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Conseils carrière

La vulgarisation scientifique vue de l’intérieur

La rédactrice en chef de Découvrir propose quelques pistes pour réussir sa vulgarisation scientifique.

par PASCALE CASTONGUAY | 22 MAR 19

Comment transmettre l’essentiel de vos travaux à des gens plus ou moins familiers avec votre objet de recherche? À cette question, la rédactrice en chef du magazine Découvrir de l’Association francophone pour le savoir, Johanne Lebel, répond que la vulgarisation scientifique peut s’avérer utile. Celle-ci a d’ailleurs animé un atelier sur la vulgarisation lors des Journées de la relève en recherche en octobre dernier.

Dans le cadre de cette présentation à laquelle une soixantaine d’étudiants aux cycles supérieurs ont pris part, Mme Lebel a offert des trucs afin d’initier les participants à la vulgarisation. D’entrée de jeu, elle déboulonne le mythe voulant que la recherche soit confinée à la tour d’ivoire. « Les chercheurs qui ne communiquent pas leur savoir à un autre public que leurs pairs sont très rares », soutient-elle.

Mettant en application les techniques qu’elle s’apprêtait à exposer, elle a défini la vulgarisation comme étant l’art « de raconter une bonne histoire, dans votre cas, c’est une histoire vraie ». Pour la rédactrice en chef, l’un des principes de la vulgarisation se résume à « jamais d’idée sans fait et de fait sans idée ». Si elle estime qu’il n’y a « rien de pire qu’une phrase générale qui n’est pas appuyée », elle ne s’inquiète pas pour autant pour les étudiants. « C’est la base de ce que vous faites : toujours associer de la théorie à des démonstrations et illustrer vos propos continuellement. »

Si d’aucuns suggèrent d’éviter de parler de la méthodologie dans un texte ou un exposé vulgarisé, Mme Lebel n’est pas de cet avis. « Sortez-moi ça du placard, apprenez juste à en parler. C’est ça qui vous différencie. On croit en ce que nous disent les scientifiques parce qu’on sait qu’ils ont une méthode, qu’ils sont rigoureux et que ça fait des années qu’ils travaillent sur un sujet. » Elle invite d’ailleurs les étudiants à écouter les balados de l’émission La méthode scientifique de France Culture pour s’en inspirer.

Privilégiant la clarté, la spécialiste n’y va pas par quatre chemins : derrière une bonne histoire, qui a du style et qui est pertinente pour votre public, se cache un travail intellectuel.  « Vous ne réussirez pas à vulgariser votre recherche du jour au lendemain, c’est vraiment un travail. »

Avant même de commencer à raconter une histoire, elle conseille de bien cerner les gens à qui celle-ci s’adresse. Un bon moyen de déterminer ce qui pourrait les intéresser est de rencontrer les gens à qui vous vous adressez et de porter attention à comment ils parlent du sujet et à leurs préjugés par rapport à celui-ci. Une première piste pour arriver à capter l’attention des interlocuteurs consiste à identifier « trois éléments dans votre recherche qui peuvent étonner ou séduire ».

Si, règle générale, le mot d’ordre est d’avoir un minimum de termes techniques et de les expliquer, cette recommandation est particulièrement pertinente pour les étudiants en sciences sociales et humaines. « Vous devez être très prudents si vous utilisez des termes comme “agressivité” ou“culture”. Expliquez dès le départ ce que vous entendez par ces termes », précise Mme Lebel.

Reformuler, contextualiser et toucher sont les trois stratégies qu’elle trouve particulièrement efficaces pour aborder la vulgarisation. D’abord, reformuler les termes pour les définir, les décrire, les comparer et fournir des exemples. Par contextualiser, elle entend à la fois de préciser le sujet de la recherche et d’étendre sa portée en fonction de ce qui est le plus pertinent. Finalement, toucher les gens en racontant comment s’est faite votre recherche, en misant sur une anecdote ou en décrivant votre environnement de travail.

Celle qui recommande de « tenir un cahier de notes » martèle que c’est la clé pour « sérieusement apprendre à communiquer votre recherche. Il ne faut pas que ça reste dans votre tête. Commencez à mettre ça sur papier. » Elle invite d’ailleurs les gens à éviter toute forme de distraction lorsqu’ils sont en rédaction. « Quand vous écrivez, vous ne faites rien d’autre, c’est ce qu’un auteur appelait les heures royales. »

Celle qui a édité plus de 1000 textes au cours de sa carrière en a tiré quelques conseils, tels que de miser sur la simplicité, la clarté et les phrases courtes. « Soyez concis, enlevez tout le superflu », ajoute-t-elle. Consciente de la multitude d’information livrée aux étudiants, Mme Lebel termine son atelier en revenant sur un point auquel elle tient. « Si vous ne reteniez qu’un conseil, pour l’écrit, relisez-vous à haute voix. Si vous n’êtes pas capable de lire vos phrases avec aisance, ça ne fonctionne pas. »

Pour ce qui est de la forme, Mme Lebel reprend les propos de la journaliste française Françoise Giroud qui expliquait l’importance de commencer son texte en force en disant : « Vous avez six lignes. Si vous ne m’avez pas intéressée au bout de six lignes, c’est fini. »  En plus de prévenir les étudiants quant aux risques de négliger le tout début de son texte, elle souligne que le même soin devrait être apporté à la  conclusion puisque ce sera le dernier élément avec lequel les gens seront en contact.

Quant à ce qu’elle appelle « l’équipement de base », voici ce qui représente le minimum en termes de vulgarisation à ses yeux :

  • un titre bien fait;
  • un texte de 100 mots;
  • un texte de 750 mots;
  • deux résumés à l’oral de 30 secondes : un léger et un sérieux; et
  • un résumé oral de 3 minutes.

Réussir sa vulgarisation scientifique ne se limite pas à mettre en application l’ensemble des trucs appris dans l’atelier, il est aussi question d’éviter les écueils. À ce sujet, Mme Lebel recommande de jeter un coup d’œil à la vidéo du sociologue historien Yves Gingras intitulée Comment ne pas faire une communication scientifique.

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