Les obstacles et défis d’un postdoctorat à l’étranger  

Faire un postdoctorat à l’étranger peut enrichir une carrière universitaire, mais cette expérience reste semée d’embûches logistiques, financières et humaines que peu de programmes prennent en compte.

26 juin 2025
Photo de : istock.com/PinkChange

Le postdoctorat est une étape de plus en plus incontournable pour les titulaires de doctorats qui souhaitent poursuivre une carrière académique. Si, comme l’écrivait encore récemment Katie George, le postdoctorat demeure une étape méconnue, mener un postdoctorat à l’étranger l’est encore davantage. Les personnes qui font le pari de la mobilité internationale sont rares et peu de ressources et de témoignages existent pour les guider dans cette voie. 

Pourtant, un postdoctorat à l’étranger est généralement perçu positivement dans le monde académique. La mobilité à ce stade de carrière est encouragée, car elle permet d’obtenir un profil international, d’intégrer un nouveau milieu de recherche et d’élargir ses réseaux en collaborant avec des collègues de haut niveau. Les comités d’embauche voient habituellement d’un œil positif cette expérience. Les chercheuses et chercheurs canadiens qui choisissent de mener leur postdoctorat à l’étranger sont cependant de moins en moins nombreux. Ce déclin est particulièrement important en sciences humaines comme l’indiquent les statistiques relatives aux concours du CRSH. Le pourcentage de bourses accordées à des personnes ayant choisi de mener leurs recherches dans un établissement étranger n’a fait que diminuer au cours des dernières années passant de 30 % au début des années 2000 à 15 % en 2019. Depuis que la pandémie s’est résorbée, ce nombre n’a pas significativement changé. Confrontés à de nombreux obstacles et défis, les titulaires de doctorats hésitent de plus en plus à mener leurs projets postdoctoraux à l’international. Après un séjour de trois ans comme chercheur en Belgique, j’ai voulu partager quelques réflexions sur les difficultés rencontrées dans le cadre d’un postdoctorat à l’étranger. 

Faire preuve de patience 

Le chemin de la mobilité internationale est parsemé d’obstacles. Après avoir obtenu une bourse postdoctorale du CRSH, il m’a fallu démêler rapidement le processus complexe d’obtention d’un visa et rassembler les nombreux documents demandés pour obtenir mon permis de séjour à l’étranger. Il est facile de sous-estimer le temps que requiert l’obtention des documents, leur légalisation et l’étude du dossier par les autorités consulaires. Dans le cas de certains collègues, ces délais ont repoussé de plusieurs mois le déménagement à l’étranger et le début du projet de recherche. Il faut s’armer de patience et ne pas commettre l’erreur d’acheter son billet d’avion avant d’avoir obtenu son autorisation de séjour. 

Une fois sur place, de multiples démarches administratives sont requises (inscription auprès des autorités locales, ouverture d’un compte bancaire, recherche et ameublement d’un logement, souscription à des assurances, etc.). Les postdoctorantes et postdoctorants doivent être prêts à investir un nombre considérable d’heures pour celles-ci. Elles sont d’autant plus longues qu’il faut se familiariser avec les habitudes et le fonctionnement de son pays d’accueil. Tisser de nouveaux réseaux et briser l’isolement professionnel et personnel caractéristique de cette expérience prend aussi du temps. Ces heures consacrées à transitionner vers une vie à l’étranger sont souvent sous-estimées. Elles ne peuvent être dédiées ni à la recherche ni à la publication et ont une incidence directe sur la productivité scientifique. Dans mon cas, j’ai pu compter sur un petit réseau de connaissances que j’avais déjà en Belgique. Ces amis ont su répondre à mes questions et me guider dans mes démarches. J’ai aussi eu le privilège d’avoir un excellent superviseur qui m’a mis en contact avec plusieurs collègues et m’a soutenu dans mes projets. Ces deux facteurs ont largement contribué à faciliter cette transition. 

Les coûts additionnels liés au postdoctorat à l’étranger 

Un postdoctorat à l’étranger s’avère également plus coûteux que s’il est mené dans une institution canadienne. Les chercheuses et chercheurs qui choisissent cette voie sont financièrement désavantagés par rapport à leurs collègues qui mènent leur programme au Canada. Ils doivent payer, en plus des frais de voyage et de déménagement, les coûts élevés des démarches consulaires et administratives. Entreprendre cette aventure avec partenaire et enfants comme je l’ai fait, a pour conséquence de multiplier chacune de ces dépenses. 

Le risque de se retrouver dans une situation précaire est bien réel. Qu’elles s’établissent aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Europe, les personnes financées par un organisme subventionnaire canadien se retrouvent avec une enveloppe monétaire considérablement réduite en raison de la faiblesse du dollar canadien par rapport aux devises de ces pays. Bien souvent, le coût de la vie y est également plus élevé. En Europe tout particulièrement, elles n’ont habituellement pas droit aux mêmes avantages sociaux que leurs collègues ayant obtenu leur financement localement. De plus, leur bourse continue d’être imposable au Canada. Dans bien des cas, il faut trouver, en plus du financement canadien, une autre bourse ou source de revenu pour rendre ce projet financièrement viable. Personnellement, je n’aurai pas pu vivre à l’étranger pendant la totalité de mon programme sans obtenir une seconde bourse en Belgique. 

Les défis de la mobilité internationale 

Ces contraintes administratives, logistiques et financières ne sont certainement pas étrangères à la baisse du nombre de boursières et boursiers postdoctoraux effectuant leur programme à l’extérieur du Canada. Le postdoctorat à l’étranger est une expérience humaine et professionnelle unique pour les personnes en début de carrière. Cependant, cette étape est de plus en plus un luxe que seuls les chercheuses et chercheurs plus privilégiés peuvent se permettre. Elle représente également un défi particulier pour les personnes marginalisées, racisées ou pour les parents de jeunes enfants. Le financement insuffisant contraint parfois des boursières et des boursiers à mettre une croix sur leur projet international ou à modifier leur programme afin de mener l’essentiel de leurs travaux au Canada en se contentant de quelques brefs séjours dans leur université d’attache. L’absence de programmes adaptés favorise les plus nantis et contribue à faire perdurer les inégalités.  

La majoration du financement des bourses postdoctorales par le gouvernement canadien en 2024 est une excellente nouvelle. Cependant, ce changement ne prend pas en compte les coûts additionnels de la mobilité internationale et les difficultés propres à un postdoctorat mené dans une université étrangère. Il est primordial d’adapter les programmes offerts pour répondre aux défis de la mobilité internationale. Cela passe par l’octroi d’une enveloppe supplémentaire à celles et ceux qui prévoient mener leur programme à l’étranger et par la prolongation de la durée des bourses postdoctorales de deux à trois ans pour remédier au temps perdu en démarches administratives. Si le Canada souhaite continuer de soutenir et de former des chercheuses et des chercheurs de haut niveau, il est essentiel de faciliter la mobilité internationale au postdoctorat.