Diffuser la recherche au féminin dans la presse francophone
Les lettres d’opinion d’universitaires pullulent dans les médias grand public. Mais pour être publié, il faut oser s’exprimer, et pour diversifier les points de vue, il faut délier les voix souvent sous-représentées.
Cet hiver, Maïka Sondarjee s’est donné pour mission de rejoindre 400 femmes universitaires à travers le Québec et dans les provinces où le français minoritaire cohabite tacitement avec l’insécurité linguistique. À travers un atelier d’initiation à l’écriture de textes d’opinion, la professeure agrégée à l’École de développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa, offre à une relève francophone ciblée un espace d’expression et de valorisation des savoirs.
Les chiffres expliquent en partie cette démarche : les femmes sont plus frileuses que leurs homologues masculins à accepter les demandes d’entretiens des journalistes. Au cours de la dernière année, en moyenne 27 % des personnes expertes citées dans la presse étaient des femmes. Radio-Canada, le diffuseur public, n’a consulté qu’un tiers de femmes, toujours selon le Radar de Parité conçu par Perspectives Plurielles, qui chapeaute aussi l’atelier.
« On a l’impression que participer au débat public peut nuire à notre profil académique, constate la conférencière. Or, publier dans les médias est une bonne carte de visite pour sa carrière universitaire et en général ». La démarche, argumente-t-elle, est de plus en plus valorisée par les institutions qui voient leur établissement briller dans la presse.
Mme Sondarjee, souligne que Perspectives Plurielles vise la parité des intervenants qui s’expriment dans les médias. L’entité gère également un répertoire d’expertes, destiné aux journalistes, et composé de 13 % de personnes francophones (pour le moment) et de 19 % de personnes bilingues.
Réduire l’écart de genre
Le manque de représentations variées dans les médias fait obstacle à l’émergence d’une relève diversifiée, observe la conférencière.
Pour déconstruire cette conception traditionnelle et androcentrée de l’expertise, l’atelier gratuit s’adresse aux universitaires francophones femmes et personnes issues des minorités de genre, réunies dans leur pluralité d’âges, d’origines, de handicaps et de disciplines.
Ce cadre non mixte est volontaire. « Il faut bien plus souvent rappeler aux femmes leur valeur qu’aux hommes », souligne Mme Sondarjee, qui a déjà animé cette formation devant un public mixte.
Pendant deux heures, dans une ambiance studieuse et interactive, l’enseignante incite les participantes à croire en leurs compétences dans leurs domaines de recherche. Ce concentré d’informations a parlé à Lara Nehme, une étudiante de la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal, dont le syndrome de l’imposteur s’est estompé à la sortie de l’atelier donné en novembre.
« J’aimerais, dit-elle d’un ton assuré, que mes études, mes observations et mon expérience professionnelle soient connues pour créer un dialogue plus positif et bienveillant à l’égard des personnes immigrantes. » Elle espère, très bientôt, publier le début d’une série d’articles qui animeront les débats publics.
Forte de son parcours de communicatrice scientifique et médiatique, Mme Sondarjee transmet les bases d’un article journalistique et donne des astuces pour bien recadrer un sujet d’article afin qu’en quelques lignes il suscite l’intérêt d’un média. La mentore n’hésite pas à encourager la relève à persévérer pour trouver sa niche dans l’écosystème médiatique. Elle confie même qu’à ses débuts, il y a quatre ans, il lui fallait plus de deux jours pour la rédaction bénévole d’un article. Et, avant sa résidence au Devoir, elle partait à la pêche aux médias sans que plusieurs de ses idées ne trouvent jamais preneur. Aujourd’hui, l’exercice lui en demande 2h30 et elle est rémunérée pour ses prises de paroles encrées dans la rubrique Opinion du même journal.
L’atelier ambulant près de chez vous
L’atelier voyage et se tiendra en février au Campus Saint-Jean, à Edmonton.
« C’est important de voir des femmes francophones à travers le pays qui s’expriment et qui sont capables de vulgariser leurs travaux scientifiques parce que ça enrichit vraiment le contenu médiatique », défend Valérie Lapointe Gagnon, une professeure agrégée en histoire sur ce même campus albertain.
Désormais régulière au micro de Radio-Canada, Mme Lapointe Gagnon a fait ses premiers pas dans l’arène médiatique en écrivant des lettres d’opinion dans le journal La Presse. Non sans mal et sans concessions. Elle a dû renoncer aux « phrases interminables » propres aux publications scientifiques de 10 000 mots et se conformer à des textes vulgarisés de 800 mots de vocabulaires courants.
Les articles d’opinions, dit-elle, sont « une occasion unique de faire connaître notre recherche » à un plus grand public que dans les salles de cours.
Postes vedettes
- Sociologie - Professeure adjointe ou professeur adjoint (féminismes, genres et sexualités dans les mondes noirs, africains et caribéens)Université de Montréal
- Aménagement - Professeure adjointe / agrégée ou professeur adjoint / agrégé (design d’intérieur)Université de Montréal
- Études culturelles - Professeure ou professeurInstitut national de la recherche scientifique (INRS)
- Sciences de la terre et de l'environnement - Professeure adjointe ou professeur adjoint (hydrogéologie ou hydrologie)Université d'Ottawa
- Architecture - Professeure adjointe ou professeur adjoint (humanités environnementales et design)Université McGill
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