« Parlons d’abord de ce que vous avez sans doute en tête », a dit d’entrée de jeu la ministre fédérale des Sciences, Kirsty Duncan, dans un discours prononcé lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes, le 2 novembre, devant une salle remplie de chercheurs, d’universitaires, de bailleurs de fonds et de responsables de l’élaboration des politiques à Ottawa. « La hausse du financement accordé aux sciences, a-t-elle poursuivi. C’est une de mes priorités et ça va le rester. »
Mme Duncan a réitéré les efforts qu’elle déploie pour accroître la diversité et l’équité en sciences et a discuté des changements effectués lors des deux premières années de son mandat. Elle a également parlé des appels à l’action du rapport de l’examen du soutien fédéral aux sciences (le rapport Naylor) qu’elle a commandé en 2016. « Je suis d’accord avec la majorité des recommandations et j’agis pour en mettre de nombreuses en œuvre », a affirmé Mme Duncan, en insistant sur l’importance de la recherche dirigée par les chercheurs.
Quelques heures auparavant, Mme Duncan avait annoncé des changements au Programme des chaires de recherche du Canada. Ces modifications limitent les titulaires de chaire de niveau 1 à deux mandats de sept ans et donnent aux universités la latitude requise pour permettre le passage d’une chaire de niveau 1 à une chaire de niveau 2, toutes disciplines confondues, jusqu’au mois de décembre 2019 afin d’accroître la diversité parmi les titulaires de chaire. Ces changements donnent suite au rapport Naylor et à la recommandation de procéder à une évaluation quindécennale du Programme des chaires de recherche du Canada. Dans le cadre d’une initiative distincte, les universités devront soumettre d’ici décembre des plans d’action en vue de respecter les cibles du Programme des chaires de recherche du Canada en matière de diversité d’ici 2019.
Le 27 octobre, soit une semaine avant le discours de Mme Duncan, le gouvernement a annoncé la création du Comité de coordination de la recherche au Canada et lui a confié le mandat d’harmoniser les programmes et les politiques des organismes subventionnaires et de la Fondation canadienne pour l’innovation. Les membres du Comité doivent soumettre d’ici deux mois un plan de travail pour « définir comment ils aborderont des priorités comme le renforcement de la capacité du Canada à appuyer la recherche internationale et multidisciplinaire à risque élevé et à haut rendement; comment nous pouvons collectivement unir nos efforts pour soutenir les forces du Canada dans des domaines de recherche stratégique; et quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour accroître l’équité et la diversité et mieux soutenir les chercheurs en début de carrière », a expliqué la ministre. Elle a aussi exprimé son appui au remplacement du Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation par un conseil consultatif plus axé sur le public.
Parmi ses autres réalisations, Mme Duncan a souligné la nomination récente de Mona Nemer au poste de conseillère scientifique en chef du Canada ainsi que le rétablissement du questionnaire détaillé de recensement et de l’enquête Système d’information sur le personnel d’enseignement dans les universités et les collèges. Cette dernière englobera désormais les collèges et le personnel d’enseignement à temps partiel.
Tout au long de la soirée, la ministre Duncan a fait référence au tabou concernant le financement de la recherche. (Parmi ses 35 recommandations, le rapport Naylor conseille au gouvernement fédéral de faire passer le financement annuel des activités liées à la recherche de 3,5 à 4,8 milliards de dollars sur quatre ans, et d’accorder à la Fondation canadienne pour l’innovation un budget annuel stable d’environ 300 millions de dollars.)
« C’est beaucoup, a fait remarquer la ministre. Est-ce que nous pouvons y parvenir en un seul budget? En un mandat? Le gouvernement précédent a causé d’importants dommages qui exigeront du temps avant d’être réparés, mais vous pouvez compter sur moi pour défendre vos intérêts. » Elle a également invité le milieu de la recherche à « faire connaître les retombées de la recherche » à la population canadienne.
À la conférence du lendemain, quatre membres du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale – dont son président, David Naylor, qui est également l’ancien recteur de l’Université de Toronto – ont discuté des progrès réalisés à ce jour. En référence au discours de Mme Duncan, M. Naylor a affirmé : « C’était selon moi un discours très utile qui a donné le ton et permis de faire connaître les mesures prises. Il faut généralement attendre des mois, voire des années, avant que de tels rapports ne génèrent des actions concrètes. » Par comparaison, le gouvernement « avance d’un bon pas. J’aimerais qu’il agisse plus rapidement, mais les choses bougent à un rythme impressionnant, et je pense que Mme Duncan l’a bien exprimé ».
Du point de vue des étudiants, « les remarques de la ministre sont celles auxquelles on pouvait s’attendre, mais nous aurions aimé que le gouvernement manifeste son intention de réinvestir massivement dans la recherche fondamentale », a déclaré Vanessa Sung, étudiante au doctorat en biochimie à l’Université McGill lors d’une entrevue. Mme Sung est coprésidente, avec Sean McGuirk, de Dialogue Sciences et Politiques, un groupe de promotion d’intérêts situé à Montréal et dirigé par des étudiants qui a lancé le mot-clic #Students4theReport. « Une part importante des subventions des organismes subventionnaires sert à financer le salaire des étudiants et du personnel de recherche, a poursuivi Mme Sung. Mme Duncan a raison, la demande est audacieuse et le retard à rattraper est important, mais la recommandation visant la hausse du financement est destinée à être mise en œuvre sur quatre ans. Il s’agit d’une augmentation progressive. »