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À mon avis

L’étudiant aux cycles supérieurs et l’impôt

Mon meilleur coup a été de retarder mes études pour me constituer un pécule.

par JANE SORENSEN | 12 JUILLET 10

Lorsque j’étais jeune étudiante au baccalauréat en biologie, l’impôt était le dernier de mes soucis. Cette composante n’avait donc que très peu à voir avec ma décision de ne pas poursuivre d’études aux cycles supérieurs. Elle résulte plutôt de deux problèmes personnels, soit mon incapacité à décider de ma spécialisation de maîtrise sans avoir acquis d’expérience de travail pertinente et une profonde lassitude de la pauvreté, qui devenait pour moi presque un handicap. En effet, au milieu des années 1990, le financement étudiant et un emploi ne nécessitant aucune expérience étaient tous deux difficiles à trouver. C’est ainsi que, avec un premier diplôme en poche, je me suis mise à la recherche d’une expérience pertinente en laboratoire ou sur le terrain.

Presque deux ans plus tard, ce dossier n’avait pas avancé. J’avais plutôt acquis de l’expérience en travail de bureau puis, profitant de l’explosion du secteur de la haute technologie, travaillé comme rédactrice technique. Je n’étais alors pas en situation enviable pour prendre une décision concernant la poursuite de mes études supérieures : j’étais hors du circuit universitaire depuis deux ans, et mes résultats au baccalauréat étaient insuffisants pour continuer dans la même discipline.

Puis, cinq ans plus tard, armée d’expérience, de confiance et d’un portefeuille mieux garni, j’ai recommencé à explorer du côté des études supérieures tandis que l’économie canadienne prenait de la vigueur. Cependant, un autre obstacle a surgi : avec mon baccalauréat en sciences vieux de sept ans et mon expérience universitaire limitée en sciences humaines, je devais faire une année d’études préparatoires simplement pour être considérée comme candidate à la maîtrise.

« C’est n’importe quoi! », me suis-je dit. J’avais dû assumer assez de coûts de renonciation (une notion que tous les étudiants au premier cycle devraient apprendre dès leur arrivée à l’université). J’avais besoin de financement ou de revenus.

J’ai donc commencé un autre baccalauréat en arts libéraux qui me permettait simultanément de travailler à temps plein. Trois années pleinement rémunérées plus tard, j’avais appris ce que je voulais apprendre grâce à un excellent programme de l’Institut Thomas More pour l’éducation des adultes affilié à l’Université Bishop’s. Je savais toutefois que je ne suivais pas la voie toute tracée qui menait à de brillantes études universitaires.

Pour quelles raisons suis-je néanmoins dans une meilleure situation que si j’avais suivi les étapes habituelles, soit baccalauréat, maîtrise, doctorat? Tout d’abord, la concurrence féroce pour obtenir du financement et des emplois universitaires barre la route aux candidats prometteurs, encore plus s’ils sont retardataires, comme moi. Ensuite, je suis en bien meilleure situation financière : les étudiants à temps plein paient des impôts, mais ne contribuent ni à l’assurance-emploi (naturellement) ni aux régimes de retraite du Canada et du Québec (ce qui est plus inquiétant; je vous expliquerai pourquoi). Enfin – et c’est le pire désavantage pour les étudiants –, si vous n’avez pas atteint vos plafonds de cotisation et de déduction par l’intermédiaire de revenus d’emploi passés et actuels, votre contribution au régime enregistré d’épargne-retraite (REER) sera extrêmement restreinte (le plafond de déduction se situant à 18 pour cent des revenus d’emploi). La ligne 130 du formulaire d’impôt fédéral, où on inscrit les revenus des bourses, n’est pas comptabilisée dans le revenu d’emploi.

Le REER est le plus important abri fiscal dont disposent les Canadiens; ils peuvent en retirer un maximum de 20 000 $ grâce au Régime d’accession à la propriété pour verser un acompte afin d’acquérir une première maison, d’ailleurs le meilleur investissement exempt d’impôt qu’il est possible de faire. Il est donc très important de contribuer tôt à un REER, ce qui vous donne de la sécurité et une marge de manœuvre pour vos projets d’études et de vie, comme fonder une famille. Le fait que je puisse être propriétaire, louer une chambre et retirer de l’argent de mon REER en vertu du Régime d’encouragement à l’éducation permanente me permet de poursuivre mes études et ma recherche.

Bon nombre de gens, surtout ceux qui n’ont pas d’expérience récente aux cycles supérieurs, croient que les concessions nécessaires au fil du parcours scolaire habituel sont justes : vos études supérieures sont subventionnées par les contribuables, et votre part de l’investissement équivaut à renoncer à un emploi stable pour poursuivre des études qui vous mèneront à un salaire plus élevé et des perspectives de retraite plus intéressantes.

Le travail que vous effectuez aux cycles supérieurs profite à d’autres également. Je dirais que, pour compenser ces longues années sans emploi, une partie des sommes pour lesquelles les étudiants paient de l’impôt – les bourses de recherche, par exemple – devraient être considérées comme des revenus par le Régime de pensions du Canada, car les revenus engrangés chaque année dès l’âge de 18 ans sont calculés dans la somme prévue de la pension à la fin de la vie professionnelle.

De plus, s’il est vrai que retarder les obligations de l’âge adulte que sont la pension, l’achat d’une maison et l’épargne-retraite peut sembler normal pour de nombreuses personnes dans la vingtaine, ce retard n’est « normal », dans le milieu universitaire, que parce qu’il est si difficile de concilier travail et études. Cela peut créer un fossé inutile et inconsidéré entre les jeunes adultes qui poursuivent des études supérieures et ceux qui sont sur le marché de l’emploi. Si rien ne change dans le système fiscal, il est donc préférable de travailler, de cotiser à un REER et de se constituer un pécule qu’on pourra utiliser pour financer un projet de vie – comme une thèse aux études supérieures.

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