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La nouvelle politique québécoise en matière d’innovation vise à stimuler la R-D

La province compte investir 3,7 milliards de dollars sur cinq ans.

par MARK HENDERSON | 30 OCT 13

Cet article est une traduction autorisée d’un texte paru dans
Re$earch Money, une publication accessible uniquement par abonnement.

Le gouvernement québécois a annoncé des investissements sans précédent de 3,7 milliards de dollars sur cinq ans en recherche et développement (R-D), au moment où les autres provinces et le gouvernement fédéral maintiennent le statu quo en la matière. Lancée par le précédent gouvernement libéral et achevée par le Parti Québécois, la Politique nationale de la recherche et de l’innovation (PNRI) comprend une foule de mesures visant à stimuler l’économie du savoir et l’application des connaissances dans la province. Dans le cadre de cette stratégie, 1,3 milliard de dollars sont alloués directement à la recherche et une série de mesures fiscales directes et indirectes sont instaurées pour soutenir les petites et nouvelles entreprises.

Le gouvernement espère que les nombreuses initiatives et l’importance accordée à la collaboration permettront de porter les dépenses en R-D à trois pour cent du produit intérieur brut (PIB) – un objectif adopté par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques et le gouvernement fédéral au début des années 2000. Le ratio des dépenses en R-D par rapport au PIB s’établit actuellement à 2,4 pour cent, après avoir atteint un maximum de 2,8 pour cent en 2002.

Annoncée le 16 octobre, seulement neuf jours après la nouvelle Politique économique Priorité emploi de la province, la PNRI est généralement bien accueillie en raison de sa démarche globale en matière de recherche et d’innovation, de l’importance qui est accordée à la collaboration intersectorielle et des investissements échelonnés sur une période cinq ans, ce qui rend le financement plus prévisible. La politique remplace la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, l’ancienne politique gouvernementale en matière de sciences et de technologie. Mise à jour en 2010, cette stratégie était en voie de révision lorsque le Parti Québécois a pris le pouvoir.

« Le financement des trois premières années est déjà là et le niveau atteint la troisième année sera maintenu pour les deux dernières, explique Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec et président du conseil d’administration des Fonds de recherche du Québec. La nouvelle stratégie accorde 500 millions de dollars de plus que l’ancienne. Même en cette période économique difficile, le gouvernement lance le message que la recherche et l’innovation sont essentielles au développement du Québec. »

Dans le nouveau gouvernement, la recherche et l’innovation relèvent du nouveau ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MESRST). La PNRI aborde trois grands défis qui se posent dans la province : le vieillissement de la population, le développement durable et l’identité québécoise. Elle met l’accent sur sept domaines stratégiques, favorisant la collaboration qui permet de tirer parti de projets et de programmes intersectoriels.

Une politique « démocratique »

Pour l’aider à formuler sa nouvelle politique, le gouvernement a fait appel à deux organisations externes, l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ) et l’Association francophone pour le savoir (Acfas), qui ont consulté leurs membres pour ensuite faire rapport au ministère. Selon M. Quirion, le transfert du dossier vers le nouveau ministère a permis d’élargir la politique et d’adopter une démarche globale en matière de recherche et d’innovation.

« L’ancienne stratégie était fondée sur cinq grands projets de recherche orientés vers le secteur privé, précise M. Quirion. Celle-ci se consacre à trois grands défis et à sept domaines prioritaires. Elle passe à la vitesse supérieure et inclut toutes les disciplines. Il est toujours question d’économie, mais la perspective est différente. On a fait beaucoup de consultations, et cela a porté fruit. »

« La politique ne favorise pas seulement la recherche, elle vise le bien commun. La recherche et l’innovation doivent éclairer tous les aspects de l’élaboration des politiques, affirme Louise Dandurand, présidente de l’Acfas. Le milieu de la recherche a l’impression que le gouvernement l’a écouté. C’est l’un des documents stratégiques les plus démocratiques que j’ai vus, et je suis dans le milieu depuis longtemps. »

Coût de la Politique nationale de la recherche et de l’innovation
($ millions)
Domaine 2014-17 2014-19
Enveloppes de base 937.8 1,563.0
Fonds vert et Fonds électrification des transports 75.0 79.0
Enveloppe PNRI 434.6 941.0
Réinvestissement stratégique dans les universités 147.0 340.0
Grands projets mobilisateurs 100.0 100.0
Coût budgétaire 1,694.4 3,023.1
Investissement dans les infrastructures de recherche 291.0 400.0
Bonification du crédit d’impôt R-D 176.0 291.0
Total PNRI 2,161.4 3,714.1
Source: Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MESRST)

 

