Situation d’emploi des chercheurs postdoctoraux, 1re
partie : Les chercheurs postdoctoraux financés à l’interne
Si vous êtes un chercheur postdoctoral financé par l’établissement où vous menez vos travaux, vous êtes en fait un employé, point final.
Mot du rédacteur en chef : Cet article est le premier d’une série de trois consacrés à la situation d’emploi des chercheurs postdoctoraux au Canada.
La situation d’emploi des chercheurs et stagiaires postdoctoraux alimente depuis longtemps les débats au Canada. Les universités, les hôpitaux et les centres de recherche affiliés se sont battus à maintes reprises pour maintenir le statut d’étudiant ou de stagiaire des chercheurs postdoctoraux, même si ceux-ci sont de plus en plus nombreux à réclamer l’accès aux avantages prévus par la loi – comme l’admissibilité à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada ou à leurs pendants québécois – en vertu des normes d’emploi provinciales, ainsi que le droit à la négociation collective.
Quant aux chercheurs postdoctoraux qui bénéficient d’une bourse d’un organisme externe et ne reçoivent donc pas d’argent de leur établissement, ils ont généralement accepté le statut d’étudiant ou de stagiaire sans faire de vagues, puisqu’il est difficile en vertu de la loi canadienne de démontrer qu’un établissement est l’employeur d’une personne qu’elle ne rémunère pas. Le même raisonnement ne s’applique cependant pas aux chercheurs postdoctoraux payés par des fonds de recherche détenus et administrés par leur établissement (comme des subventions versées à leur superviseur ou des bourses remises par l’établissement). Ces chercheurs contestent de plus en plus les politiques des établissements en s’adressant à l’Agence du revenu du Canada pour qu’elle se prononce sur leur admissibilité à l’assurance-emploi, en faisant pression auprès des établissements et des gouvernements, ainsi qu’en lançant des campagnes de syndicalisation afin d’obtenir le statut d’employé et le droit de négocier collectivement par l’intermédiaire des commissions provinciales des relations de travail.
Jusqu’en 2010, ces démarches sont demeurées pratiquement vaines. Peu d’établissements ont accordé le statut d’employé aux chercheurs postdoctoraux financés à l’interne. Les commissions des relations de travail ont seulement reconnu le droit à la syndicalisation aux chercheurs postdoctoraux qui avaient déjà le statut d’employé. De plus, la Cour canadienne de l’impôt a statué à deux reprises que les chercheurs postdoctoraux étaient des étudiants plutôt que des employés dans le cadre d’appels de décisions rendues par l’Agence du revenu du Canada (Bekhor, 2005; Naghash, 2005), et les gouvernements fédéral et provinciaux ont tout simplement ignoré la question.
Le vent a cependant tourné en 2010, après que le gouvernement de Stephen Harper se fût finalement prononcé sur le statut des chercheurs postdoctoraux aux fins de l’impôt. Rejetant les décisions antérieures de la Cour canadienne de l’impôt et des commissions des relations de travail, le gouvernement a proclamé que les chercheurs postdoctoraux sont des travailleurs, et non des étudiants, et sont donc tenus de payer leur juste part de l’impôt sur le revenu, peu importe leur source de revenus.
Enfin, une position claire
Cette décision aurait très bien pu clore le débat, mais le gouvernement a choisi de fermer les yeux sur le fait que la plupart des chercheurs postdoctoraux se voyaient régulièrement refuser les avantages prévus par la loi pour les travailleurs canadiens. Il n’a à peu près pas modifié la Loi sur le revenu, sauf pour s’assurer que les chercheurs postdoctoraux ne puissent plus se prévaloir des allègements fiscaux consentis aux étudiants. La question de la situation d’emploi des chercheurs postdoctoraux s’est retrouvée entre les mains des tribunaux, qui se sont prononcés au cours des années qui ont suivi : la Cour canadienne de l’impôt a rendu deux décisions consécutives (et contraires à la précédente) selon lesquelles les chercheurs postdoctoraux financés à l’interne sont des employés (Chabaud, 2011; Caropreso, 2012), et les tribunaux du travail du Québec et de l’Ontario ont rendu des décisions phares (CUPE c UofT, 2012; SPODOC c UQAM, 2011; AFPC c EP 2013; Ndayizeye, 2012) qui ont mené à la syndicalisation d’un nombre record de chercheurs postdoctoraux. Dans la foulée de ces décisions, il est apparu évident que la Cour canadienne de l’impôt (dont les décisions orientent celles relatives au statut d’emploi de l’Agence du revenu du Canada) comme les commissions des relations de travail avaient finalement convenu que les chercheurs postdoctoraux, du moins ceux financés par leur établissement, étaient des employés.
Au cours des années qui ont suivi, les chercheurs postdoctoraux se sont vu peu à peu accorder le statut d’employé à l’échelle du pays, surtout grâce aux pressions qu’ils ont exercées et aux activités de syndicalisation qu’ils ont menées pour obtenir des changements à la loi des associations de chercheurs postdoctoraux en Alberta. Grâce à ces efforts, les chercheurs postdoctoraux sont aujourd’hui considérés comme des employés dans toutes les provinces, et la majorité des établissements (43 sur 65, selon mes calculs) où évoluent des chercheurs postdoctoraux – y compris les grandes universités de recherche, qui forment le groupe U15 – accordent le statut d’employé aux chercheurs postdoctoraux financés à l’interne. Malgré tout, certains établissements les considèrent encore comme des étudiants, des stagiaires ou encore des employés de leur superviseur (une façon peu subtile d’empêcher la syndicalisation).
Inutile de résister
Le présent article se veut un appel à l’action adressé aux établissements qui n’ont pas encore emboîté le pas et à leurs chercheurs postdoctoraux. L’immobilisme n’est plus une option. Les établissements qui s’entêtent à refuser le statut d’employé aux chercheurs postdoctoraux financés à l’interne leur refusent de façon évidente les avantages, les droits et les protections prévus par la loi. Si vous occupez un poste d’administrateur dans un de ces établissements, vous devez prendre des mesures immédiates pour corriger la situation. Autrement, il s’ensuivra une décision de l’Agence de revenu du Canada ou une campagne de syndicalisation, qui inévitablement se soldera par l’octroi du statut d’employé.
Si vous êtes un chercheur postdoctoral financé par l’un de ces établissements, je vous invite à soulever la question auprès de la direction et de vous battre pour vos droits si vous souhaitez qu’ils soient reconnus. Autrement, vous pourriez envisager sérieusement de trouver un poste de chercheur postdoctoral ailleurs. En 2020, vous méritez mieux qu’un établissement qui prétend reconnaître votre valeur tout en bafouant vos droits.
Joseph S. Sparling est conseiller et analyste politique indépendant titulaire d’un doctorat en neurosciences de l’Université de la Colombie-Britannique. Il a siégé pendant près de quatre ans au conseil de direction de l’Association canadienne des stagiaires postdoctoraux, et en a été le président pendant deux mandats consécutifs.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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