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Les librairies universitaires s’adaptent à leur époque

Les grignotines, les ordinateurs, la literie et les permis de stationnement y sont souvent plus populaires que les livres.

par ROSANNA TAMBURRI | 08 AVRIL 15

À en croire les évaluations sur Yelp, la librairie agrandie et rénovée de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a la cote. Ses visiteurs apprécient le design moderne, la luminosité, le café Starbucks et le dépanneur qui offre toute une gamme de grignotines santé. Mais qu’en est-il des manuels?

« Ne faites pas une erreur de débutant : n’achetez pas de manuels neufs à la librairie », conseille un évaluateur anonyme. Vérifiez plutôt leur prix sur Amazon ou sur Craigslist, achetez-les d’occasion ou passez-vous-en.  « Honnêtement, vous pouvez réussir de nombreux cours (je m’adresse ici aux étudiants en sciences) sans vous procurer les manuels obligatoires. »

De nos jours, les étudiants suivent ce genre de conseils. « Ils partagent un manuel avec un ami ou trouvent les ressources requises sur Internet », reconnaît Debbie Harvie, directrice générale des services universitaires de la UBC.

Cela s’est traduit par une diminution constante des ventes dans les librairies universitaires au pays. Et comme un malheur ne vient jamais seul, Apple Canada a mis un terme, l’an dernier, au contrat qui permettait aux librairies collégiales et universitaires de vendre ses iPad, ordinateurs portables et autres produits Apple. Pour s’adapter à ces bouleversements, de nombreux établissements ont adopté des stratégies chères aux détaillants : réduction des effectifs et diversification.

« Avant, les manuels constituaient 95 pour cent de l’offre des librairies », se rappelle Mme Harvie. Plus maintenant. En plus du Starbucks et du dépanneur, la nouvelle librairie de 4 300 mètres carrés de la UBC offre des articles-cadeaux, un point de vente Mountain Equipment Co-op et une vaste gamme de vêtements à l’effigie de la UBC et de ses équipes sportives, les Thunderbirds. Au début de chaque année universitaire, Bed Bath & Beyond et Wave Sans Fil installent des boutiques éphémères dans la librairie.

À l’étage, une spacieuse mezzanine offre aux étudiants de nombreux fauteuils et de l’espace pour étudier. Pour stimuler l’achalandage, la UBC y a déménagé son bureau de stationnement et ses services de carte d’identité. Quiconque stationne son véhicule ou vient chercher sa carte étudiante doit se rendre à la librairie. « La librairie est presque devenue un centre commercial », précise Mme Harvie, qui ajoute que la boutique évoluera selon les besoins du milieu universitaire pour « suivre notre époque et garder l’intérêt des clients. »

Ces efforts commencent à porter leurs fruits. La popularité croissante des articles-cadeaux, des vêtements, des produits de consommation courante et des ouvrages généraux a grandement compensé la chute des ventes de manuels et de matériel didactique. Les ventes devraient être encore à la baisse pour l’exercice se terminant le 31 mars 2015 (de 26 millions de dollars en 2014 à 23 millions cette année), ce qui découle en grande partie de la perte du contrat avec Apple.

Toutes les librairies universitaires se heurtent au même problème, affirme Jason Kack, directeur général de la librairie universitaire et de la boutique informatique de l’Université McGill : elles ont deux périodes de ventes de pointe par année, en septembre et en janvier. « Entre-temps, il faut miser sur d’autres produits pour générer des revenus. » L’Université a embauché un conseiller au détail, organisé des assemblées publiques et mis sur pied des groupes de discussion pour préparer l’avenir de sa librairie, qui devra déménager en 2016 pour permettre l’agrandissement de la Faculté de gestion Desautels. Cette transition pourrait se faire en plusieurs étapes, explique M. Kack. Un café, des salles d’études et l’offre de nouveaux produits figurent dans les plans de la nouvelle librairie, qui pourrait aussi créer des kiosques temporaires à la rentrée où les étudiants pourraient récupérer des commandes en ligne un peu partout sur le campus.

« Il faut transformer les lieux, en faire la destination unique pour tous les achats, selon M. Kack. Mais il faut beaucoup d’espace. Ça complique les choses. » Les ventes de vêtements et de produits à l’effigie de l’Université ont grimpé, et le programme de location de manuel a conquis les étudiants. Mais cela n’a pas compensé les pertes liées au déclin des ventes de matériel didactique et à la rupture du contrat avec Apple.

Comme d’autres universités situées dans un centre-ville, l’Université McGill manque d’espace. Il est donc difficile de s’inspirer des changements qu’a apportés la UBC. Les librairies universitaires situées au centre-ville sont aussi plus vulnérables à la concurrence des détaillants hors campus que les librairies comme celles de la UBC – le campus principal étant situé à 30 minutes du centre-ville de Vancouver.

En contrepartie, les librairies des petits campus ne peuvent pas toujours agrandir leurs locaux comme le font les grandes librairies en raison du manque de personnel ou de ressources. L’association Campus Stores Canada aide ses membres à s’inspirer de stratégies employées avec brio par d’autres magasins pour les adapter à leurs propres besoins. Selon Jennie Orpen, présidente de Campus Stores Canada et gestionnaire des marchandises à la librairie de la UBC, on propose entre autres aux petites librairies d’offrir les titres de transport et les services de carte étudiante ou d’organiser des événements avec des groupes musicaux ou des troupes de danse pour stimuler l’achalandage.

Les librairies universitaires doivent surmonter les mêmes obstacles que les autres librairies. « Les librairies Chapters ou Indigo offrent beaucoup moins de livres que par le passé », observe Donna Shapiro, directrice de la librairie de l’Université McMaster, une librairie qui a accru son offre d’articles-cadeaux, réduit son offre de publications commerciales et fermé une succursale. Anciennement nommée Titles, elle est devenue le Campus Store. Mais le changement de nom n’a pas autant suscité la controverse que la réduction de l’offre, surtout celle qui a touché la section des publications commerciales, qui a déjà été la plus importante à Hamilton. Les professeurs, qui appréciaient cette section, se sont opposés à cette décision, précise Mme Shapiro.

L’Université de l’Alberta a pour sa part fermé deux des succursales de sa librairie en 2013. Elle a récemment annoncé que la librairie francophone fermerait ses portes cette année et que ses activités seraient transférées en ligne. La UBC a aussi fermé une librairie à son centre de formation des adultes, au centre-ville. Le milieu universitaire a fini par reconnaître que ces changements étaient nécessaires, indique Mme Harvie, mais le projet d’enlever le mot « librairie » du nom de la boutique ayant reçu une vive opposition, l’Université y a renoncé.

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