétique de base. Il y a lieu de se demander s’il s’agit d’une crise éducative aux répercussions désastreuses sur les compétences du peuple canadien en sciences et en génie ou simplement d’une conséquence inévitable de l’omniprésence des calculatrices et des ordinateurs.

On observe un déclin des compétences en mathématiques partout en Amérique du Nord, affirme Brenda Smith-Chant, professeure de psychologie spécialisée en développement de la cognition mathématique à l’Université Trent, un problème qui ne se limite pas à la trigonométrie et à l’algèbre. « Même l’arithmétique de base les confond, déplore-t-elle, ne serait-ce qu’une addition de trois nombres de deux chiffres. »

Mme Smith-Chant juge que les déficiences des étudiants en mathématiques jouent un rôle dans leur choix de cours et de programme. Ainsi, de nombreux étudiants en psychologie choisissent de quitter le domaine plutôt que de suivre le cours de statistique obligatoire.

Jo-Anne LeFevre, professeure de psychologie à l’Université Carleton, étudie depuis 20 ans les aptitudes des étudiants de première et de deuxième année à résoudre des équations d’arithmétique simples comme 25+73+16. Elle observe un net déclin des compétences en calcul sur papier. En 1990, les étudiants pouvaient résoudre 80 équations en moyenne au cours d’une période donnée; 15 ans plus tard, cette moyenne était tombée à 60. « Il s’agit d’un changement statistiquement éloquent », conclut-elle.

Mme Smith-Chant a observé une diminution semblable au moyen d’une méthodologie similaire. En 1984, les étudiants de première année en psychologie pouvaient répondre correctement à une moyenne de 80 questions. Ce résultat est passé à 73 en 2004 pour atteindre 56 l’an dernier.

Plusieurs éducateurs s’entendent pour dire que la numératie a diminué, mais les conséquences de cette baisse ne font pas consensus. Certains prétendent que, à notre époque où la calculatrice est reine, les compétences fondamentales ne sont plus nécessaires pour acquérir des connaissances mathématiques poussées et qu’il est préférable que les étudiants consacrent leur temps d’apprentissage à des concepts généraux.

D’autres croient cependant que connaître les bases facilite l’apprentissage des mathématiques avancées. Sherry Mantyka, professeure de mathématiques et de statistique à l’Université Memorial et directrice du centre d’apprentissage en mathématiques, aide les étudiants à améliorer leurs compétences de base en la matière depuis des années. Mme Mantyka a découvert au cours d’un essai contrôlé que ceux qui ne maîtrisent pas les connaissances et les procédés numériques fondamentaux sont désavantagés lorsqu’ils s’attaquent à des problèmes complexes.

Bon nombre d’observateurs jugent que cet affaissement des habiletés en calcul de base est imputable au mouvement de réforme mathématique dirigé par le National Council of Teachers of Mathematics il y a environ 20 ans. Ce changement de la philosophie pédagogique en mathématiques, qui a accru l’importance de la pensée conceptuelle aux dépens de ce que certains qualifiaient de simple mémorisation, a entraîné la modification des programmes partout en Amérique du Nord.

Nombreux sont ceux qui en voient maintenant les effets inattendus. Robert Mann, professeur de physique et de mathématiques appliquées à l’Université de Waterloo et président de l’Association canadienne des physiciens et physiciennes, connaît les préoccupations de ses collègues au sujet des connaissances mathématiques dans nombre de disciplines, comme l’économie, les mathématiques, la physique et la chimie.  Au fil de ses propres cours, il a remarqué que ses étudiants d’il y a 10 ans étaient doués sur le plan technique, mais qu’ils avaient de la difficulté à saisir des concepts. Aujourd’hui, cette tendance s’est presque inversée : « Maintenant, ils savent ce qu’ils doivent faire, mais pas comment le faire », résume-t-il.

Ce phénomène de détérioration des compétences en mathématiques est loin de se limiter au Canada ou à l’Amérique du Nord. « Des études à grande portée provenant de pays de l’OCDE ont révélé que les étudiants ne sont absolument pas prêts pour les mathématiques de niveau post–secondaire et que cette situation empire », explique Gordon Robinson, biologiste à l’Université du Manitoba.

Comment se fait-il donc qu’au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui compare les aptitudes des étudiants âgés de 15 ans des pays de l’OCDE, le Canada soit classé si haut en mathématiques? En effet, les plus récents des résultats calculés tous les trois ans dans cette matière placent le Canada au cinquième rang parmi 30 pays de l’OCDE.

Selon Mmes Mantyka et Smith-Chant, cela s’explique par le fait que le PISA évalue la « littératie mathématique », c’est-à-dire l’application des connaissances mathématiques dans la vie quotidienne, et qu’il n’existe aucune corrélation entre celle-ci et le niveau de maîtrise des mathématiques de base des étudiants qui entrent à l’université.

Les responsables de l’École de science et technologie de l’Université Aalto, en Finlande – le pays le mieux classé en mathématiques selon le PISA –, ont d’ailleurs demandé conseil à Mme Mantyka récemment, car ils se sont rendu compte que les étudiants finlandais arrivaient à l’université armés de connaissances mathématiques plus faibles que prévu. Mme Mantyka collabore actuellement avec les Finlandais pour mettre sur pied des programmes de rattrapage et fait équipe avec eux pour un projet de logiciel de rattrapage en ligne destiné à l’Union européenne.

Le débat se poursuit au sujet de l’importance de la numératie, mais les chercheurs dans cette discipline ne sont pas près d’admettre qu’il n’est plus nécessaire de maîtriser le calcul mental. Mme Smith-Chant croit que le manque de connaissances en mathématiques pourrait même avoir contribué à la dernière récession nord-américaine, où des gens se sont retrouvés dans des situations financières précaires, avec des hypothèques aux versements démesurés, parce qu’ils ne comprenaient pas le fonctionnement des taux d’intérêt.

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