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Conseils carrière

Avantages et inconvénients des MOOC

Les cours en ligne ouverts à tous pourraient révolutionner l’enseignement supérieur – vraiment?

par ROCHELLE MAZAR | 08 JAN 14

Les MOOC, ou cours en ligne ouverts à tous, ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, certains annonçant qu’ils révolutionneraient ou même anéantiraient le secteur de l’enseignement supérieur. Les MOOC méritent-ils un tel battage médiatique? Devraient-ils être une source d’engouement ou susciter plutôt de l’appréhension? L’avenir de l’enseignement supérieur réside-t-il dans ces cours en ligne ouverts à une multitude d’étudiants qui ne se rencontreront jamais en personne?

La complexe histoire des MOOC tire son origine d’une combinaison de facteurs, soit le libre accès, les nouveaux modèles de cours, les problèmes de financement et le débat sur le sens de l’enseignement et de l’apprentissage. Leur parcours est marqué par la notion d’apprentissage actif ainsi que par un désir de déjouer le système.

Qu’est-ce qu’un MOOC? L’acronyme anglais signifie « Massively Open Online Course ». Le terme « massively » renvoie aux jeux de rôle en ligne massivement multijoueur (« Massively Multiplayer Online Roleplaying Games », ou MMORPG), comme World of Warcraft. Les éducateurs qui connaissent le monde du jeu en ligne savent que des milliers de personnes peuvent contribuer à l’atteinte d’objectifs précis dans un cadre commun, en utilisant leurs propres solutions créatives tout en manifestant une forte solidarité mutuelle. Les MOOC visent en quelque sorte à transposer la philosophie des jeux en ligne au monde de l’éducation.

Il est tout à fait possible, et même très fréquent, de s’opposer au principe des MOOC. Beaucoup croient qu’il est impossible d’apprendre uniquement à l’aide d’outils en ligne, et que l’interaction en personne est indispensable. Mais si on y réfléchit sérieusement, on comprend que ce raisonnement fait fausse route. L’apprentissage n’est pas défini par les outils qu’on emploie ni les sens dont on dispose. Il ne repose pas sur la possibilité de voir le visage de quelqu’un sans intermédiaire technologique. Apprendre signifie être assez passionné, engagé et curieux pour consacrer temps et efforts à explorer un sujet ou à acquérir une habileté. On peut apprendre en lisant, en conversant ou en écoutant un exposé magistral. On peut apprendre autant en travaillant de ses mains qu’en manipulant une souris et un clavier. On peut apprendre aussi par essai et erreur. Et on peut très certainement le faire en ligne, sans rencontrer personne.

Nous savons que c’est vrai, car les gens hors du milieu universitaire le font tous les jours. Les internautes apprennent bien sûr en fréquentant des forums, en cherchant dans Wikipédia ou Google et en lisant des journaux ou des magazines en ligne. Mais ils acquièrent également une maîtrise poussée de certaines habiletés et méthodes par l’entremise de débats, de projets collaboratifs et de discussions en ligne, en jouant à des jeux d’action et en mettant en ligne du contenu audio et vidéo, des écrits, des dessins, des tableaux, des images modifiées par Photoshop et des objets tridimensionnels dans le cadre de communautés de jeu ou d’autres collectivités d’intérêts communs en ligne. Il existe ainsi des communautés littéraires, religieuses et scientifiques, des groupes d’adeptes du patrimoine local et de la géocache, des communautés constituées autour de Grand Theft Auto, de Star Trek, du jeu vidéo Portal, de la balado Welcome to Night Vale ou de Harry Potter. Les membres acquièrent souvent de toutes nouvelles compétences pour pouvoir prendre part à leur communauté en ligne, sans jamais rencontrer qui que ce soit en personne. Déterminer si tout cela est possible n’est plus la question : c’est de toute évidence possible, puisque ça se produit déjà.

Le milieu de l’éducation a fait quelques pas très timides vers la création d’environnements d’apprentissage semblables à ceux établis de manière informelle dans le cadre des communautés en ligne. Dans la plupart des cas, l’apprentissage en ligne dans le contexte de l’enseignement supérieur nous maintient dans notre zone de confort. Notre version de l’apprentissage en ligne reproduit le principe des cours traditionnels : lectures individuelles, exposé magistral, période de questions. Nous avons fait des progrès en intégrant des concepts comme les blogues, les wikis, les projets audio et vidéo, la rétroaction des pairs et les documents créés en collaboration, mais la grande majorité s’enlise toujours dans les ornières du cours magistral et des travaux de longue haleine. Nous pourrions faire plus, par exemple, concevoir des cours en ligne emballants, participatifs, interactifs et profondément ancrés dans l’univers virtuel, mais pour cela, il faudrait laisser de côté tout ce que nous connaissons de l’enseignement et de l’apprentissage, et repartir réellement de zéro.

