Deux annonces inattendues ont frappé l’éducation universitaire de langue française en Ontario le 1er février : l’Université de l’Ontario français a perdu son premier recteur et l’Université Laurentienne veut se mettre à l’abri de ses créanciers.
Une semaine plus tard, l’annonce de la « situation d’insolvabilité » de l’université du Nord de l’Ontario crée encore des remous. Professeurs, médias et analystes sont à la recherche de la cause pendant que l’établissement semble plutôt regarder vers l’avant.
La nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans le Grand Sudbury et dans la communauté franco-ontarienne, mais aussi à l’intérieur des murs de l’établissement. Parmi les intervenants qui ont parlé tout en demandant l’anonymat, tout comme à l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL), la surprise était totale.
Le recteur et vice-chancelier de l’Université Laurentienne, Robert Haché, n’a accordé aucune entrevue aux médias, mais la direction a très rapidement fait preuve de transparence en mettant en ligne un site Web expliquant la situation et l’accès au plus de 1 750 pages soumises à la Cour pour la demande de protection sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Dans ses messages à la communauté universitaire, le recteur se fait rassurant et optimiste, surtout envers les étudiants. Il assure que la supervision judiciaire permettra une restructuration en trois mois. D’ici là, la session et les opérations quotidiennes se poursuivent normalement.
La restructuration envisagée inclut la révision des programmes moins performants. L’APPUL s’attend à ce que les 17 programmes pour lesquels les inscriptions avaient été suspendues à l’automne 2020 soient plus particulièrement ciblés. Neuf de ces programmes sont en français. Le syndicat est inquiet que l’offre de cours en français soit démesurément affectée par la restructuration.
Les effets à long terme sont encore difficiles à prévoir, mais le trésorier de l’APPUL et professeur au Département de marketing et de gestion, Jean-Charles Cachon, croit que la réputation de la Laurentienne ne sera pas affectée. Il souhaite surtout voir les gouvernements intervenir. « Le gouvernement doit s’engager dans cette histoire-là et subvenir aux besoins de l’institution. Ce serait la solution la plus simple qui causerait le moins de tort à la communauté. »
UOF : « l’équipage » toujours prêt
La nouvelle de la démission du recteur de l’Université de l’Ontario français (UOF), André Roy, est survenue seulement une dizaine de jours après que les médias ont rapporté que la nouvelle université n’avait reçu que 19 demandes d’admission par le biais du Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario et une vingtaine d’adultes et d’étudiants étrangers pour sa première rentrée. Les rumeurs n’ont pas tardé, mais la présidente du conseil de gouvernance, Dyane Adam, assure que le départ du recteur est dû à des raisons personnelles qui n’ont rien à voir avec les inscriptions.
De plus, entre les deux dates, les demandes ont continué d’entrer et ils en avaient presque 60 le 5 février.
La planification initiale avait avancé le chiffre de 180 inscriptions pour la première session, concède Mme Adam, mais « ce chiffre-là n’a pas été révisé à la suite de l’exercice de planification ». Trois années de plus que prévu ont séparé la planification et l’ouverture, en raison de l’annulation du projet par le gouvernement ontarien en 2018.
L’UOF naît dans un contexte moins qu’idéal. Les étapes d’approbation de ses programmes ont seulement été complétées en octobre 2020. Avant cette date, elle n’avait pas le droit d’en faire la promotion. Son offre est donc arrivée au moment où le choix de plusieurs futurs étudiants était déjà fait, explique la présidente.
En raison de toutes ces variables – et de la pandémie mondiale –, elle est satisfaite du résultat et repousse les critiques en rappelant que tout ne se joue pas à la première rentrée. « L’UOF a reçu un [financement] de démarrage sur huit ans, ce n’est pas pour rien. » Elle trouve d’ailleurs encourageant que les demandes soient réparties de façon relativement égale entre les quatre programmes.
Le départ du recteur ne change donc rien au projet. « Le capitaine part, mais l’équipage reste » et le bateau avancera, insiste Mme Adam.
Les prochains mois seront consacrés à transformer les demandes en admissions, ajuster les démarches de recrutement pour la prochaine tournée et trouver un nouveau recteur.