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À mon avis

La pandémie nous a appris que la santé mentale est nécessaire à l’apprentissage

Comment un cours sur la science de l’apprentissage est-il devenu un cours sur l’importance de la santé mentale dans l’acquisition de compétences universitaires?

par EMIL MARMOL & TYLER EVANS-TOKARYK | 09 DÉC 21

Notre expérience d’enseignement d’un cours de transition de première année a mis en évidence les défis que les étudiants ont dû relever pendant la pandémie. Le cours présente des articles évalués par les pairs sur la science de l’apprentissage ainsi que de récents résultats de recherche sur les moyens les plus efficaces d’acquérir et de mettre en pratique des compétences universitaires de base (par exemple, la rédaction universitaire, la lecture critique et la gestion du temps). Le cours est généralement donné dans une classe dynamique permettant aux étudiants de réaliser des exercices en petits groupes visant à mettre en pratique les compétences qu’ils découvrent d’abord par la lecture. Il comporte également un volet d’apprentissage par l’expérience, dans le cadre duquel les étudiants installent des tables sur le campus et présentent aux membres du milieu des articles de recherche sur l’acquisition de compétences universitaires.

Comme bon nombre de nos collègues, nous avons investi beaucoup de temps et d’efforts à l’été 2020 pour que ce cours puisse être offert en ligne à l’automne. Pour soutenir les étudiants pendant la pandémie, on a demandé aux professeurs d’être plus souples à l’égard des délais et d’adopter des politiques de cours spécifiquement pour les étudiants de différents fuseaux horaires ou pour ceux dont l’environnement rendait difficile l’apprentissage en ligne. À bien des égards, l’élément à retenir était de prendre en compte la santé mentale des étudiants lors du remaniement de nos cours pour les offrir en ligne.

Ces préoccupations concernant la santé mentale des étudiants se sont avérées fondées. Ils avaient besoin de ce type de soutien et en ont bénéficié. Le premier signe que l’apprentissage en ligne posait problème a été le nombre de conversations que nous avons eues au cours des premières semaines du trimestre avec des étudiants qui souhaitaient abandonner le cours. Pour la première fois dans sa courte histoire, le nombre d’inscriptions au départ était en deçà de 100 % de sa capacité, et à la fin du trimestre, il en était à moins de 30 %. Pour la toute première fois, de nombreux étudiants nous ont dit vouloir continuer à suivre le cours, mais se sentir incapables de gérer une charge de cours à temps plein. Beaucoup d’entre eux ont envoyé des courriels pour s’excuser d’avoir abandonné le cours, admettant qu’ils se sentaient dépassés et stressés d’avoir commencé leurs études universitaires en ligne, durant une pandémie. Ils étaient d’autant plus nombreux à mentionner qu’il était difficile d’assister à des cours et de respecter des échéances établies selon un fuseau horaire différent.

Avec la taille réduite des groupes, il nous a semblé encore plus simple et important de mettre en pratique notre pédagogie tenant compte des traumatismes et de favoriser la santé mentale des étudiants. Par exemple, nous avons instauré une « exception » à la politique de retard standard pour les gros travaux à remettre. Pour tenir compte des circonstances extraordinaires dans lesquelles nous devions enseigner et apprendre, nous avons offert à chaque étudiant la possibilité d’obtenir 48 heures de plus, « sans aucune question », pour remettre tout travail de rédaction important. Plus de la moitié de la classe a eu recours à cette prolongation. D’autres règles de cours ont été mises en œuvre, entre autres : une augmentation de la communication par courriel (contact et nouvelles environ deux fois par semaine); coloriage en ligne au début des cours; musique au début et à la fin de tous les cours (les étudiants ont été encouragés à faire des recommandations); usage de la caméra recommandée, mais non exigée pendant les cours (environ un tiers des étudiants ont gardé leur caméra allumée); évaluations à faire à la maison sans surveillance électronique.

