Le mentorat transmet la piqure de la médecine aux Autochtones
Des programmes de mentorats en médecine, implantés tôt, sont essentiels pour rectifier « les lacunes structurelles en matière d'éducation, d'orientation et de représentation » qui leur ont causé un tort transgénérationnel.
Petite, Jolianne Ottawa jouait au docteur avec la pensée intrusive de « ne pas être assez intelligente pour aller à l’université ». Originaire de la Première Nation atikamekw, située à Manawan dans la région de Lanaudière au Québec, elle s’était promis d’arrêter l’école à 16 ans parce que c’était « trop pénible » d’accumuler les mauvaises notes.
« Tellement de choses ont été dites sur les Premières Nations : on n’est pas assez intelligents (…) on vit aux crochets du gouvernement et on ne devrait pas avoir autant d’aides parce que c’est de la triche », dénonce Mme Ottawa.
La résilience des peuples autochtones continue de faire son chemin, mais ne gomme pas le sentiment d’infériorité qui se traduit par un syndrome de l’imposteur pernicieux bien ancré qui mine leurs aspirations dès l’école. Selon le dernier rapport du vérificateur général du Québec, le manque de soutien scolaire et financier aurait entravé la réussite académique des Premières Nations, puisque 31,4 % des 25 à 34 ans n’ont ni certificat ou diplôme, contre 9,3 % des non-Autochtones.
C’est en se projetant dans l’avenir familial dont elle rêvait, que Mme Ottawa a trimé pour décrocher son diplôme d’études secondaires. Au terme de sauts d’obstacles semés d’insécurités financières, alimentaires, identitaires, et de conseillers d’orientation pessimistes, Mme Ottawa a obtenu un diplôme d’études collégiales en soins infirmiers. Elle s’est ensuite installée dans sa communauté à titre d’infirmière de proximité, où elle a gravi les échelons jusqu’à superviser le personnel infirmier des services de santé Masko-Siwin.
Sa carrière professionnelle a atténué son complexe d’infériorité qui l’a menée, à 41 ans, à décrocher un baccalauréat en sciences infirmières de l’Université Laval (ULaval). Elle n’avait pas la cote de rendement minimale pour être admise, mais a été acceptée à condition de suivre un programme de mentorat qui l’a bouleversée. Cette formation lui a révélé son potentiel intellectuel et même l’inconcevable : elle aurait pu devenir médecin si elle avait grandi « dans les bonnes conditions », c’est-à-dire avec des encouragements et un soutien psychosocial dès l’école primaire.
Un enjeu de représentation
Selon un rapport récent, Answering the Call, Strategies to Increase the Number of Indigenous Physicians in Canada, corédigé par le Centre des Compétences futures et le Conference Board of Canada : « Le mentorat de médecins autochtones renforce la confiance en soi, réduit l’isolement et favorise le soutien respectueux de la pluralité Autochtone au sein de services de soins de santé complexes et souvent discriminatoires. »
Les peuples autochtones, soit les communautés des Premières Nations, les Métis et les Inuits, représentent près de 5 % de la population canadienne, mais moins de 1 % d’entre eux sont médecins. Il y a du chemin à faire pour réparer les injustices d’autrefois et pour encourager la relève.
Le bâton des rêves
À 23 ans, Anaïs Malec, entame sa quatrième année de médecine à ULaval. La jeune étudiante innue, originaire de la petite communauté de quelque 500 habitants d’Ekuanitshit, sur la Côte-Nord du Québec, s’est installée à 10 heures de route de chez elle, dans la capitale, pour devenir médecin.
Mme Malec vient d’une famille soudée, hormis les mentors qu’elle a eus par l’entremise de l’université, son entourage familial est son roc. « Je dois tout à ma famille, dit-elle. Il y a vraiment beaucoup de potentiel dans ma communauté, mais peu de gens pour montrer aux jeunes comment croire en eux et en leurs rêves ! »
Adolescente, elle a rencontré le chirurgien innu, Stanley Vollant, lors de sa marche annuelle, Mamu Nikantetau (avançons ensemble, en innu-aimun), pendant laquelle il part à la rencontre des peuples Innus et d’autres Premières Nations, son « bâton des rêves » en main. Le médecin, à travers cette activité en plein air, prône la persévérance, le bien-être et la résilience des peuples autochtones, et a invité Mme Malec à exaucer son rêve en serrant très fort son bâton de randonnée en bois. Pendant cet exercice symbolique, l’étudiante a souhaité devenir médecin. À ce moment-là, le « déclic » qui lui a permis d’y croire s’est enclenché.
