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La Cour fédérale se prononce contre les lignes directrices sur l’utilisation équitable de l’Université York

La décision est perçue comme une victoire pour Access Copyright, qui a entamé la poursuite en 2013, et un désaveu des lignes directrices en place dans les universités canadiennes.

par ANQI SHEN | 27 JUILLET 17

Note de la rédaction, 1er août 2017 : Dans l’affaire l’opposant à Access Copyright, l’Université York a annoncé qu’elle interjettera appel du récent jugement de la Cour fédérale.

La Cour fédérale a statué que l’Université York doit verser des redevances à Access Copyright pour une période allant de 2011 à 2013 et que ses lignes directrices sur l’utilisation équitable sont injustifiées. Les universités analysent la décision rendue le 12 juillet, laquelle pourrait avoir d’importantes incidences sur les établissements postsecondaires et leurs étudiants. L’Université York a jusqu’au 2 octobre pour interjeter appel de la décision.

Access Copyright qui recueille les redevances pour le compte d’auteurs et d’éditeurs canadiens a engagé cette action en justice en 2013, à la suite du refus de l’Université York et d’autres universités de conclure une nouvelle entente de licence. La nouvelle entente établissait un tarif de redevances fixe de 26 $ par étudiant équivalent temps plein (ETP), alors que selon l’ancienne entente, il s’établissait à 3,38 $ par étudiant ETP et à 10 cents la page pour la reproduction de compléments de cours.

Cette affaire a mis à l’épreuve pour la première fois l’interprétation que fait le secteur postsecondaire du concept d’utilisation équitable depuis la réforme du droit d’auteur en 2012. Plus tard au cours de l’année, cette réforme fera elle aussi l’objet d’un premier examen.

Tarif provisoire

Dans sa poursuite contre l’Université York, Access Copyright cherchait à faire appliquer un tarif provisoire à l’égard d’œuvres de son répertoire pour la période allant de septembre 2011 à décembre 2013. L’Université York avait choisi de ne pas se prévaloir du tarif et de fonctionner dans le cadre de diverses ententes de licences, d’abonnements ou de contenu en libre accès et en vertu de l’utilisation équitable. Pendant le procès, l’Université York a fait valoir le caractère non obligatoire du tarif provisoire établi par la Commission du droit d’auteur du Canada. Toutefois, le juge Michael Phelan a conclu que le tarif était obligatoire. (Veuillez noter que le jugement n’a pas encore été publié en version française.)

Utilisation équitable

L’Université York a déposé une demande reconventionnelle pour obtenir une déclaration selon laquelle la reproduction aux fins d’éducation correspond à l’« utilisation équitable » prévue par la Loi sur le droit d’auteur. (En 2012, la Cour suprême a rendu cinq décisions sur l’interprétation de l’utilisation équitable, concept qui autorise la reproduction partielle d’une œuvre à des fins précises. La même année, cette autorisation a été élargie pour inclure l’éducation parmi les fins admissibles.)

Le juge Phelan a statué que les lignes directrices de l’Université York (comparables à celles d’autres universités canadiennes) répondent aux exigences en matière d’éducation, mais que leurs modalités et leur application ne sont pas équitables. Le juge a indiqué que la proportion des œuvres pouvant être copiée représentait un élément litigieux dans cette affaire. Selon lui, il est arbitraire que les lignes directrices permettent la reproduction de « 10 pour cent » d’un article dans le cadre d’un cours, plutôt qu’un autre pourcentage ou l’article entier.

Après avoir entendu les témoins et examiné les données d’échantillonnage, le juge a déterminé que les lignes directrices ont des répercussions sur les revenus des éditeurs. Il a également remis en question le degré de surveillance auquel sont soumises les politiques de l’Université York et leur application en ce qui concerne le matériel didactique imprimé et celui accessible par le portail Web Moodle.

Réactions au jugement

Dans une déclaration publiée peu après la parution du jugement, Access Copyright s’est dite satisfaite de la décision et a indiqué qu’elle offrait à tous les intéressés l’occasion d’échanger de façon constructive afin de résoudre les différends qui perdurent. L’Université York déterminera les mesures à prendre après avoir examiné la décision. L’établissement a manifesté sa déception à l’égard du jugement. À son avis, ses lignes directrices représentent un équilibre entre les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs, et elles s’inscrivent dans un système où les dépenses en licences et en acquisitions atteignent des millions de dollars chaque année.

Le secteur de l’édition accueille favorablement la décision. « J’ai été soulagé, car cette affaire nous a placés dans une situation difficile pendant des années, a affirmé Glenn Rollans, président de l’Association of Canadian Publishers et de Brush Education Inc., maison d’édition indépendante. Nous avons maintenant l’occasion de tout reprendre de zéro. Nous devons examiner la décision avec pragmatisme et tenir compte de sa valeur juridique plutôt que d’en faire un instrument de conflit. »

Aux yeux de nombreux observateurs, le raisonnement du juge s’écarte de façon étonnante de ce qu’affirme la Cour suprême depuis 10 ans. « Si je prenais un par un les six facteurs de détermination de l’utilisation équitable, j’y verrais matière à contestation dans les six, a indiqué Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa. Il reste à voir si cette décision apportera des modifications qui, si l’affaire est entendue en appel, seront maintenues, ou s’il s’agit d’une décision singulière qui s’éloigne de la Loi selon l’interprétation des hauts tribunaux. »

Le jugement plonge les établissements dans une certaine incertitude, ce qui est très préoccupant pour les étudiants, selon Michael McDonald, directeur général de l’Alliance canadienne des associations étudiantes. « Cette décision semble marquer un recul par rapport à de nombreux jugements rendus par la Cour suprême, a affirmé M. McDonald, qui a aussi souligné les répercussions potentielles sur l’accès des étudiants à du matériel didactique abordable et de qualité. La décision remet en question le fonctionnement même du critère de l’utilisation équitable aux fins d’éducation. Nous espérons qu’elle sera portée en appel et que des clarifications seront apportées à cette question. »

Les universités analysent actuellement la décision avec leurs conseillers. L’Université de l’Alberta s’est toutefois prononcée publiquement sur la question. Dans un récent billet de blogue, Adrian Sheppard, directeur du bureau du droit d’auteur de l’établissement, a indiqué que les lignes directrices de l’Université de l’Alberta sur l’utilisation équitable faisaient déjà l’objet d’un examen et que la décision permettrait d’orienter cet exercice. Néanmoins, il a qualifié le jugement de décevant pour les universités.

M. Sheppard a déclaré que les universités canadiennes remplissent consciencieusement leurs obligations en achetant des licences et des ressources et en respectant les exceptions prévues par la Loi et la disposition sur l’utilisation équitable. Elles maintiennent ainsi l’équilibre entre les intérêts des détenteurs de droits d’auteur et ceux des utilisateurs. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a déjà admis la validité de cet équilibre.

En ce qui concerne le matériel didactique des cours à venir cet automne, M. Sheppard affirme que les documents sont déjà entre les mains du bureau du droit d’auteur de l’Université de l’Alberta. Il ajoute que l’établissement continuera de traiter le matériel selon les lignes directrices actuelles sur l’utilisation équitable.

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