À l’heure actuelle, 41 pour cent des demandes de mesures d’accommodement aux examens que reçoit l’Université de l’Alberta portent sur l’obtention de temps supplémentaire et sont liées à la santé mentale. Dans un article d’opinion publié en août dernier dans le National Post et dans un article savant paru en 2016 dans le Education and Law Journal, Bruce Pardy, professeur de droit à l’Université Queen’s, soutient que ces demandes sont illégitimes et ne devraient pas être accordées parce qu’elles font pencher la balance au détriment des meilleurs étudiants. Il compare les tests et les examens à des sprints, où il serait absurde d’accorder du temps supplémentaire ou donner une longueur d’avance à certains coureurs en raison d’un handicap. Si M. Pardy cerne un problème important, la solution qu’il propose n’est pas la bonne. Accorder du temps supplémentaire aux étudiants aux prises avec des problèmes de santé mentale lors d’examens n’est pas l’unique solution, et pour des raisons bien différentes de celles qu’il évoque. Dans un article percutant publié dans le Huffington Post, le commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne, Renu Mandhane, couvre les aspects essentiels de cet argumentaire. Permettez-moi d’y ajouter le point de vue du milieu universitaire.
En ce qui concerne les évaluations de rendement des étudiants, y compris les tests et les examens, ce n’est pas le fait que certains étudiants aient droit à plus de temps en raison de leur handicap qui pose problème. C’est plutôt le fait que dans de nombreux cas, les étudiants sont assujettis à des restrictions de temps artificielles et inutiles qui créent des obstacles pour les étudiants qui seraient autrement en mesure de démontrer qu’ils possèdent les compétences de base dans un domaine donné. Voilà ce que j’appelle de la discrimination illégitime.
Il existe certainement des domaines et des situations où la capacité de prendre des décisions rapidement et sous pression est une habileté essentielle qui doit être évaluée, par exemple en soins infirmiers. Or, dans la plupart des domaines, la capacité d’effectuer une tâche rapidement n’est tout simplement pas une compétence de base qu’il convient d’évaluer et en fonction de laquelle les étudiants doivent être notés.
La plage horaire de deux ou trois heures prévue pour rédiger les examens finaux à l’université découle à la fois de la tradition, de la structure des trimestres et de la logistique entourant l’évaluation de dizaines de milliers d’étudiants au cours d’une période déterminée. Dans la plupart des disciplines, le format typique des examens présente des obstacles inutiles à la participation, car il repose sur l’évaluation d’habiletés qui ne sont pas au cœur de la formation des étudiants. Bien souvent, ce n’est pas la rapidité avec laquelle l’étudiant atteint la ligne d’arrivée qui importe, mais plutôt sa capacité à l’atteindre et la façon dont il s’y prend. Dans cette optique, le saut à ski est une bien meilleure analogie avec les examens que le sprint, car il allie la performance brute (la distance du saut) à l’évaluation (la forme du corps). La vitesse avec laquelle le sauteur parcourt la distance est dictée par la physique et n’est pas pertinente pour l’évaluation ou le classement.
Dans la réponse à M. Pardy qu’ils ont publié dans le National Post, Benjamin Berger et Lorne Sossin, respectivement vice-doyen et doyenne aux affaires étudiantes à l’École de droit Osgoode Hall de l’Université York, soulignent l’importance de concevoir des évaluations à la portée de tous. Ils avancent l’idée que les obstacles ne sont pas propres aux individus, mais à l’environnement, et que des environnements adéquatement conçus éliminent les obstacles inutiles.
Comme l’affirme à juste titre M. Pardy, il est parfaitement légitime, en milieu universitaire, de se concentrer sur les compétences de base dans un domaine. Les évaluations comme les tests et les examens doivent ainsi être axées sur ces compétences et non pas porter sur des habiletés accessoires comme celle de terminer rapidement un travail (ou celles de rester assis avec un grand groupe ou de lire une police de caractères de 12 points) alors qu’elles ne sont pas au cœur du sujet.
Il ne s’agit pas de refuser d’accorder du temps supplémentaire à certains étudiants, mais d’évaluer la rapidité d’exécution uniquement lorsqu’il s’agit d’une compétence de base (et nous devrions discuter de l’incidence de cette décision avec tous les étudiants, non seulement avec ceux qui bénéficient d’une mesure d’accommodement). Pour concevoir des évaluations axées sur les compétences de base, il faudra cependant entamer une discussion qui n’a pas encore eu lieu. Les enseignants devront faire preuve de créativité dans l’élaboration des examens, et les administrateurs, de souplesse dans la logistique et l’organisation. Mais surtout, les professeurs devront s’entendre sur les compétences de base à évaluer dans leur domaine.
La mesure d’accommodement qui consiste à accorder du temps supplémentaire existe encore, car on a jusqu’à présent évité d’en discuter. Les examens à choix multiples en trois heures dans des gymnases sont-ils la meilleure façon d’évaluer le rendement des étudiants? Ils sont certainement le moyen le plus pratique pour nous. Devant la marée de demandes de mesures d’accommodement, nous avons modifié le système d’évaluation pour qu’il convienne aux enseignants, aux administrateurs et aux employeurs plutôt qu’aux besoins des étudiants en matière d’apprentissage. Il est temps d’amorcer la discussion.
Andre Costopoulos est vice-provost et doyen aux affaires étudiantes à l’Université de l’Alberta.