Recherche fondamentale ou appliquée : un faux débat

Les investissements en recherche, quel qu’en soit le type, donnent lieu à des découvertes importantes à court et à long terme.

22 mai 2018

Lorsque Frederick Banting et Charles Best ont découvert l’insuline, personne n’a hésité à les porter aux nues. Ce moment historique est immédiatement devenu une source de fierté, et le prix Nobel qu’ils ont remporté est venu confirmer cet avis!

Quelques années plus tard, en 1972, Saran Narang a peaufiné la production de gènes synthétiques dans un laboratoire du Conseil national de recherches Canada. L’insuline synthétique a ainsi pu être créée, ce qui a sauvé de nombreuses vies et contribué à la prospérité des sociétés pharmaceutiques. Cette découverte relevait-elle de la science fondamentale ou appliquée? La question n’a pas d’importance : les deux projets ont nécessité des expérimentations, qui ont à leur tour entraîné des découvertes ayant une fonction concrète.

Dans son laboratoire de l’Université Dalhousie, à Halifax, Jeff Dahn cherche à concevoir une pile plus légère et durable à moindre coût en s’appuyant sur les principes fondamentaux de la chimie.

À Ottawa, des physiciens nucléaires améliorent l’imagerie médicale. Des physiciens théoriciens qui s’intéressent à l’origine de l’univers savent que leurs travaux ont des applications dans les domaines de la mécanique quantique et du stockage de l’énergie.

Dans un laboratoire d’impression 3D au Collège Seneca, des chercheurs fabriquent des modèles d’organes sur lesquels les médecins peuvent s’exercer avant d’effectuer des chirurgies. Ils découvrent également des techniques et des matériaux supérieurs, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles possibilités.

Quelle est la différence entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée? L’une est probablement plus concrète que l’autre. La découverte peut être le sous-produit, parfois accidentel, ou encore l’objectif principal d’une expérimentation. Les deux types de recherche nécessitent des laboratoires, de l’équipement, une préparation réfléchie et de l’expérimentation. Les résultats sont impossibles à prévoir.

La principale différence entre les deux types de recherche est probablement l’échéancier. Généralement, en recherche dite appliquée, des résultats sont attendus dans un délai mesurable et plutôt court. Tant en science fondamentale qu’appliquée, les probabilités de réussite augmentent lorsque le problème et les paramètres de la recherche sont clairement définis. Un scientifique qui fait des essais sur des métaux sait que l’un d’entre eux servira à créer des aéronefs plus légers. D’autre part, même si un généticien connaît son objectif, trouver le bon gène pourrait lui prendre 20 ans. (Si ce délai était raccourci grâce à des ordinateurs puissants et perfectionnés, considérerait-on qu’il s’agit d’un autre type de recherche?)

Les chercheurs en science fondamentale n’ont-ils donc aucune idée de ce qu’ils cherchent? C’est peu probable, car un scientifique doit définir son projet avant même de mettre le pied au laboratoire, même s’il risque d’obtenir des résultats inattendus. L’héparine, un anticoagulant, a été découverte en 1916 par Jay McLean et William Henry Howell, un étudiant et un professeur qui cherchaient un agent coagulant. La substance a ensuite été mise de côté pendant longtemps, jusqu’à ce que quelqu’un s’intéresse aux anticoagulants.

Les deux types de recherche n’ont par ailleurs pas toujours les mêmes sources de financement. Lors de la remise des prix Gairdner en 2017, Huda Zoghbi, directrice du Centre de recherche en neurologie Jan and Dan Duncan de l’Hôpital pour enfants du Texas et chercheuse à l’Institut médical Howard Hughes, a remercié ceux qui avaient patiemment investi dans ses travaux. Elle a ajouté qu’il lui avait fallu 13 ans pour obtenir les résultats nécessaires à la compréhension d’une maladie, et que ceux-ci pourraient éventuellement mener à un traitement ou à un remède. Ceux qui se serviront de sa découverte pour trouver ce remède méritent-ils moins leur titre de scientifique? Leurs résultats seront-ils moins importants?

La recherche est importante. Les sommes qu’on y investit sont un premier pas vers des développements sociaux et économiques majeurs. Que la recherche soit fondamentale ou appliquée ne change rien : elle doit avant tout être originale et menée avec brio. Cessons de nous soucier de la terminologie. Ce faux débat est peut-être un sujet de conversation intéressant, mais il ne sert en rien notre objectif commun.

Roseann O’Reilly Runte est présidente-directrice générale de la Fondation canadienne pour l’innovation.

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