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Conseils carrière

Définir la relation entre étudiant et directeur de recherche aux cycles supérieurs : un défi de taille

Beaucoup d’étudiants se voient comme des travailleurs « opprimés », tandis que les professeurs se voient comme des experts qui formeront leurs étudiants brillants, mais inexpérimentés.

par JONATHAN DRIVER | 12 AOÛT 22

Sasha, qui étudie au doctorat en géographie, suit un cours donné par Pat, qui dirige également son doctorat. Pat attribuera bientôt une note au travail final de Sasha, conformément à la politique de notation de l’université. Sasha est par ailleurs auxiliaire d’enseignement pour le cours donné par Pat au baccalauréat, où leur relation est régie par une convention collective. Pendant l’été, Sasha, Pat et un groupe de finissant.e.s du premier cycle font de la recherche terrain dans l’Arctique. Sasha reçoit une rémunération à même la subvention de Pat pour superviser quelques étudiant.e.s et mener une partie des recherches. Durant leur séjour, Pat supervise Sasha en vertu de la convention collective des auxiliaires de recherche. Pat offre également du mentorat à Sasha, qui aspire à une carrière en recherche. Les travaux de Sasha sur le terrain seront au cœur de sa thèse et lui donneront la chance de coécrire un article avec Pat. Pat espère que Sasha proposera des idées qui lui auraient échappé. Bref, le succès de leur article dépend de leur capacité à bien travailler ensemble. 

En l’espace de quelques mois, Sasha noue avec Pat deux relations professionnelles (auxiliaire d’enseignement et auxiliaire de recherche), deux relations liées aux études (cours et mentorat) et une relation informelle de collaboration à un projet de recherche. Sans compter que, sur le terrain, Sacha et Pat se lient d’amitié en partageant les repas infects servis à leur campement. À cela s’ajoute une couche de complexité : à leur retour de l’Arctique, Sasha assume la présidence de l’association des étudiants aux cycles supérieurs en géographie; Sasha et Pat auront le même temps de parole ainsi qu’un droit de vote lors des réunions mensuelles du Département de géographie. 

De retour sur le campus, au début de la session d’automne, Sasha pense que tout va bien, mais Pat se montre particulièrement sévère dans sa correction du premier examen. Pat se réjouit que l’article corédigé avec Sasha ait été accepté, mais la direction du département lui transmet une plainte de l’association des étudiants aux cycles supérieurs, qui déplore l’absence de perspectives autochtones dans les cours – y compris dans son propre cours. Sans que Sasha et Pat sachent exactement pourquoi, leur relation commence à se détériorer. Or, ce n’est pas surprenant que les relations entre étudiant et directeur de recherche tournent au vinaigre quand les deux personnes portent plusieurs chapeaux, parfois en même temps.  

Quand j’étais doyen aux études supérieures, j’ai constaté que la plupart des problèmes entre étudiants et directeurs tenaient à deux causes. Premièrement, les étudiants et les directeurs ont du mal à démêler l’écheveau de leurs relations multiples. Deuxièment, une mauvaise communication quant aux attentes des deux parties provoque des frustrations, des malentendus, voire de l’hostilité.  

S’ils ne sont pas corrigés avant de se rendre aux oreilles de l’École des études supérieures, ces problèmes deviennent parfois insolubles parce que chaque personne se retranche derrière ses opinions. Quand les relations de direction de recherche dérapent, les étudiants sont portés à blâmer l’université en lui reprochant de ne pas sanctionner les comportements des « mauvais » professeurs. Les directeurs, eux, ont tendance à jeter le blâme sur les étudiants, qui devraient accepter sans broncher leur statut de subordonnés.  

Souvent, les étudiants et les directeurs n’ont pas la même vision de leurs rôles respectifs. Dans ce texte, je vais surtout me concentrer sur des programmes d’études supérieures axés sur la recherche plutôt que sur l’emploi, car les problèmes entre étudiant et directeur y sont plus fréquents.  

De nombreux professeurs voient cette relation comme une initiation ou du mentorat. L’initiation est un dur moment à passer pour l’étudiant, tandis que le mentorat implique un accompagnement en douceur. Dans un cas comme dans l’autre, le professeur se voit comme un expert qui transformera son étudiant brillant, mais inexpérimenté. Du point de vue du professeur, l’étudiant apprend de son directeur par le biais d’enseignement structuré et de supervision un peu moins structurée de la recherche. En observant l’enseignement du professeur et en participant aux activités pédagogiques comme auxiliaire d’enseignement, l’étudiant développe des compétences qui l’aideront dans sa carrière universitaire. Et en effectuant des recherches sous le regard attentif du directeur, l’étudiant se métamorphose en chercheur indépendant. Il n’est pas rare que les professeurs fassent vivre à leurs étudiants le genre d’« initiation » qu’ils ont eux-mêmes vécu. 

L’étudiant voit les choses différemment. Au baccalauréat (et parfois à la maîtrise), il excellait et a été récompensé pour ses compétences. Or, au début de son programme d’études supérieures axé sur la recherche, il découvre qu’il doit acquérir de nouvelles compétences et que les critères de réussite sont plus flous. Le directeur croit que ce programme transformera l’étudiant en universitaire indépendant, tandis que les syndicats d’auxiliaires d’enseignement et de recherche parlent plutôt d’« oppression ». Selon cette vision, les étudiants aux cycles supérieurs sont des travailleurs sans défense, à la merci de directeurs qui peuvent anéantir leurs espoirs. Ce déséquilibre amène le directeur à exploiter l’étudiant : longues heures de travail, vol de propriété intellectuelle, salaire insuffisant, occasions refusées, attentes irréalistes en matière de rendement. 

Tant l’approche « initiation » que l’approche « travailleur » s’appuient sur les intérêts des gens qui les préconisent. C’est facile pour un professeur de considérer l’entièreté de l’expérience des étudiants aux cycles supérieurs comme une période d’apprentissage aux multiples facettes, car il n’a pas à compartimenter ses comportements en différentes catégories : professeur, employeur, collègue, etc. C’est facile pour un syndicat d’auxiliaires d’enseignement et de recherche de dire que ses membres sont opprimés, car il n’a pas à reconnaître que les travailleurs et leurs directeurs sont unis par d’autres liens au-delà de la convention collective. Il ne reconnaît pas non plus que beaucoup de ses membres aspirent à faire partie des « oppresseurs ». 

La réalité des études supérieures, tant pour les étudiants que pour leurs directeurs, se résume ainsi : la vie est chaotique, et les relations sont compliquées. La meilleure façon de prévenir les problèmes, c’est de reconnaître cette complexité et d’utiliser des méthodes de communication simples pour éviter que la situation dégénère. Étant donné le déséquilibre immuable entre l’étudiant et le directeur, chacun doit appliquer des stratégies différentes pour assurer le succès de la relation. Un sujet que j’aborderai dans mes deux prochains textes. 

Jonathan Driver est professeur d’archéologie à temps partiel et ancien doyen aux études supérieures et provost de l’Université Simon Fraser. 

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