Une période de transition permettait, du 30 octobre au 29 novembre, aux voyageurs qui n’étaient pas encore pleinement vaccinés de voyager s’ils présentaient une preuve de test moléculaire de dépistage de la COVID-19 valide effectué dans les 72 heures avant le voyage.
Or, depuis le 30 novembre, les voyageurs doivent impérativement être doublement vaccinés.
Conséquemment, les étudiants étrangers qui disposent d’un permis encore valide et qui souhaitent rentrer dans leur pays d’origine ou de résidence à la fin de leurs études doivent obligatoirement se faire vacciner.
En tant que professeure de droit des migrations au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal et directrice de l’Observatoire sur les migrations internationales, les réfugiés, les apatrides et l’asile (OMIRAS), j’apporterai un éclairage sur l’interdiction de quitter le pays à toute personne non vaccinée, imposée par le gouvernement du Canada.
Le droit de quitter un pays et de revenir dans le sien
L’un des engagements du Canada est « de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de la personne dont il est signataire », en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Le Canada a adhéré ou ratifié un bon nombre de textes internationaux qui garantissent le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Parmi ces textes, notons notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948.
Quitter un pays et revenir dans le sien représente un droit fondamental pour tout individu, indépendamment de ses origines ou de son statut, qu’il soit un ressortissant ou un étranger. Ce droit est repris dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Canada le 19 mai 1976, ainsi que dans d’autres textes internationaux, dont le plus récent est la Convention relative aux droits de l’enfant, auquel le Canada a adhéré en décembre 1991.
Il importe cependant de mentionner que ce droit comporte certaines limites. La question est de savoir si la décision prise par le gouvernement remplit les nombreuses conditions prévues par le Comité des droits de la personne, bien que les recommandations prises par ce mécanisme ne soient pas juridiquement contraignantes.
Limiter les déplacements à partir du Canada
Le gouvernement détient bel et bien le pouvoir de limiter la circulation des personnes en temps de pandémie. Toutefois, ce pouvoir étatique doit s’exercer conformément aux obligations internationales du Canada qui découlent de la ratification des instruments universels relatifs aux droits de la personne.
Le Canada ne devrait restreindre le droit de quitter le pays des étudiants étrangers dans un contexte de pandémie, en accord avec le PIDICP, que si les restrictions sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.
Je suis évidemment d’avis que l’on devrait chercher à éviter chaque cas de contamination, afin de lutter le plus efficacement possible contre la propagation de la pandémie. Or, cette mesure va-t-elle répondre au principe de proportionnalité, qui stipule que le gouvernement ne peut limiter la liberté des citoyens que dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics et qu’il doit assurer en priorité la garantie des droits fondamentaux? Qui plus est, constitue-t-elle la seule mesure afin de permettre au Canada d’atteindre ses objectifs d’éradication ou de contrôle de la pandémie?
Une question de compromis
Cette restriction engendre des incidences sur les étrangers. Tout d’abord, il importe de réfléchir au caractère illégal qui pourrait découler de leur rétention sur le territoire au-delà de la durée légale de leur permis d’études, d’autant plus qu’ils disposent de 90 jours pour le renouveler (demande de rétablissement du statut).
De cette question découle celle des frais de renouvellement de leur permis d’étude. Incomberait-il aux étudiants de les payer, puisqu’ils expriment une volonté de retourner dans leur pays, renonçant par conséquent à renouveler leur permis d’études?
Ultimement, le gouvernement ne dispose-t-il pas d’autres moyens afin de permettre à ces étudiants étrangers de rentrer chez eux tout en préservant la santé et la sécurité des Canadiens? Il est utile de rappeler que des balises sont déjà en vigueur pour encadrer la libre circulation en temps de COVID-19 au-delà des vaccins, notamment via les tests PCR, les mesures barrières et de distanciation et le port du masque.
Il me semble que le gouvernement dispose donc de moyens pouvant limiter la propagation de la pandémie sans faire usage d’une interdiction de quitter le territoire.
Cette perspective représente une alternative et permettrait de répondre aux impératifs de proportionnalité entre la mesure d’interdiction et le résultat escompté, limiter la propagation de la pandémie. Autrement dit, les étudiants concernés par cette mesure pourraient rentrer chez eux à condition de respecter les balises en vigueur.
Cette solution éviterait de porter la mesure d’interdiction devant les tribunaux (test des tribunaux). Ce test exigerait du gouvernement de remplir les conditions de la Charte canadienne des droits et libertés et de justifier par la prépondérance des probabilités, le caractère raisonnable de la règle de droit.
Dès lors, les solutions alternatives s’imposent au regard de ces étudiants, à mon avis. Il importe ainsi que les autorités canadiennes tiennent compte de la particularité de ces étudiants qui ont terminé leurs études et qui doivent rentrer dans leurs pays d’origine ou de résidence dans l’application de cette mesure d’interdiction de quitter le Canada.
Ndeye Dieynaba Ndiaye est professeure de droit des migrations à l’Université du Québec à Montréal.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.