L’année suivante, toujours accompagnée par ses parents, Mme Malec rencontre des personnes étudiantes de plusieurs disciplines médicales pendant la tournée des mini-écoles de la Santé, un autre programme immersif conçu par le Dr Vollant, dont le but est d’inspirer les jeunes Autochtones à se projeter dans une carrière en médecine.
En 2025, à titre de mentore cette fois, Mme Malec s’est jointe à la mini-école, un sarrau et un stéthoscope au dos, pour insuffler la piqûre de la médecine aux jeunes de sa communauté d’Ekuanitshit.
Dr Stanley Vollant, le mentor qui avait « peur du sang et des morsures »
Le Dr Vollant, fait partie des 93 Autochtones, parmi les 24 217 médecins inscrits au Collège des médecins du Québec, à s’être auto-identifié en 2023. Sa petite enfance présageait pourtant « peu de chances de devenir médecin », glisse-t-il. Sa mère, une rescapée de l’acculturation qui a tyrannisé les Premières Nations et les Inuits dans les pensionnats autochtones, avait une santé fragile. Dr Vollant a donc été élevé par ses grands-parents à Pessamit, sur la Côte-Nord de la province.
« Je ne pensais même pas rentrer en médecine, j’avais peur du sang et des morsures ! », se souvient Dr Vollant.
Il a été admis à la Faculté de médecine à l’Université de Montréal) en 1984, parmi les « 900 postes en médecine au Québec sur plus de 8 000 demandes » malgré une moyenne insuffisante, mais un bon dossier scolaire et des lettres d’appui de Chefs autochtones.
Dr Vollant, membre du conseil d’administration de Santé Québec, s’implique dans plusieurs projets aspirationnels et d’équité en médecine. Son engagement, dit-il, est avant tout un legs traditionnel de « fierté Autochtone » qu’il veut « infuser » aux nouvelles générations dès l’enfance.
Il a participé aux discussions politiques qui ont mené à la création en 2008 du Programme des facultés de médecine pour les Premières Nations et les Inuits au Québec (PFMPNIQ), aussi appelé je deviens médecin. En plus du contingent d’admission au doctorat en médecine, qui est d’ailleurs mis à jour chaque année par le gouvernement provincial, 12 places supplémentaires sont accordées aux peuples Autochtones qui réussissent un processus de sélection au terme duquel ils peuvent intégrer l’une des facultés de médecine au Québec : à l’Université McGill, à l’Université Laval, à l’Université de Montréal ou à l’Université de Sherbrooke.
« Ce programme, explique Dr Vollant, est une passerelle qui aide des jeunes qui n’ont pas la chance de devenir médecin à cause de conditions familiales, sociales et économiques difficiles », mais qui, tout comme lui, ont le « potentiel » de le devenir.
« S’il n’y avait pas eu un contingent pour Autochtones pour entrer en médecine, je n’aurais jamais pensé m’inscrire » confie Julie Cotton, médecin généraliste à Montréal.
Dre Cotton est membre de la Nation W8banaki. Elle fait partie des premières cohortes, et des 112 personnes étudiantes à ce jour, à avoir été acceptés en médecine via ce contingent pour les peuples Autochtone. Institutrice en musique, à 35 ans, elle tire un trait sur sa carrière devenue trop monotone et, avec l’appui de sa famille, elle s’impose un virage scientifique en médecine à l’UdeM avec la vocation de « soigner des personnes Autochtones en milieu urbain ».
À son tour, depuis quatre ans Dre Cotton soutient la relève. Elle est impliquée dans les activités de mentorat du programme ainsi que dans le comité de sélection des personnes étudiantes autochtones en médecine, qui dernièrement a reçu près de 30 candidatures.
Postes vedettes
- Études culturelles - Professeure ou professeurInstitut national de la recherche scientifique (INRS)
- Architecture - Professeure adjointe ou professeur adjoint (humanités environnementales et design)Université McGill
- Sociologie - Professeure adjointe ou professeur adjoint (féminismes, genres et sexualités dans les mondes noirs, africains et caribéens)Université de Montréal
- Sciences de la terre et de l'environnement - Professeure adjointe ou professeur adjoint (hydrogéologie ou hydrologie)Université d'Ottawa
- Aménagement - Professeure adjointe / agrégée ou professeur adjoint / agrégé (design d’intérieur)Université de Montréal
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