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À mon avis

Universités : la différenciation ne passe pas par un système dualiste

Qualité ou quantité?

par MAUREEN MANCUSO | 05 DÉC 11

L’efficacité du système universitaire en Ontario, en particulier la rentabilité de l’expérience globale d’apprentissage, a fait récemment la manchette. La dernière attaque provient d’Academic Reform, un ouvrage des anciens administrateurs Ian Clark et Richard Van Loon et de l’ancien fonctionnaire du domaine de l’éducation David Trick (Affaires universitaires a publié des extraits de ce livre dans l’article « Un nouveau modèle d’université » paru dans le numéro de décembre). Les auteurs proposent de créer un certain nombre d’universités « axées sur l’enseignement » qui ne seraient pas soumises aux distractions et aux coûts des activités de recherche afin de pouvoir mettre l’accent sur l’enseignement au premier cycle et de générer – du moins le prétendent-ils – d’importantes économies.

Le concept peut paraître séduisant, pour autant qu’on parte du principe que l’apprentissage n’est pas touché lorsqu’il est séparé des activités fondamentales de questionnement et de découverte qui alimentent la recherche universitaire. Les étudiants fréquentent l’université pour aiguiser leur pensée critique et développer leur capacité d’innover, et chacun mérite d’être guidé par des professeurs qui sont à l’avant-garde des connaissances dans leur domaine, c’est-à-dire des professeurs qui participent à la recherche.

Bien que l’ouvrage énonce d’emblée les préoccupations habituelles concernant la qualité de l’éducation offerte aux étudiants ontariens, et porte presque essentiellement sur une seule solution, soit la réduction de la taille des classes. Personne ne croit que les classes populeuses sont une bonne chose, mais je suis surprise de constater que les auteurs semblent croire que la réduction de la taille des classes permettra à elle seule d’améliorer comme par magie la qualité.

Outre cette idée et un enthousiasme naïf pour les tests normalisés, il apparaît clairement que le véritable sujet de ce livre n’est pas la qualité, mais plutôt la quantité, et plus particulièrement la quantité de places à l’université dans la région métropolitaine de Toronto, où se concentre la croissance de la demande. C’est un réel problème, mais c’est loin d’être le principal problème auquel font face les universités ontariennes. Pourtant, comme il y concentre toute son attention, l’ouvrage se révèle être une réponse d’économiste – la rentabilité par les économies d’échelle – à une question d’éducateur : comment préserver et améliorer l’expérience d’apprentissage au premier cycle?

Si mon analyse semble réductrice, c’est parce que les auteurs de l’ouvrage n’ont pas fait leurs recherches. S’ils se préoccupaient réellement de la qualité, ils se seraient informés des initiatives en cours actuellement dans les universités en vue de réaligner, de redéfinir et même d’imaginer sous une forme nouvelle l’apprentissage au premier cycle.

Les auteurs proposent de créer un système universitaire à deux niveaux et supposent (malgré les données contradictoires d’autres États) que ce modèle n’entraînera pas de distinction relativement à la qualité et au poids économique des grades conférés par ces différents types d’universités. Sur quels critères les étudiants s’appuieront-ils pour choisir entre une université « axée sur l’enseignement » et une université « complète »? Dans le système californien que les auteurs tentent de reproduire, il y a un monde de différence entre un diplôme de l’Université Berkeley et un autre de l’Université d’État Fullerton.

Les universités ontariennes sont déjà des établissements uniques qui ont chacun leur mission principale. Cette différenciation doit être encouragée, car un système d’universités issues du même moule, dont seuls l’emplacement et les couleurs diffèrent, ne sert les intérêts de personne. Pourtant, les incitatifs offerts par le système actuel poussent les universités à s’intéresser à tous les créneaux possibles et à tenter de répondre à tous les besoins.

Les universités devraient avoir la responsabilité de se concentrer sur leurs propres forces. Elles devraient se compléter sans devoir être séparées en fonction de leurs activités ou des possibilités qu’elles offrent.

Plus important encore, au lieu d’investir des ressources déjà rares dans un nouveau système parallèle d’établissements « distincts mais égaux » fondé sur une analyse partielle et un raisonnement dominé par des arguments quantitatifs, nous devrions veiller à ne pas ignorer les initiatives en cours dans les universités en vue de régler les problèmes liés à la quantité et à la qualité. Les universités ont d’ailleurs la responsabilité de mieux faire connaître ces initiatives aux intervenants.

Personne ne peut soutenir que le système universitaire ontarien est parfait. Même si les études continuent de démontrer que les étudiants sont généralement satisfaits de la qualité de leur formation universitaire et des avantages professionnels qu’elle leur confère, nous savons que nous pouvons faire mieux. Nous devons cependant nous assurer de bien comprendre et de soutenir adéquatement les efforts des universités visant à améliorer l’enseignement et l’apprentissage avant de consacrer toute notre attention et notre argent dans des entreprises spéculatives qui nécessitent la mise en place d’une bureaucratie et des engagements à long terme, et qui touchent seulement une minorité d’étudiants.

La solution à un problème de qualité réside dans la réforme créative de l’expérience d’apprentissage et dans l’évolution qui s’opère naturellement lorsque les universités sont encouragées à poursuivre leurs objectifs et tenues responsables de leur rendement et de leurs résultats. Elle ne réside pas dans les révolutions bureaucratiques et le dédoublement de systèmes.

La qualité s’améliorera lorsqu’elle remplacera pour de bon la quantité comme principale mesure de la réussite de la formation universitaire.

Maureen Mancuso est provost et vice-rectrice à l’enseignement de la University of Guelph et professeure au département de science politique.

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