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À mon avis

Santé mentale : est-ce le moment de rendre la formation obligatoire pour les étudiant.e.s?

Malgré les efforts déployés pour protéger la santé mentale étudiante, les services offerts ne répondent pas aux besoins.

par ELOÏSE FAIRBANK | 16 AVRIL 24

Nous connaissons depuis longtemps la présence de problèmes de santé mentale à l’université : plus de la moitié des étudiant.e.s souffrent de dépression ou d’anxiété, comparativement à 11 % de la population générale. Les conséquences sur le développement mental et scolaire sont durables, conduisant même parfois à l’abandon des études. Hélas, la situation s’est considérablement détériorée durant la pandémie de COVID-19 et des stresseurs sociopolitiques comme le mouvement Black Lives Matter, la guerre en Ukraine et le conflit entre Israël et le Hamas n’ont fait qu’empirer les choses, exacerbant toujours plus la pression sur les services publics de santé mentale. Bien que les universités aient repris leurs activités en personne, un rapport que l’Alliance canadienne des associations étudiantes a produit en 2022 en partenariat avec la Commission de la santé mentale du Canada indique que « maintenant, plus que jamais », il est essentiel de prendre des mesures préventives à grande échelle pour favoriser la santé et le bien-être psychologiques des étudiant.e.s.

Les interventions actuelles

Les universités font ce qu’elles peuvent pour offrir divers services individuels et de groupe en santé mentale. Toutefois, malgré la variété des services offerts et la levée des tabous entourant la santé mentale, la participation étudiante n’est pas au rendez-vous. On peut expliquer cette indifférence par le manque de temps et de motivation (conviction que les services seront utiles), et par une mauvaise connaissance des symptômes de problèmes de santé mentale (comme ceux de la dépression). Les personnes particulièrement sujettes aux stresseurs psychologiques et scolaires – étudiant.e.s à faible revenu ou provenant de l’étranger, proches aidant.e.s ou parents, personnes avec des antécédents de maladie mentale, etc. – ont plus de difficulté à accéder aux services, car leurs responsabilités supplémentaires, comme l’obligation de travailler à temps partiel, leur laissent peu de temps libre.

Mais le désintérêt étudiant peut aussi s’expliquer par les lacunes dans l’accessibilité et la visibilité des services. Par exemple, il existe des services psychologiques individuels, mais les listes d’attente sont longues; selon un sondage, un an après la pandémie, seulement 15 % des étudiant.e.s avaient profité de services de counseling offert par leur établissement. Quant aux interventions de groupe, comme le soutien entre pairs, les ateliers d’écoute active et les activités de réduction du stress (p. ex., cours de yoga gratuits), elles sont largement sous-utilisées.

Tout cela montre la nécessité d’apporter des changements aux systèmes de soutien en santé mentale dans les universités. Comment favoriser la participation étudiante? Peut-on améliorer les connaissances étudiantes en matière de santé mentale pour prévenir les difficultés?

L’éducation et la formation obligatoire en santé mentale

Plusieurs écoles et universités offrent déjà une éducation en santé mentale sous forme de stratégies et de programmes qui en font la promotion, et ce, avec des résultats probants. Par exemple, grâce au document La santé mentale et l’école secondaire – Guide de programme les élèves et enseignant.e.s du secondaire peuvent en savoir plus sur les préjugés entourant la maladie mentale et l’importance de la communication, en plus d’apprendre à chercher de l’aide et à renforcer leur résilience. Il a également été démontré que le très populaire cours The Science of Well-Being, qu’enseigne Laurie Santos à l’Université Yale, améliore le bien-être des personnes qui l’ont suivi. S’il s’agit ici d’interventions à long terme (sur toute une session), elles montrent que l’éducation en santé mentale peut servir à la fois de ressource pédagogique et d’outil de promotion de la santé.

Les formations obligatoires dans les universités ne sont pas inédites au Canada; elles ont l’avantage d’offrir une période réservée pour en apprendre davantage sur un sujet donné. Au Québec, par exemple, la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur prévoit des formations obligatoires pour l’ensemble des étudiant.e.s et des membres du personnel. Certains établissements proposent également des modules obligatoires sur l’intégrité universitaire.

En suivant une formation obligatoire en santé mentale, les étudiant.e.s apprendraient des stratégies simples pour mieux gérer leur stress et auraient une meilleure connaissance des problèmes de santé mentale et des ressources professionnelles à leur disposition. En outre, en intégrant une telle formation à leurs activités d’orientation, les universités montreraient que le sujet leur tient à cœur.

Il subsiste évidemment encore bien des questions et des obstacles potentiels à prendre en considérations dans les discussions portant sur les avantages que pourraient avoir une telle formation. L’aspect obligatoire entraînerait-il un désintérêt? Combien de temps voudrait-on consacrer à cette formation? Trente minutes, deux heures? Pour qu’elle porte ses fruits, combien de temps doit-elle durer? Une formation ponctuelle serait-elle suffisante? Selon une étude menée dans des campus aux États-Unis, les formations obligatoires sur les inconduites sexuelles sont peu efficaces si elles sont offertes en une seule séance. La formation devrait-elle s’étendre sur toute une session?

Les étudiant.e.s universitaires sont stressé.e.s depuis longtemps et la situation ne fait que s’aggraver. Il est donc impératif d’améliorer et de restructurer l’éducation en santé mentale. Les universités ont un grand rôle à jouer dans la protection du bien-être étudiant tout au long du parcours scolaire. Qui plus est, elles peuvent contribuer à alléger le fardeau du secteur de la santé publique. Puisque les avantages de l’éducation en santé mentale sont avérés, les universités devraient songer à donner des formations obligatoires sur le sujet. Si on réussit ainsi à prévenir la détérioration de la santé mentale, on réduirait la demande pour les autres services psychologiques offerts par les établissements. La formation obligatoire pourrait être la pièce manquante d’une offre de services visant à améliorer non seulement la santé mentale des étudiant.e.s, mais aussi leur expérience universitaire.

Pour trouver des ressources, consultez le site Web de l’Association canadienne pour la santé mentale.

La première version de cet article a été rédigée dans le cadre d’un atelier du ComSciConQC.

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