Les réactions des étudiants par rapport au cours et à nos efforts pour les soutenir ont démontré à quel point leur santé mentale les préoccupait. En effet, beaucoup ont choisi d’aborder la santé mentale, peu importe le sujet qui leur était assigné. Par exemple, le travail final du cours est un document de recherche réalisé à long terme qui comprend un document stratégique et un exposé sur la façon d’améliorer les compétences universitaires de base des étudiants. Lors des années précédentes, seuls quelques étudiants ont tenté d’établir un lien de causalité entre les problèmes de santé mentale, comme l’anxiété ou l’incapacité des étudiants à exceller dans une compétence universitaire particulière. Cependant, durant la pandémie, environ la moitié des étudiants ont tenté (souvent sans succès) d’établir un lien de causalité entre divers problèmes de santé mentale et de piètres compétences scolaires. Nous avons immédiatement remarqué ce qui semblait être un appel à l’aide.

Au fil du trimestre, nous avons constaté une attention semblable accordée à la santé mentale dans d’autres aspects du cours. Les étudiants discutaient de santé mentale dans leurs réflexions et réponses aux lectures hebdomadaires, et certains ont même laissé entendre ou déclaré avec franchise qu’ils souffraient de problèmes de santé mentale. La preuve la plus manifeste des effets de la pandémie sur le bien-être des étudiants fut peut-être la qualité des travaux remis. Les travaux étaient nettement moins bons que ceux des cours précédemment offerts. Dans de nombreux cas, les étudiants ont voulu aborder la santé mentale en plus du thème demandé, ou simplement dévier du sujet pour en faire un exposé sur la santé mentale, ce qui a nui à la qualité du travail. Dans d’autres cas, les étudiants n’ont tout simplement pas consacré le même degré d’efforts à la rédaction.

L’un des tutoriels du cours, « Devenir un apprenant actif », présente un volet sur la santé et le bien-être dans le contexte de la réussite scolaire. Dans les années précédentes, les étudiants affirmaient ne pas comprendre le lien entre ce sujet et les principaux objectifs du cours. Depuis la pandémie, leur opinion a certainement changé. Dans leurs formulaires de rétroaction, les étudiants se sont montrés fortement en faveur de ce tutoriel. Certains ont même affirmé qu’il s’agissait de la partie la plus utile du cours. Nous avons également retrouvé ce genre de commentaire dans la partie de réflexion de l’examen final. Certains étudiants ont décrit le tutoriel sur la santé et le bien-être comme l’expérience d’apprentissage la plus utile du cours dans son ensemble. Les tutoriels ont même rempli une fonction thérapeutique en permettant des discussions informelles sur la pandémie et ses effets sur l’apprentissage, et en offrant une occasion d’interaction sociale dont ils avaient désespérément besoin. Les étudiants et l’assistant à l’enseignement ont eu des moments de réflexion et d’apprentissage, de même que des conversations moins sérieuses.

D’après notre expérience, la formation et la préparation se sont certes avérées utiles pour atténuer les effets de la pandémie sur les étudiants, mais cette planification ne sera jamais suffisante. Les étudiants ont fait preuve de résilience. Avec les bons outils et des aménagements appropriés, nous savons qu’ils peuvent au moins survivre dans ces circonstances difficiles, à défaut de s’épanouir. Au départ, notre cours sur la science de l’apprentissage ne se voulait pas un cours sur l’importance de la santé mentale dans l’acquisition des compétences universitaires, mais ce changement de priorité fut enrichissant, autant pour les étudiants que pour les professeurs. Nos étudiants ont pris le contrôle de leur éducation et nous ont appris que la santé mentale est une condition nécessaire à tout apprentissage. Ils nous ont également rappelé que pour réussir, nous devons tous parler de notre santé mentale, surtout dans la période inédite dans laquelle nous vivons, enseignons et apprenons.

Emil Marmol est titulaire d’un doctorat de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto. Tyler Evans-Tokaryk est professeur agrégé et directeur du Centre de compétences universitaires de l’Université de Toronto.

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