De nos jours, la diversité est de plus en plus considérée comme un atout inestimable, mais il arrive encore que les préjugés inconscients entravent la capacité des organisations à créer des environnements inclusifs. C’est ici qu’intervient la boussole des biais inconscients et des comportements inclusifs, un nouvel outil numérique développé par une équipe de l’Institut EDI2 (Équité, Diversité, Inclusion, Intersectionnalité) de l’Université Laval en collaboration avec le Laboratoire RELIA et NumÉduca. L’objectif : identifier et atténuer les préjugés inconscients tout en promouvant des comportements inclusifs au sein des organisations, et ce, en explorant comment celles-ci peuvent collaborer avec des groupes historiquement marginalisés et sous-représentés pour sensibiliser leur personnel.
Le concept de la boussole a germé il y a plusieurs années lorsque l’équipe de recherche a commencé à collecter des données sur les comportements humains. Les participant.e.s ont exprimé le désir de recevoir des résultats personnalisés basés sur leurs réponses, mais aucun outil adéquat n’était alors disponible. Alain Stockless, professeur au Département de didactique de l’Université du Québec à Montréal et membre de l’équipe de recherche, explique que le groupe s’est « inspiré des boussoles électorales et a mis au point un questionnaire basé sur des objectifs scientifiques rigoureux, garantissant ainsi l’inclusion des participant.e.s ». Lors du lancement de l’outil le 15 septembre dernier, il a déclaré que la plateforme, mise au point par NumÉduca, analyse en temps réel les réponses des usagers et génère des graphiques qui les situent par rapport aux biais inconscients qui affectent notre réalité quotidienne. « En somme, répondre à la boussole équivaut à une autoévaluation éclairante », ajoute-t-il. Bien que la plateforme soit encore en développement, elle est déjà opérationnelle et accessible au grand public pour des formations ou des activités de sensibilisation.
Un élément essentiel du processus de création de la boussole a été la mise en place d’une typologie des biais et des comportements. Celle-ci est plus longuement détaillée dans le livre Biais inconscients et comportements inclusifs dans les organisations, rédigé par la même équipe. Dans ce livre publié en 2022, les universitaires définissent différents biais inconscients, notamment les stéréotypes, les prototypes, l’effet de contraste, le biais de première impression, l’effet de halo, le biais d’angle mort, les préférences personnelles, le biais d’information négative, le biais d’universalité et le biais de similarité. Cette typologie a servi de fondement pour développer les questions de l’outil. Chaque question a été minutieusement étudiée et affinée au cours d’une analyse qui a duré deux ans.
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Sophie Brière, professeure au Département de management de l’Université Laval et directrice de l’Institut EDI2, a expliqué lors de la même occasion que le questionnaire était initialement composé de 200 à 300 questions. « Cependant, nous avons pris le chemin de la réduction pour parvenir à une sélection de 60 à 70 questions. Le développement du questionnaire s’est fait avec humilité, reconnaissant que la simplicité est la clé de l’accessibilité. Notre objectif est de mettre cet outil à la portée de toutes les organisations, quel que soit leur secteur d’activité », détaille-t-elle.
M. Stockless précise que l’un des aspects innovants de la boussole réside dans l’engagement immédiat des participant.e.s, les situant en relation avec leurs réponses par rapport aux autres participant.e.s. « Cette caractéristique est rarement présente dans la recherche et fait partie intégrante de notre stratégie de diffusion au sein de nos projets de recherche, qui est souvent sous-exploitée, du moins pas de cette manière. Je pense que cela peut être intéressant, aussi bien du point de vue de la recherche que des participant.e.s, de mettre en place une boussole similaire à celle sur les biais inconscients pour stimuler la réflexion autour d’une thématique donnée ».
Pour Mme Brière, la boussole est une porte d’entrée vers une réflexion profonde sur la façon dont nous pouvons individuellement contribuer à une société plus inclusive. « Si vos biais influencent les décisions qui ont un impact sur la vie des gens, il est impératif de vous remettre en question. La boussole vous pousse à réfléchir avant chaque décision. Vous pouvez identifier les biais que vous souhaitez travailler et par où commencer. L’outil est conçu pour accompagner ce processus, mais il est essentiel de l’utiliser en conjonction avec nos typologies pour un effet optimal », conclut-elle.
L’ambition à long terme de ce projet, financé dans le cadre de l’Initiative sur la race, le genre et la diversité du Conseil de recherches en sciences humaines, est de suivre l’évolution des biais et des comportements sur une période de deux à trois ans. M. Stockless a évoqué l’intérêt d’une approche longitudinale dans les projets à venir, visant à évaluer les éventuels changements chez les participant.e.s au fil du temps. La boussole sera rendue disponible en anglais en 2024, après la traduction du livre dont elle s’inspire.
Mohamed Berrada est journaliste francophone pour Affaires universitaires.
Bonjour,
Merci de partager ces ressources. Très intéressantes.
Nous avons lancé un site web sur l’inclusion pédagogique en novembre 2022 : https://saea-tlss.uottawa.ca/fr/conception-de-cours/inclusion-pedagogique. Nous prévoyons ajouter la référence de votre livre numérique 2022 dans notre page de référence.
Aussi, la boussole nous intéresse puisqu’à ce jour nous référons nos utilisateurs à un site anglophone (Harvard). Sur le site de la boussole, vous indiquez que votre outil est lié à votre projet de recherche. Pour les personnes qui aimeraient utiliser votre outil mais préfèreraient ne pas participer à la recherche, est-ce qu’il existe une alternative? Nous aimerions proposer un contexte à l’outil advenant que vous nous autorisiez à y référer dans notre site web, à la page 2, dans les ressources sur les biais.
Au plaisir d’échanger!
Jean-Pascal