Mesures de soutien à l’excellence en recherche de la PNRI
($ millions)
Initiative FY14-17 FY14-19
Soutien aux coûts complets de la recherche 319.5 626.0
Soutien aux chercheurs québécois 286.3 478.7
Soutien aux centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) 60.9 102.2
Participation des chercheurs aux réseaux mondiaux de recherche 47.5 81.5
Chaires de recherche 5.0 9.0
Total 719.2 1,297.4

La PNRI enthousiasme le milieu de la recherche universitaire, qui avait appris avec consternation l’abolition du financement des organismes subventionnaires du Québec (qui ne faisait pas partie des services votés). Leur budget connaîtra une hausse de 25 pour cent à compter du 1er avril prochain, passant de 146 millions à 187 millions de dollars. Combiné aux nouvelles sommes accordées pour les bourses de formation et les programmes de collaboration avec l’industrie, le financement administré par les organismes subventionnaires dépassera les 200 millions de dollars. « Après une année difficile, le moral était au plus bas. Maintenant, tout a changé, affirme M. Quirion. Tout le monde approuve la stratégie. »

La nouvelle politique aborde également l’éternelle question des coûts indirects, tout en critiquant le sous-financement chronique du gouvernement fédéral qui, au Québec seulement, atteint 181 millions de dollars. Le Québec invite les établissements à faire pression auprès du gouvernement fédéral pour obtenir un soutien accru et promet de consacrer 626 millions de dollars sur cinq ans provenant des fonds provinciaux pour combler le manque.

L’un des grands piliers de la nouvelle politique est la création du Réseau recherche innovation Québec, qui regroupera près de 120 organisations de mobilisation des connaissances. Inspirée des Fraunhofer allemands et du réseau français des instituts Carnot, l’initiative dotée de 130,2 millions de dollars sur trois ans vise à créer un guichet unique pour les intervenants qui souhaitent collaborer avec les universités et les collèges. Les hôpitaux universitaires, les centres de recherche et les entreprises pourront également devenir membres du réseau.

Le réseau des centres collégiaux de transfert de technologie recevra également 102,2 millions de dollars pour promouvoir l’application des résultats de la recherche dans un contexte international, rendre les résultats accessibles aux intervenants des secteurs public et privé ainsi que lancer des projets multidisciplinaires et multisectoriels visant la formation de nouveaux chercheurs.

Financement destiné aux sciences humaines

Afin de soutenir le thème de l’identité québécoise, jusqu’à une quinzaine de chaires de recherche seront créées, ce qui représente un investissement de 9 millions de dollars sur cinq ans. Les premières chaires seront consacrées à l’histoire et à la langue française; le programme vise à favoriser l’émergence de nouveaux chercheurs possédant une expertise reconnue mondialement.

« Le thème de l’identité québécoise représente un défi important. Pour la première fois, nous sommes devant un défi stratégique dont la résolution passe par les sciences sociales et humaines, souligne Mme Dandurand, ancienne vice-rectrice à la recherche et aux études supérieures à l’Université Concordia. Cela témoigne de la démarche équilibrée de la politique qui tient compte de la recherche fondamentale et appliquée, et de l’ensemble des disciplines. »

Le gouvernement entend aussi jouer un rôle plus actif dans l’essor du savoir et de l’innovation, en lançant cinq initiatives dotées d’une enveloppe modique de 30,6 millions de dollars sur cinq ans :

  • Promotion de l’innovation par l’intermédiaire des marchés publics;
  • mise en œuvre de la politique sur l’éthique et l’intégrité en recherche qu’élaborent actuellement les Fonds de recherche du Québec;
  • utilisation du français en recherche;
  • création d’une table de concertation interministérielle pour favoriser la collaboration entre les ministères et les organismes qui participent aux activités de recherche et d’innovation;
  • amélioration de l’accès aux données publiques et aux publications scientifiques.

En ce qui concerne la dernière mesure, le gouvernement blâme le gouvernement fédéral pour avoir mis fin au caractère obligatoire du formulaire long de recensement et s’engage à explorer des manières de recueillir, de tenir à jour et de diffuser les données provinciales.

« Cette politique ratisse beaucoup plus large [que la précédente stratégie libérale]. Elle offre une certaine continuité, tout en adoptant une vision globale de l’innovation, affirme Yves Gingras, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et sociologie des sciences à l’Université du Québec à Montréal. Elle vise à regrouper tout le monde pour maximiser les retombées grâce à la collaboration et à la concertation. Cette politique ambitieuse est une bonne nouvelle pour les chercheurs québécois. »

Mark Henderson est le rédacteur en chef de Re$earch Money.

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