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À mon avis

Les clubs étudiants mettent les limites de la société civile sur les campus à l’épreuve

Lorsqu’elles accordent le statut de club universitaire à un groupe, les associations étudiantes doivent fixer des limites concernant les ressources communes tout en respectant les droits procéduraux de tous.

par BENJAMIN MILLER | 28 JAN 20

En novembre dernier, les membres de deux clubs étudiants – Herut Zionist et Students Against Israeli Apartheid – ont eu une altercation physique à l’Université York. La dispute nous rappelle l’importance du statut des clubs universitaires et de l’attention que devraient y accorder les universités et les associations étudiantes. Le club Herut Zionist avait obtenu son statut de club étudiant seulement quelques semaines avant les événements alors qu’on lui avait d’abord refusé ce statut, apparemment sans en préciser les raisons. La pression exercée par une demande d’accès à l’information de source externe expliquerait le renversement de la décision, comme quoi l’intérêt pour cette question dépasse largement le campus.

Les clubs étudiants sont très répandus sur les campus; selon les dernières données disponibles, on en dénombrait près de 7 500 au Canada en 2014. Ce sont généralement les associations étudiantes, les établissements d’enseignements, les facultés ou les écoles qui ont généralement la responsabilité d’attribuer, seuls ou conjointement, le statut officiel de club universitaire. Ce statut vient avec quelques avantages enviables, comme l’accès gratuit à des locaux qui autrement coûteraient cher à louer. Mais surtout, le statut confère un caractère légitime à la raison d’être du club.


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Il signifie que même si la plupart des étudiants ne feront jamais partie du club, ils ne s’y opposent pas au point de lui refuser l’accès aux ressources collectives. La plupart des clubs exerceront leurs activités – collectes de fonds et rassemblements d’étudiants – sans que personne ne remette en question leur existence. Les associations étudiantes et les universités tracent toutefois des lignes, tacitement ou explicitement, et les limites ne sont pas toujours clairement définies et appliquées. Lorsque des groupes controversés demandent un statut de club, les universités et les associations étudiantes se voient alors obligées de reconsidérer, d’expliciter ou de réitérer ces limites.

Que le statut de club soit accordé ou non, ce processus semble empêcher toute forme de consensus. La controverse qui en résulte galvanise les partisans et les opposants, tant sur le campus qu’à l’extérieur, et suscite de vives discussions sur la liberté d’expression, d’association et la lutte contre l’oppression. Tout découle d’un schéma bien connu et fortement ritualisé. Étrangement, nous avons réussi à institutionnaliser le dysfonctionnement des systèmes de club universitaire.

À part resserrer les mesures de sécurité lors des rassemblements, que peuvent faire les universités et les associations étudiantes? Du point de vue juridique, jusqu’à tout récemment, elles avaient à peu près tous les pouvoirs décisionnels. À quelques occasions, des regroupements étudiants (et particulièrement des groupes pro-vie) ont fait appel à la justice et aux tribunaux des droits de la personne après s’être vu refuser le statut officiel de club ou l’accès aux installations de l’université. La cour a toujours envoyé un message clair : le statut de club universitaire est un privilège et les politiques sont laissées à la discrétion des associations étudiantes ou des universités. Une fois établies, les politiques doivent cependant être respectées. Cela dit, la situation semble être sur le point de changer.

Le 6 janvier, dans la cause de l’association pro-vie de l’Université de l’Alberta c. l’Université de l’Alberta, la Cour d’appel provinciale a jugé que la Charte canadienne des droits et libertés s’applique aux universités en ce qui concerne l’utilisation du campus par des groupes étudiants reconnus. L’université a donc le fardeau de justifier sa décision de limiter la liberté d’expression des étudiants. Par conséquent, l’université doit faire preuve de neutralité, mais elle est en droit de considérer la sécurité et la quiétude des autres membres du milieu universitaire.

Quelle est à la voie à suivre pour les universités et les associations étudiantes? J’ai l’impression qu’aucune position de principe ne permettrait aux universités et aux associations étudiantes de résoudre les conflits à l’origine de ces confrontations répétées. Toutefois, les universités pourraient demander à du personnel expérimenté dans l’administration et la gouvernance d’aider les membres des associations étudiantes à mettre en place des politiques claires, neutres et équitables d’un point de vue procédural en leur offrant de la formation et du mentorat. Dorénavant, ces politiques devront sans doute démontrer que l’université a tenu compte des questions de la Charte.

Pour avoir observé les processus décisionnels au sein des associations étudiantes, je peux affirmer que l’absence de directives claires dès le départ entraîne son lot de débats houleux, intenses et interminables pour des décisions discrétionnaires. Les étudiants ont alors l’impression, à tort ou à raison, qu’ils sont traités injustement et de façon arbitraire.

Les clubs universitaires représentent un microcosme de la société civile et offrent à leurs membres l’occasion d’acquérir des aptitudes civiques essentielles. Et il y a peu d’aptitudes civiques qui soient aussi importantes que celles de gérer des conflits inévitables et de fixer des limites concernant les ressources communes, tout en respectant les droits procéduraux de tous.

Benjamin Miller étudie dans le programme combiné de J.D. et de maîtrise en politique publique à l’Université de Toronto. Ses recherches sur les clubs universitaires ont été publiées dans Affaires universitaires, The Philanthropist et Options politiques. Il a déjà tenu un blogue et donné des cours en ligne sur la plateforme The Campus Club Network.

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