À Sudbury, dans les années 1980, à l’âge où la plupart des adolescents rêvent de leur permis de conduire, Chantal Barriault, 16 ans, était emballée par son nouvel emploi à Science Nord. Vêtue d’un sarrau et de chaussures confortables, elle guidait des écoliers dans le musée interactif du nord de l’Ontario. Au programme : écureuils volants, insectes et géologie du célèbre sous-sol de la région. Cet emploi sans prétention allait mener à une carrière de 30 ans dans le domaine de la vulgarisation scientifique. Il a aussi entraîné la création du nouveau programme de maîtrise en communication scientifique de l’Université Laurentienne – vraisemblablement le premier du genre au Canada et un des seuls au monde.
Mme Barriault s’est donné pour mission de le mettre sur pied après avoir obtenu sa maîtrise en communication scientifique à l’Université de Glamorgan (maintenant l’Université du sud du pays de Galles), en 1998. « Pendant mon séjour là-bas, j’ai pris des notes sur chaque cours, chaque expérience, chaque professeur dans le but de tout transposer à Sudbury, en pensant à Science Nord et à l’Université Laurentienne en particulier », explique-t-elle.
Un obstacle majeur se dressait toutefois : la communication scientifique comme champ d’études n’en était qu’à ses balbutiements. En 2005, avec l’aide de David Pearson, professeur en science de la Terre, directeur fondateur de Science Nord et commentateur environnemental, Mme Barriault a élaboré un programme multidisciplinaire aux cycles supérieurs, en faisant appel aux experts de Science Nord et des départements d’informatique, de philosophie et d’anglais de l’Université. « L’idée en a fait sourciller certains, mais le concept [de communication scientifique] a commencé à faire son chemin à l’Université », se souvient M. Pearson.
Le programme offrait une option supplémentaire aux étudiants déçus de leurs perspectives d’avenir. « De nombreux étudiants au premier cycle en science nous disaient : “Avec mon diplôme, je peux devenir chercheur ou me diriger vers l’enseignement”, mentionne Mme Barriault. Ils n’entrevoyaient pas d’autres débouchés. » Or, des diplômés du programme travaillent maintenant pour des publications, des musées, des centres des sciences et des établissements de recherche, dont l’Observatoire de neutrinos de Sudbury, l’Institut Périmètre de Waterloo et le laboratoire TRIUMF de Vancouver.
Le programme est mis à jour au gré de l’évolution des technologies de la communication et des médias sociaux. « Ça m’a ouvert les yeux sur la relation avec le public et les façons de le rejoindre, reconnaît Mme Barriault. On ne fait pas que parler devant des gens. On engage le dialogue, on suscite des échanges. »
Après avoir obtenu son doctorat en enseignement des sciences à l’Université Curtin, en Australie, elle s’est employée à convaincre l’Université Laurentienne de transformer son diplôme en programme de maîtrise d’un an. Le projet a été approuvé l’an dernier et les premiers étudiants commenceront leurs cours en septembre.
Mme Barriault songe déjà à mettre sur pied un programme de doctorat. Elle souligne qu’il s’agirait seulement du deuxième au monde dans ce domaine. D’ici là, elle se félicite de la nouvelle expertise en communication scientifique qu’offre le programme au Canada.
M. Pearson cite en exemple le jumelage fréquent des étudiants en communication scientifique avec des étudiants en biologie. Ensemble, ils élaborent des exposés de vulgarisation du travail des biologistes, par exemple au moyen de dessins animés. Une fois, une étudiante a même chanté une chanson ayant pour thème ses travaux de recherche.
Le professeur de biologie John Gunn, qui enseigne les méthodologies de recherche, témoigne de l’effet marqué de ces partenariats sur la façon dont ses étudiants parlent de leur travail, même dans des conférences très spécialisées. Et comme le lui a fait remarquer, l’an dernier, un collègue d’une autre université lors d’une réunion de la Société canadienne de limnologie : « Les exposés de l’Université Laurentienne sont vraiment dans une classe à part. »