Les MOOC réussissent-ils ce tour de force? Pour tout dire, je n’en suis pas certaine. Pas encore. Je crois cependant que c’est chose possible. C’est le concept du cours ouvert à tous qui fait peur, surtout lorsqu’on envisage l’attribution des notes. De fait, comment corrige-t-on 50 000 copies?

D’ailleurs, pourquoi voudrait-on réunir 50 000 étudiants dans un même cours? D’un point de vue cynique, l’avantage est pécuniaire : s’ils payent tous des frais de scolarité, l’incitatif est clair. Mais les MOOC sont généralement gratuits, du moins jusqu’à présent, d’où la notion de cours « ouverts à tous ». D’emblée, on imagine une salle de classe de la taille d’un stade olympique. Un tel cours serait impersonnel et unidirectionnel, les conversations privées et la tricherie y ayant libre cours. Dans une classe aussi vaste, nul besoin de démontrer ses acquis, parce que personne n’est à l’écoute. En revanche, prenons l’exemple de World of Warcraft, de YouTube ou de projets indépendants basés sur l’externalisation ouverte, ou « crowdsourcing », qui font appel à des millions d’adeptes et d’abonnés. Voilà la preuve qu’au sein de vastes communautés, chacun peut participer, créer, s’investir et devenir un chef de file. Et si le concept du MOOC ne consistait non pas à agrandir la salle de classe, mais plutôt à créer des espaces d’apprentissage virtuels comme ceux qui se créent déjà au sein des communautés en ligne? Et si les cours en ligne ouverts à tous devenaient un cadre où des gens partageant les mêmes intérêts se réunissent pour mettre leur passion en commun?

La plupart des professeurs que je côtoie seraient enchantés qu’un étudiant s’intéresse à leur travail par pure passion. Personne n’aime avoir l’impression d’être un robot qui donne des notes. Après tout, les titulaires de doctorat sont pour la plupart des passionnés de leur discipline. Peut-être est-il possible pour un étudiant qui s’intéresse à l’anthropologie d’explorer le sujet non pas pour obtenir une note ou un diplôme, mais simplement par amour de l’art. Par simple curiosité. On dissocie trop souvent le plaisir du travail. Pourquoi donc? Le plaisir est un ingrédient essentiel de l’apprentissage. C’est un signe d’engagement et d’enthousiasme. Jusqu’à présent, les MOOC existent pour donner à ceux qui le souhaitent l’occasion d’explorer un sujet sous la direction d’un expert. Le modèle se soustrait au modèle fondé sur les notes : il est si ouvert que les critères que nous croyons essentiels à l’apprentissage ne s’appliquent tout simplement pas.

Depuis de nombreuses années, la taille des salles de classe au premier cycle ne cesse de croître sans que les attentes envers les cours n’évoluent. Les étudiants obtiennent des crédits importants et les universités doivent assurer la qualité de la formation pour maintenir leur réputation de formatrices de bons diplômés. On craint que les MOOC représentent la prochaine étape de cette expansion : encore moins d’interaction entre professeur et étudiants, encore moins de travaux notés personnellement, sans toutefois abandonner le principe selon lequel le professeur doit garantir que les étudiants qui réussissent le cours ont acquis un seuil minimal d’apprentissage. Ces craintes sont compréhensibles et même parfaitement légitimes si les MOOC continuent de faire surtout appel à des exposés et à des tests en ligne. En revanche, si on oublie les craintes habituelles liées à l’attribution des notes, au plagiat et à l’écoute en classe, le portrait est tout autre. Si on attend des MOOC qu’ils créent des communautés discursives autour d’un sujet, où les participants se servent des connaissances qu’ils acquièrent pour créer du contenu porteur de sens autant pour eux que le reste du groupe, le processus éducatif change du tout au tout.

À l’heure actuelle, les deux scénarios sont envisageables. Le modèle pourrait en effet être révolutionnaire : il pourrait nous aider à devenir des pôles de passion et d’enthousiasme, qui favorisent l’apprentissage par le plaisir. Ou au contraire, il pourrait carrément limiter notre capacité d’engagement.

Google a récemment pénétré l’univers des MOOC, comme l’ont fait de nombreuses grandes universités. Il reste à savoir ce que tout cela signifiera pour nous. Si on ne réussit pas à faire des MOOC des communautés participatives de créateurs actifs, où il est inutile de tricher et où l’expérience ne se définit pas par une simple note, le modèle risque de simplement mettre en relief l’importance de l’apprentissage en personne offert dans les salles de classe et de séminaires traditionnels. Si, en revanche, les cours en ligne ouverts à tous révèlent une nouvelle façon d’améliorer l’apprentissage, ils pourraient en effet bouleverser notre milieu.

Rochelle Mazar est bibliothécaire spécialisée en nouvelles technologies à l’Université de Toronto à Mississauga.

Vous pouvez également écouter la version audio de cet article (en anglais seulement).

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