Ce texte est le troisième (et dernier) de notre dossier spécial pour le compte de la bannière Cap sur les compétences, coécrit par Susan Bens, spécialiste du développement éducatif au centre Gwenna Moss pour l’enseignement et l’apprentissage de l’Université de la Saskatchewan. Dans notre première partie, nous exposions les six principales raisons derrière l’inconduite universitaire ainsi que divers moyens d’utiliser cette information pour moduler ses pratiques d’enseignement, tandis que la deuxième partie portait sur les répercussions qu’ont ChatGPT et les autres technologies d’intelligence artificielle (IA) génératrices de contenu sur l’intégrité universitaire. Aujourd’hui, nous bouclons le tout en proposant des manières de concevoir les cours de façon à inculquer l’intégrité chez les étudiant.e.s.
De l’inconduite à l’intégrité
Les différents travaux sur l’intégrité et l’inconduite universitaires, dont un projet de recherche mené au Canada, en arrivent tous au même résultat : entre la moitié et les trois quarts des étudiant.e.s au premier cycle reconnaissent avoir au moins une fois pendant leurs études commis un geste considéré être une inconduite. Vu la forte probabilité de cas non rapportés, ces chiffres ont de quoi faire réfléchir.
Du point de vue de l’enseignant.e, l’inconduite universitaire inspire frustration et découragement, et ce, en plus d’exiger un travail émotionnel et des processus administratifs coûteux en temps. Parfois, l’espoir s’amenuise. Or, si nous ne changeons pas nos façons de faire, le portrait ne fera que s’obscurcir.
Dans un contexte où les technologies d’IA et la tricherie contractuelle, qui consiste à embaucher une tierce partie pour faire un travail, sont une réalité, on ne saurait se contenter de mettre en garde les étudiant.e.s contre l’inconduite. Le monde est devenu beaucoup trop complexe pour qu’il suffise d’intégrer au plan de cours des liens vers les règlements et de demander aux étudiant.e.s de les lire ou encore de faire écouter des tutoriels en ligne à des fins de sensibilisation. Cette stratégie limitée confine les enseignant.e.s à un rôle de gendarme qui les détourne de leur mission d’enseignement et de promotion de l’intégrité.
En pratique enseignante comme à l’échelle de nos établissements, il nous faut délaisser la culture de l’adhésion aux règles d’intégrité au profit d’une culture éducative plus robuste. Plutôt que de dire : « Nous t’avions pourtant dit de ne pas tricher. » Il faut pouvoir dire : « Nous t’avons enseigné comment, quand et pourquoi protéger l’intégrité universitaire. » C’est un fait, personne naît en connaissant toutes les normes, toutes les pratiques et tous les styles bibliographiques. L’intégrité est une question d’enseignement et d’apprentissage. Quelqu’un nous l’a enseigné ou du moins a créé les conditions propices pour que nous apprenions tout cela par nous-mêmes. Il faut faire la même chose pour nos étudiant.e.s.
Une compétence à perfectionner
L’apprentissage de compétences demande des explications, de l’exercice, de la répétition et de la rétroaction. Les besoins en matière de compétences évoluent, souvent sous l’impulsion de la technologie, des plus récentes avancées ou des nouveaux impératifs professionnels. Dans un contexte où l’IA devient rapidement un incontournable du monde du travail, il importe plus que jamais d’outiller les étudiant.e.s en matière d’intégrité universitaire. Pour cela, il faut des enseignant.e.s et des programmes qui abordent explicitement les compétences connexes.
Si la majorité des programmes visent à former des diplômé.e.s sensibles à l’éthique, combien de cours comportent des objectifs d’apprentissage en ce sens? Et de ce nombre, combien s’accompagnent de pratiques d’enseignement et d’évaluation visant l’atteinte de ces objectifs? Sans enseignement explicite, on tendra à se contenter de dire aux étudiant.e.s que l’intégrité et les pratiques éthiques sont importantes, croyant à tort qu’on les a « enseignées ». Mais cette façon de faire ne fonctionne pas.
Pour maximiser l’efficacité, il vaut mieux traiter l’intégrité universitaire comme un objectif d’apprentissage de cours. À quoi cela ressemblerait-il? Nous avons demandé à ChatGPT de fournir 10 exemples, puis en avons sélectionné cinq que nous avons raffinés pour notre liste ci-après.
À la fin de ce cours, les participant.e.s seront en mesure de :
- paraphraser, résumer et utiliser les guillemets et les styles bibliographiques avec efficacité en vue de communiquer clairement et d’éviter le plagiat involontaire;
- vérifier la fiabilité et la crédibilité des sources d’information utilisées dans des travaux universitaires;
- mesurer les conséquences d’une inconduite et des pratiques contraires à l’éthique, tant en contexte universitaire qu’en contexte professionnel;
- mentionner la contribution des pairs lors des projets collaboratifs; et
- respecter les droits de propriété intellectuelle et les lois sur le droit d’auteur dans le cadre de travaux universitaires et de création.
Ces exemples peuvent être adaptés à votre champ d’études (vous trouverez ici notre fiche de travail).
Une fois votre objectif d’intégrité rédigé, réfléchissez à l’effet déstabilisateur que peut avoir l’IA et aux répercussions pour les autres objectifs d’apprentissage. Parmi les compétences à travailler, y en a-t-il que ChatGPT exécute déjà en 2023? Si tel est le cas, y a-t-il des compétences que vous souhaitez que les étudiant.e.s développent sans l’aide de ChatGPT ou d’autres outils? Le cas échéant, assurez-vous que votre plan de cours énonce explicitement s’il est acceptable, et en quelles circonstances, de recourir aux outils d’IA. Il est important de décider au préalable si vous allez restreindre l’utilisation de ChatGPT – et dans quelle mesure vous y tenez. Vu l’élimination d’une grande partie des irritants qui avaient accompagné l’arrivée de l’outil au début de 2023, il devient plus difficile de préparer des évaluations à l’épreuve de ChatGPT.
Enfin, réservez une portion du cours à la littératie étudiante en matière d’IA : les étudiant.e.s doivent comprendre comment en faire un usage éthique et responsable. Vous vous dites sans doute que vous manquez de temps, mais il y a fort à parier qu’il vous en faudra encore plus pour vous acquitter des processus en cas d’inconduite.
Concevoir des cours pour s’attaquer aux raisons qui poussent à commettre des inconduites
Dans notre première rubrique, nous avons dégagé six raisons pouvant expliquer l’inconduite chez les étudiant.e.s et dont vous pouvez vous servir pour concevoir vos cours. Nous vous invitons à vous demander non pas « comment empêcher la malhonnêteté étudiante? », mais plutôt « comment s’assurer que les étudiant.e.s apprennent? » et à voir l’intégrité universitaire comme une compétence à perfectionner.
Raison de l’inconduite | Comment s’y attaquer |
Manque d’intérêt pour le contenu |
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Manque de compétences |
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Malentendu |
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Manque d’intérêt pour l’enseignant.e |
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Tolérance de l’inconduite |
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Stress |
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Au moment de concevoir vos cours, ne manquez pas de consulter les textes du programme intensif pour concevoir un plan de cours proposé l’an dernier!
Voilà qui conclut notre série spéciale en trois parties sur l’inconduite universitaire. Je remercie ma coautrice Susan, qui me transmet son savoir depuis des années. Ce fut un bonheur de vous faire profiter de ses lumières. N’hésitez pas à envoyer cette rubrique à vos collègues pour faire circuler les connaissances.