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À mon avis

Politiques : à quand un véritable apprentissage?

Le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche n’est qu’une étape de plus dans un cycle sans fin d’examens et de rapports sur l’infrastructure fédérale en la matière.

par CRESO SÁ | 06 FEV 23

En octobre dernier, Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Santé Canada ont mis sur pied le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche sans tambour ni trompette. Il s’agit du plus récent (mais certainement pas du dernier) comité chargé de se pencher sur le système fédéral de soutien à la science. Le Comité a été formé en réponse à l’engagement qu’ont pris en 2021, dans leurs lettres de mandat respectives, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et le ministre de la Santé d’« élaborer un plan de modernisation de l’écosystème fédéral de financement de la recherche pour maximiser les retombées des investissements en matière d’excellence en recherche et d’innovation en aval en accordant une attention particulière aux relations entre les organismes subventionnaires fédéraux et la Fondation canadienne pour l’innovation ».

Il est intéressant de noter que le mandat du Comité omet la partie des lettres des deux ministres concernant l’ancrage de cette démarche « dans le cadre de l’adoption d’une approche distinctement canadienne inspirée du modèle de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) des États-Unis ». Comme ni le mandat du Comité consultatif ni les reportages récents qui en traitent ne font mention de cette approche distinctement canadienne inspirée de l’agence responsable de la recherche et développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire aux États-Unis, on peut en conclure que les deux ministères impliqués ont laissé tomber cette idée.

Si la raison d’être de ce comité chargé de recommander des mesures pour la modernisation du système de financement n’est plus la création d’une DARPA canadienne (on peut reconnaître cette tendance typiquement canadienne à confondre émulation et innovation dans le nom initialement proposé pour l’agence : « CARPA »), alors quelle est-elle?


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Par son mandat, le Comité doit fournir des conseils stratégiques pour veiller à ce que le soutien fédéral au secteur de la recherche soit : « coordonné et cohérent », « sensible aux approches pluridisciplinaires et interdisciplinaires, collaboratives et internationales » et « suffisamment agile pour saisir les nouvelles opportunités et répondre aux nouveaux besoins ». Il doit aussi examiner « la structure et la gouvernance » et « donner une rétroaction sur le cadre proposé par le gouvernement pour la prise de décisions fédérales sur les investissements dans les grandes installations de recherche ».

Tout.e spécialiste de la politique scientifique pourrait débattre des mérites de cette démarche et des résultats attendus. Plusieurs de ces résultats existent déjà; ils se trouvent facilement dans une série de rapports récents explorant la gouvernance et les mécanismes de financement de la recherche universitaire. Ce ne sont donc pas les idées qui manquent pour mieux soutenir la collaboration internationale, la recherche interdisciplinaire et la réponse aux besoins émergents.

En effet, le Fonds Nouvelles frontières en recherche a été créé en 2018 en réponse au constat qu’il n’existait pas de source de soutien spécifique pour les collaborations interdisciplinaires et internationales au sein des organismes subventionnaires fédéraux. Le Comité de coordination de la recherche au Canada (CCRC), responsable du Fonds, avait lui-même été mis en place pour « donner […] suite à plusieurs des recommandations faites lors de l’Examen du soutien fédéral à la science fondamentale […] notamment à faire valoir les programmes qui appuient la recherche internationale et multidisciplinaire à risque élevé et à haut rendement […] et à assouplir le système de recherche afin de réduire le fardeau administratif pour les chercheurs qui veulent saisir les occasions offertes ».


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S’ils ne constituent pas une panacée, les mécanismes de consultation des spécialistes et d’apprentissage en matière de politiques ont tout de même, en principe, un rôle à jouer dans les décisions du gouvernement. En revanche, ces mécanismes peuvent facilement se transformer en exercices formalistes dont les motifs sont délétères à l’apprentissage réel : trop souvent avons-nous vu des parties prenantes du gouvernement tenter de satisfaire les attentes politiques en matière de consultation d’expert.e.s, quelle que soit la substance réelle de la contribution recherchée ou de justifier des résultats préétablis. Pour l’instant, les cercles universitaires semblent tolérer la reprise constante de ce type d’exercice, du moins tant qu’ils produisent des résultats positifs pour le système de soutien à la recherche.

Pourtant, le cycle sans fin d’examens et de rapports sur l’infrastructure de soutien à la recherche est une occasion ratée pour le gouvernement de prendre des mesures concrètes et de doter les institutions sur lesquelles elle repose des capacités nécessaires afin d’apprendre de leurs expériences dans le cadre d’une démarche d’autoactualisation continue. Un système qui prend le temps de se livrer à un travail d’introspection alimenté par différents points de vue internes et externes est mieux placé pour répondre aux besoins émergents. Mais comment y arriver? Malheureusement, aucun groupe de spécialistes n’a encore jugé bon de se poser cette question.

Creso Sá est directeur du Centre d’études en enseignement supérieur canadien de l’Institut pédagogiques de l’Ontario (IEPO) de l’Université de Toronto.

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