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À mon avis

Fracasser le plafond queer : des têtes dirigeantes ouvrent la voie

Les universitaires doivent s’engager à offrir des débouchés équitables aux femmes et aux personnes dotées d’identités intersectionnelles s’identifiant comme femmes.

par JULIE CAFLEY | 16 OCT 23

Quand Joël Dickinson est devenue la 14e rectrice et vice-chancelière de l’Université Mount Saint Vincent en 2022 – et la première rectrice ouvertement homosexuelle de cet établissement – elle a signé rien de moins qu’une révolution dans le monde universitaire.

Mme Dickinson m’apprenait récemment que son entretien pour le poste a été l’un des premiers moments où elle ne s’est pas sentie désavantagée par son appartenance à la communauté queer, citant que l’importance accordée par l’établissement à l’équité, la diversité, l’inclusion et à l’accessibilité est ce qui l’a attirée, et ce qui contribue à instaurer un climat où les personnes candidates au rectorat peuvent être elles-mêmes. « Quand j’ai soumis ma candidature à cette université, j’avais fait des recherches et j’étais certaine que je pourrais me montrer sous mon vrai jour », relate-t-elle.

Les choses n’ont pas toujours été ainsi.

Revenant sur ses expériences d’entretien antérieures, elle raconte : « Je vivais de grands débats intérieurs au sujet des risques encourus. Parfois, je sentais que je devais taire mon identité. Il m’est arrivé de mentionner que j’avais un fils. Une personne du comité de sélection m’a alors demandé ce que faisait mon mari dans la vie. J’ai décidé de rester fidèle à ce que je suis, et j’ai répondu “Elle est enseignante”. Et ce fut le silence. Je me suis demandé s’il était possible de véritablement me sentir à l’aise d’intégrer mon identité à ma vie professionnelle, mais j’ai décidé que le jeu en valait la chandelle. »

Cet été, l’Université Dalhousie a annoncé la nomination d’une première femme et première personne queer au poste de rectrice, Kim Brooks. Parmi ses 15 collègues du regroupement U15 représentant les universités canadiennes les plus axées sur la recherche, Mme Brooks est seulement la deuxième femme et la troisième personne s’identifiant comme 2SLGBTQI+. Dans un contexte où ce rôle est majoritairement occupé par des hommes blancs cisgenres hétérosexuels, sa nomination est un symbole tangible de progrès.

« Joël Dickinson de l’Université Mount Saint Vincent est un formidable exemple à suivre pour des gens comme moi. Je souhaite que nous puissions collectivement favoriser une riche diversité chez les personnes nommées au rectorat des établissements canadiens », déclare Mme Brooks.

Ces nominations portent un pouvoir considérable. Selon mes expériences et mes travaux dans le secteur, j’estime que 10 % des recteurs et rectrices au Canada s’identifient publiquement comme personnes 2SLGBTQI+.

Pour les étudiant.e.s 2SLGBTQI+, le fait de voir de telles personnes à des postes de direction représente un message fort, montrant qu’on peut être soi-même. C’est ce qui donne aux jeunes la confiance nécessaire pour rêver grand sans renoncer à leurs objectifs. Il est vital d’être en mesure de voir le champ des possibles. Comme l’a dit Marian Wright Edelman : « On ne peut pas être ce qu’on ne voit pas ». Quand on voit des personnes qui nous ressemblent diriger une organisation, c’est une abondance de possibilités qui s’ouvrent devant nous.

Pourtant, des dirigeant.e.s queers m’ont confié toujours recevoir des conseils pour « cacher » leur identité au moment de poser leur candidature à des rôles de direction à cause des risques éventuels. Il demeure qu’un.e dirigeant.e qui incarne sa pleine identité au travail envoie un message puissant.

Comme membres de la communauté universitaire, que peuvent faire les professeur.e.s et les employé.e.s pour créer des occasions et intégrer l’inclusion aux objectifs organisationnels en matière de représentation? Voici quelques points de départ :

  • Parrainer des candidatures qui ne cadrent pas avec les stéréotypes habituels à des postes de direction.
  • Donner une place aux voix qui ne sont pas entendues dans les hautes sphères.
  • Employer un vocabulaire neutre, par exemple « partenaire », « proche » ou « personne »; dans le doute, revoir la phraséologie pour éliminer les pronoms.
  • Mentionner ses pronoms au moment de se présenter et dans sa signature de courriel.
  • Adopter des politiques antidiscrimination ainsi que des régimes de prestations complémentaires créant une égalité entre les travailleurs et travailleuses 2SLGBTQI+ et les autres.

Les universitaires doivent s’engager à offrir des débouchés équitables aux femmes et aux personnes dotées d’identités intersectionnelles s’identifiant comme femmes. Quand on s’engage à donner leur place aux voix intersectionnelles, il faut prévoir un cadre véritablement équitable.

La précurseure Marian Wright Edelman a dit : « À aucun moment je n’ai pensé que je brisais le plafond de verre. J’ai fait ce que j’avais à faire; je n’ai jamais songé à faire autrement. » Aujourd’hui, il faut poser des actions pour accroître la représentation : l’heure est venue de briser le plafond queer.

Julie Cafley est la directrice générale de Catalyst Canada, un organisme mondial à but non lucratif voué à la création de milieux de travail inclusifs. Sa thèse de doctorat a porté sur les mandats inachevés au rectorat des universités canadiennes et sur le nombre disproportionné de femmes ayant vécu une telle situation.

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