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Les universités luttent contre les changements climatiques via leurs investissements

Un effort collectif est mené afin que les entreprises dans lesquelles les universités investissent rendent des comptes et respectent les objectifs de développement durable.

par SHARON ASCHAIEK | 11 MAI 21

Alors que la crise climatique est à nos portes, plusieurs universités canadiennes ont décidé de mettre de la pression sur les entreprises non durables, en leur parlant d’argent.

Le Réseau universitaire pour l’engagement actionnarial (UNIE) regroupe 10 universités canadiennes qui misent sur le poids de leurs investissements combinés pour contraindre les entreprises dans lesquelles elles investissent à développer un modèle durable. Lancée en février par l’organisme à but non lucratif Shareholder Association for Research Education (SHARE), l’initiative vise à encourager les entreprises faisant partie des portefeuilles des universités à réduire leurs émissions, conformément à l’Accord de Paris de 2016.

Petit établissement situé à Sackville, ville rurale de 5 000 habitants dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, l’Université Mount Allison est membre du réseau UNIE. En 2017, cette université d’arts libéraux a actualisé sa politique de placement. Les décisions touchant son fonds de dotation (environ 200 millions de dollars actuellement) prennent désormais en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les gestionnaires d’actifs externes doivent veiller à ce que les placements n’accentuent pas les risques financiers liés aux changements climatiques, aux émissions de gaz à effet de serre (GES), à l’épuisement des ressources, au gaspillage, à la pollution et à la déforestation. L’adhésion de l’établissement au réseau UNIE lui donne accès à une expertise en la matière.

« Nous voulions axer davantage nos placements sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, mais dans un petit milieu comme le nôtre, les professionnels de la finance sont tous des généralistes, indique Robert Inglis, vice-recteur aux finances et à l’administration de l’établissement. Adhérer au réseau UNIE était un excellent moyen d’atteindre nos objectifs de placements sans devoir compter sur des professionnels spécialisés. »

Même son de cloche du côté du Régime de retraite de l’Université de Montréal (RRUM), comptant 14 078 membres et dont la caisse représente 4,8 milliards de dollars d’actifs, qui fait partie depuis peu du réseau UNIE. La directrice de la gestion des placements de l’Université de Montréal, Andrée Mayrand, se dit cependant satisfaite jusqu’à présent de sa participation à l’initiative et rappelle que le RRUM avait déjà posé des gestes significatifs dans le passé.

« On avait établi il y a plusieurs années une politique en matière d’investissements responsables qui avait deux grands volets. Le premier concernait les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans l’analyse des titres […] L’autre volet était l’engagement actionnarial », souligne-t-elle.

Mme Mayrand indique également qu’il arrivait que le RRUM fasse des interventions auprès d’entreprises, mais que ce n’était pas vraiment viable. « Nous avons décidé d’être un peu plus actifs en se joignant au réseau UNIE, parce qu’à notre taille, faire des interventions auprès de sociétés peut s’avérer coûteux. »

Les membres du réseau UNIE paient des frais fixes proportionnels à la valeur de leurs placements. Ils ont ainsi accès aux services d’investissement de la SHARE, qui travaille depuis 2000 avec des établissements postsecondaires, des fondations, des églises et d’autres investisseurs institutionnels canadiens.

La SHARE appelle directement les entreprises nord-américaines dans lesquelles les membres du réseau UNIE investissent à réduire leurs émissions de GES, à remédier aux conséquences de la pollution et à privilégier des sources faibles en carbone. Elle plaide aussi pour une réglementation plus efficace de l’industrie afin de lutter contre les changements climatiques.

Selon Kevin Thomas, président-directeur général de la SHARE, celle-ci cherche des solutions afin que les entreprises modifient leurs politiques ou pratiques qui dégradent l’environnement. Par exemple, la SHARE peut leur transmettre de l’information sur des pratiques à la fois durables et rentables d’entreprises similaires. En l’absence de dialogue constructif, ajoute M. Thomas, elle peut encourager un membre à formuler une proposition d’actionnaire visant une mesure de durabilité précise.

Le réseau UNIE figure parmi les acteurs de la récente vague d’actions pour le climat menées par les établissements d’enseignement supérieur du monde entier. En juin dernier, 15 universités du pays ont signé la Charte des universités canadiennes pour des placements écoresponsables à l’heure des changements climatiques. L’une des quatre grandes obligations qu’elle impose consiste à respecter les Principes pour l’investissement responsable appuyés par les Nations Unies. En plus de plaider pour des placements qui contribuent à la durabilité, les universités ont œuvré au changement dans le cadre d’initiatives comme la Coalition universitaire sur les changements climatiques, créée en 2018 pour accélérer la mise en œuvre de solutions locales en faveur du climat. Elles ont aussi lancé en avril dernier l’Alliance universitaire internationale des universités pour le climat, qui regroupe 48 universités menant des travaux de recherche essentiels sur le climat pour appuyer les décideurs et les dirigeants d’entreprises.

« Les changements climatiques sont l’enjeu de l’heure. Il est normal que les universités collaborent à lutter contre ce problème qui les concerne toutes », affirme Betsy Springer, directrice de la gestion du fonds de pension de l’Université Carleton.


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Mme Springer gère ce fonds de 1,5 milliard de dollars, mais aussi le fonds de dotation de 300 millions de dollars de l’établissement, qui a adopté en 2010 une politique d’investissement responsable. L’adhésion de l’Université Carleton au réseau UNIE contribue à faire d’elle un investisseur actif, estime Mme Springer, qui, avec son équipe, soumet les gestionnaires d’actifs à une enquête approfondie et fixe des normes en matière d’investissement responsable. Elle ajoute que cette adhésion permet à l’établissement de répondre aux préoccupations croissantes de ses intervenants concernant les changements climatiques, que partage le monde entier : selon un sondage international mené en mars 2021 par l’UNESCO auprès de plus de 15 000 personnes, 67 pour cent des répondants voient les changements climatiques et le recul de la biodiversité comme étant le défi le plus pressant de l’humanité.

« Les changements climatiques représentent le problème au sujet duquel nos intervenants, en particulier nos étudiants, professeurs et membres du personnel, nous interrogent le plus, précise Mme Springer. Ils ont soif d’information. Plus les détenteurs d’actions d’entreprises diront clairement qu’ils souhaitent que les choses évoluent, plus il est probable qu’un changement se produira. »


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La SHARE travaille à des objectifs précis pour ses activités de promotion de l’investissement responsable, dont elle rendra compte trimestriellement aux membres du réseau UNIE. C’est important, selon Andrew Coward, trésorier de l’Université de Victoria, qui compte un fonds de dotation de 500 millions de dollars et un fonds d’investissement de 225 millions de dollars gérés par le réseau UNIE. L’établissement s’est fixé pour objectif de réduire d’au moins 45 pour cent d’ici 2030 l’intensité des émissions de carbone liées à ses placements. En février, il a aussi mis fin à tous ses placements associés aux combustibles fossiles. Selon M. Coward, il est essentiel d’informer la communauté de l’établissement des progrès accomplis, car les changements climatiques se répercutent sur tous.

« L’une des principales missions du réseau UNIE consiste à communiquer de manière ouverte et transparente pour démontrer aux intervenants l’incidence que nous avons sur la crise climatique, affirme M. Coward. Le système économique doit passer par la décarbonisation, et c’est en encourageant ensemble les entreprises à réduire leurs émissions sans sacrifier leur rentabilité que nous aiderons à y parvenir. »

Avec la collaboration d’Émile Bérubé-Lupien.

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