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L’universitaire épanoui

Désapprendre : une prise de conscience avantageuse

Personne n’est parfait et il faut l’accepter pour s’améliorer.

par ALEXANDER CLARK & BAILEY SOUSA | 04 DÉC 23

Vous avez soif d’amélioration et de réussite? Préparez-vous non seulement à apprendre de nouvelles choses, mais aussi à désapprendre, soit à délaisser, à changer ou à cesser les pratiques qui vous nuisent.

La définition officielle de désapprendre est : oublier (ce qu’on a appris). Mais de façon plus profonde, désapprendre est aussi synonyme de changement. Avouons-le, il est plus facile de désapprendre quelque chose qui touche de loin à notre identité. Car le travail de désapprentissage peut nous chambouler complètement. Par exemple, quand un.e collègue bien intentionné.e ou un.e proche passe un commentaire spontané qui nous touche en plein cœur : « Tu parles trop », « Tu es toujours sur ton téléphone » ou « Tu penses toujours à toi. » Et le tant redouté : « Ne sois pas si condescendant.e. » Le travail de désapprentissage le plus difficile à entreprendre est souvent celui qui s’impose le plus.

Les universitaires qui ont les résultats à cœur ont une volonté de désapprendre parce que cela leur permet de corriger un trait presque universel : la prédisposition à suivre toujours le même chemin. Adam Morgan et Mark Barden, s’inspirant des mathématiques, nomment cette tendance « dépendance au chemin emprunté » dans leur ouvrage A Beautiful Constraint. Il s’agit d’une manière fixe de penser ou d’une série de comportements établis. Par exemple, les personnes qui ont conçu les moteurs des navettes spatiales leur ont donné une largeur de quatre pieds et huit pouces et demi – soit la largeur du chemin de fer entre l’Utah et la Floride. On avait auparavant défini la largeur de ce chemin de fer en se fondant sur celle des routes romaines, conçues pour accueillir des chariots d’une taille donnée il y a 2 000 ans. Il s’agit d’un bon exemple d’une décision prise pour aucune autre raison que le maintien d’une pratique bien établie. Plus récemment, l’heuristique cognitive, à laquelle s’intéressent bien des études, a montré que nos pensées et nos habitudes suivaient elles aussi un chemin fixe, mais imparfait.

M. Morgan et Barden estiment que la dépendance au chemin emprunté nous nuit, puisqu’elle nous confine à des présomptions, à des idées reçues et à des indicateurs de réussite ancrés dans le passé, qui ne s’appliquent pas forcément au présent et à l’avenir. Nous passons ainsi à côté d’information essentielle, laissons filer des occasions et ne maximisons pas nos chances de réussite.

Notre ego peut faire des siennes à tout moment du processus de désapprentissage, ce dernier venant ébranler jusqu’au moindre recoin de notre for intérieur. Vous devrez peut-être modifier des aspects de votre personnalité qui vous sont chers depuis des années ou remettre en question votre conscience de soi ou votre identité. C’est donc un processus qui a quelque chose d’effrayant.

Le désapprentissage est également difficile à vendre. Il est beaucoup moins attrayant de désapprendre des choses que d’en apprendre de nouvelles. C’est l’attrait de la nouveauté, une faiblesse bien humaine. On rechignera bien plus à cesser une pratique qu’à entreprendre quelque chose de nouveau et d’emballant. Or, on estime que notre capacité à nous améliorer et à réussir dépend autant du désapprentissage que de l’apprentissage. Mais comment s’y prend-on pour bien désapprendre?

1. Prendre conscience de son agentivité

Dans une situation difficile, nous gaspillons beaucoup de notre temps et de notre énergie à attendre que les autres personnes ou les circonstances changent – et quand cela ne se produit pas, notre frustration ne fait qu’augmenter. Nous négligeons de nous concentrer sur ce que nous pouvons réellement changer : notre manière de voir les choses et ce que nous choisissons de faire. Le désapprentissage suppose une réelle prise de responsabilité. Nous devons non seulement accepter les facettes les plus enviables de notre personnalité, mais aussi assumer les parts de nous-mêmes que nous évitons et qui doivent être changées pour que nous soyons efficaces. Notre cerveau est programmé pour faire fi des aspects que nous devons corriger, mais si nous reconnaissons qu’il nous incombe de nous améliorer, nous franchissons une première étape cruciale.

2. Se mettre intentionnellement à la tâche

Quand nous adoptons une mentalité de désapprentissage, nous pouvons définir intentionnellement ce que nous devons désapprendre. Amorcez une réflexion, puis écrivez en détail ce que vous devez prioritairement changer. Prenez votre temps et concentrez-vous. Un.e proche de confiance pourrait vous servir de partenaire de responsabilisation et vous aider à faire la lumière sur vos angles morts. Après tout, il est impossible de changer ce dont on n’a pas pris conscience.

3. Faire preuve d’ouverture

Il est tentant de réconforter notre ego et de céder à ses pressions en nous convainquant de la nécessité de désapprendre l’éventail des qualités désintéressées associées aux martyr.e.s du travail : « Je dois apprendre à moins donner ou à être moins généreux.se.s de mon temps. » Il est beaucoup plus difficile de creuser en soi pour trouver ce qui y est bien enfoui – ce dont on a honte, ce qui nous rend vulnérables. Notre perception de ce que nous devons désapprendre est probablement influencée par des facteurs sociaux plus généraux liés au genre, à la race et à la classe, qui sont associés à nos saboteurs intérieurs : la petite voix qui nous dénigre à l’intérieur. Tentez de faire fi de ce que les conventions ou les autres personnes vous disent de désapprendre et tirez vos propres conclusions. Quand vous penserez avoir assez creusé, poursuivez votre travail afin de véritablement confronter ce que vous devez désapprendre.

4. Avoir de l’humilité

Les personnes parfaites n’ont rien à désapprendre. Le reste d’entre nous doit s’y mettre. Or, nos mentalités fixes peuvent nous pousser à croire que nous n’en avons pas besoin ou à préférer prouver notre talent et nos compétences avant de nous améliorer. Rappelez-vous que personne n’est parfait : vous vous assurerez ainsi de considérer avec ouverture la perspective de désapprendre et tout le processus qui s’ensuit. En réfléchissant à votre propre mentalité dans différentes situations, vous pourrez cerner ce que vous êtes le moins ouvert.e à désapprendre.

Pour désapprendre, nous devons composer à la fois avec le statu quo et le changement : prendre conscience de nos faiblesses ainsi que des habitudes et des comportements qui nous définissent tout en ayant assez de force pour les changer. Nous devrons y consacrer des efforts et de l’énergie, car ce n’est jamais le chemin le plus facile. Efforcez-vous donc dès maintenant de désapprendre – et d’apprendre à faire mieux.

À PROPOS ALEXANDER CLARK & BAILEY SOUSA
Alexander Clark & Bailey Sousa
Alexander Clark est recteur de l’Université Athabasca depuis février 2023. Bailey Sousa, habituellement à l’emploi de l’Université de l’Alberta, est actuellement en détachement auprès du ministère de l’Enseignement supérieur de l’Alberta. Ils ont cofondé l’entreprise The Effective, Successful, Happy Academic et cosignent le livre How to Be a Happy Academic (Sage: London, 2018). Ils ont une passion commune pour l’efficacité et l’aspiration dans le travail universitaire.
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