Les ateliers visant à encourager la participation en classe sont des incontournables dans les centres d’enseignement et d’apprentissage de tout le pays. Malheureusement, ils sont peu adaptés aux besoins d’un sous-groupe d’étudiants universitaires souvent oublié, celui des introvertis qui ne sont pas timides.
Malgré le succès du livre de Susan Cain La force des discrets : le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard et de sa conférence TED Talk (vue à plus de 10 millions de reprises), je n’ai pas l’impression que le milieu de l’apprentissage et de l’enseignement postsecondaire ait bien saisi l’ampleur de la situation.
Si nous voulons encourager tous les étudiants à participer en classe, nous devons réaliser que les timides ne sont pas toujours introvertis, et que les introvertis ne sont pas forcément timides.
La timidité est une forme d’anxiété sociale. Les étudiants timides voudraient souvent prendre part aux discussions en classe, mais ils s’inquiètent de la façon dont ils seront perçus et de ce qu’on pensera de leurs propos. Pour les faire sortir de leur coquille, il faut témoigner de l’empathie, gagner leur confiance et, par-dessus tout, mettre l’accent sur l’auto-efficacité. Les formateurs doivent repérer les étudiants timides et tisser des liens avec eux pour leur faire réaliser que leurs idées valent la peine d’être entendues et les encourager à s’exprimer.
Les recommandations relatives à la gestion de la timidité sont sans équivoque, fiables et fondées sur des recherches. La plupart, sinon toutes, mettent l’accent sur les thèmes suivants :
- être ouvert et accueillant;
- traiter chaque étudiant comme une personne à part entière;
- expliquer clairement pourquoi tout le monde doit participer en classe;
- bien expliquer en quoi consiste la participation;
- faire preuve de souplesse en permettant aux étudiants de contribuer de différentes façons;
- commencer le plus tôt possible l’acclimatation à l’université; et
- faire des commentaires clairs et francs sur les contributions individuelles à l’apprentissage en classe tout au long du semestre plutôt que seulement à la fin.
Malheureusement, certaines de ces stratégies sont inutiles pour les introvertis. Le problème découle du principe voulant qu’une barrière psychologique empêche la participation et qu’il suffit de l’éliminer pour changer le comportement.
Pour les introvertis, les conversations de groupe sont épuisantes physiquement, et non seulement psychologiquement. Comme ils sont conscients de ce qu’ils sont, ils pourront sciemment décider de ne pas prendre part à la discussion en classe même s’ils ont beaucoup à dire. S’ils parlent, ils auront tendance à le faire à la fin de l’échange, après avoir eu beaucoup de temps pour réfléchir.
Par conséquent, le problème n’est pas toujours lié à l’auto-efficacité : ces personnes ne doutent pas du bien-fondé de leurs opinions. Elles ne s’inquiètent pas nécessairement de la réaction de leurs pairs ou de leur enseignant à la suite de leur intervention. Elles cherchent plutôt à se protéger sur le plan physiologique.
À titre d’exemple, une personne introvertie qui a plusieurs cours ou activités sociales dans la même journée pourra choisir de préserver son énergie en gardant le silence, tout en étant pleinement consciente des conséquences (comme une note de participation faible).
Les recherches et les recommandations concernant les façons de favoriser la participation de ce type de personne sont beaucoup moins abondantes. D’après mon expérience, le fait de mettre l’accent sur l’autonomie va à l’encontre du but recherché : en convainquant les introvertis que leurs idées sont pertinentes, nous renforçons leur confiance en leur jugement général. S’ils jugent devoir garder le silence, ils seront encore plus à l’aise de le faire.
Lors de mes derniers séminaires, j’ai commencé à faire l’essai de deux stratégies. La première est de nature intellectuelle. J’explique que le point de vue d’une seule personne et le contenu des lectures obligatoires n’égaleront jamais la richesse des idées échangées sur le vif par un groupe de gens. En termes simples, chaque voix est importante.
Je souligne aussi un point éthique. Qu’ils participent ou non aux débats, les introvertis profitent des idées de leurs collègues extravertis. Ils apprennent à leur contact, si bien qu’il serait juste de leur offrir quelque chose en retour. Si tout le monde attendait à la fin du cours pour parler, aucune discussion ne serait possible.
Je ne sais pas si ma démarche est la meilleure, et sa réussite n’est pas constante. Mais il est évident que la timidité et l’introversion sont des phénomènes distincts. Bien sûr, les introvertis sont souvent timides, mais ce n’est pas systématique. Il peut donc être utile de se demander comment adapter nos méthodes en conséquence pour favoriser la participation en classe.
Adam Chapnick est directeur adjoint de l’éducation au Collège des Forces canadiennes à Toronto.