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Le secteur universitaire choisit la « stabilité à long terme » avec une nouvelle entente visant les droits d’auteur

L’entente conclue entre l’AUCC et un collectif de droit d’auteur essuie cependant certaines critiques de la part du milieu universitaire.

par ROSANNA TAMBURRI | 03 MAI 12

L’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) et Access Copyright, l’organisme qui administre les redevances liées au droit d’auteur pour le compte d’auteurs et d’éditeurs, sont parvenus à une entente, mettant ainsi fin à un long contentieux qui a opposé le milieu universitaire et le collectif de droit d’auteur.

Les universités qui acceptent de signer l’entente annoncée le 16 avril paieront des redevances annuelles de 26 $ par étudiant équivalent temps plein (ETP) en échange de l’autorisation de copier et de distribuer des œuvres protégées par le droit d’auteur. Selon les modalités de l’entente précédente, les universités payaient des frais annuels fixes de 3,38 $ par étudiant, auxquels s’ajoutaient des frais de 0,10 $ la page pour les compléments de cours. Combinés, ces frais généraient des revenus de 18 $ à 19 $ par étudiant ETP pour le collectif de droit d’auteur. La nouvelle entente couvre à la fois les copies en formats papier et numérique, tandis que la précédente s’appliquait uniquement aux documents imprimés.

Le nouveau tarif est inférieur à celui de 45 $ par étudiant ETP qu’Access Copyright demandait initialement. Il est également inférieur au tarif de 27,50 $ obtenu plus tôt cette année par l’Université de Toronto et l’Université Western dans le cadre d’une entente distincte (celle-ci prévoit que les deux établissements pourront bénéficier du tarif moindre négocié par l’AUCC).
L’entente conclue entre l’AUCC et Access Copyright est un modèle de licence, ce qui signifie que chaque établissement membre de l’AUCC doit décider s’il la signe ou non. Il est encore difficile de savoir combien le feront.

L’entente ne s’applique pas aux universités du Québec, qui sont soumises à un accord distinct avec un collectif de droit d’auteur québécois qui prévoit des frais de 25,50 $ par étudiant ETP pour les droits de photocopie.

Selon le président-directeur général de l’AUCC, Paul Davidson, la nouvelle entente assure aux universités « une stabilité à long terme des tarifs et l’accès à une nouvelle gamme de documents numériques ».

Les groupes d’étudiants, les associations de professeurs, les groupes de bibliothécaires et d’autres intervenants ont cependant vivement critiqué l’entente, car ils la jugent trop coûteuse vu le déclin de l’utilisation des compléments de cours photocopiés, de la montée des revues en libre accès, du grand nombre d’œuvres du domaine public et des nombreux accords de licence que les universités ont conclus directement avec des éditeurs de revues électroniques et de manuels scolaires, contournant ainsi Access Copyright. À l’heure actuelle, les universités paient environ 160 millions de dollars par année pour ces licences numériques.

Les détracteurs de l’entente remettent également en question le moment choisi pour s’entendre avec Access Copyrigt, étant donné que le gouvernement fédéral devrait adopter plus tard cette année le nouveau projet de loi C-11, qui élargira la portée de la disposition traitant de l’utilisation équitable – autorisant la reprographie à des fins privées ou de recherche – afin d’inclure l’utilisation à des fins éducatives, et qui prévoit également une nouvelle exception visant les œuvres diffusées publiquement sur Internet.

« C’est une mauvaise entente qui survient au mauvais moment », estime Michael Geist, de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique de l’Université d’Ottawa. À son avis, le projet de loi C-11 contient un certain nombre de dispositions qui auront pour effet de diminuer les redevances liées au droit d’auteur plutôt que de les augmenter, ce que fait la présente entente. « Il s’agit davantage d’une capitulation que d’un règlement », ajoute-t-il.

De l’avis du conseiller juridique de l’AUCC, il est peu probable que le projet de loi C-11 vienne régler le principal problème visé par le modèle de licence général, c’est-à-dire la nécessite d’obtenir une licence pour effectuer la copie des texte des lectures obligatoires destinés aux compléments de cours ou aux sites de cours.

« Les universités ne font pas qu’utiliser des œuvres protégées par le droit d’auteur, elles en créent également, affirme Christine Tausig Ford, vice-présidente et administratrice en chef de l’AUCC. Cette entente procure un juste équilibre et assure aux universités une sécurité à long terme. »

Selon Gregory Juliano, directeur et avocat général de l’Université du Manitoba, l’entente fournit aux universités un outil de gestion du risque. Certaines peuvent choisir de ne pas s’en prévaloir et de gérer le risque au moyen de leurs licences de sites. Il souligne toutefois les avantages d’obtenir une licence d’un collectif de droit d’auteur plutôt que de négocier des ententes distinctes. « Cette entente prévoit une indemnité », rappelle-t-il. Les établissements qui la signent – ce que l’Université du Manitoba prévoit faire – se prémuniront contre les réclamations pour violation du droit d’auteur de la part des éditeurs qui font affaire avec Access Copyright.

« L’entente nous procure une sécurité pendant un certain temps. De notre point de vue, il s’agit d’une dépense calculée. » L’entente donne également aux universités l’accès à du matériel qu’il est difficile d’obtenir autrement que par copie, comme un chapitre d’un manuel scolaire, ajoute-t-il.

Quant à savoir qui couvrira les coûts de cette nouvelle entente, M. Juliano croit que certaines universités feront payer la facture aux étudiants. Dans certaines provinces, dont la Colombie-Britannique et l’Alberta, les établissements d’enseignement ne sont pas autorisés à le faire en raison des restrictions touchant les frais de scolarité. L’Université du Manitoba prévoit quant à elle absorber les coûts plutôt que de demander aux étudiants de le faire.

L’entente, rétroactive au 1er janvier 2011, demeurera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015. Les licences seront automatiquement reconduites pour des durées d’un an pendant lesquelles l’une ou l’autre des parties peut l’annuler ou demander qu’elle soit renégociée. Comme l’explique M. Juliano, une entente à long terme élimine la possibilité d’un autre contentieux long et coûteux.

Un tarif provisoire établi par la Commission du droit d’auteur l’an dernier après l’expiration de l’accord précédent avait eu pour effet de prolonger la structure tarifaire jusqu’à l’établissement d’un nouveau tarif. À l’époque, certains établissements avaient accepté de se conformer aux modalités du tarif provisoire, tandis que plusieurs autres, dont l’Université du Manitoba, avaient choisi de ne pas se prévaloir du tarif et d’obtenir la permission de copier des œuvres directement des éditeurs et des détenteurs de droit d’auteur.

Les établissements qui avaient choisi de se prévaloir du tarif provisoire et qui signeront le nouveau modèle de licence d’ici le 30 juin 2012 ne se verront pas imposer de frais rétroactifs. Ceux qui ont choisi de ne pas se prévaloir du tarif provisoire ou qui signeront la nouvelle entente après la date butoir devront payer des frais déterminés en fonction d’une échelle mobile.

Selon les modalités de l’entente, les deux parties doivent concevoir et réaliser conjointement une analyse bibliographique et quantitative au cours des six prochains mois. Access Copyright utilisera les données pour distribuer les redevances à ses membres et fixer les tarifs des futures licences. La façon de procéder reste à définir, mais les renseignements seront probablement recueillis sur une base continue auprès de quelques établissements à la fois. Le modèle de licence n’autorise par Access Copyright à surveiller les courriels.

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