Évaluations inefficaces ou comment perdre temps et argent
Nous aurions avantage à nous attarder à la raison d’être d’un processus et à sa capacité à atteindre le but souhaité.
Après 11 mois à présider notre comité de recherche départemental, je comprends beaucoup mieux la charge administrative des processus décisionnels universitaires. Évidemment, il s’agit de mon expérience individuelle, et chaque université fonctionne différemment, mais je tenais à partager quelques réflexions qui pourraient intéresser les lecteurs. Je serais aussi bien curieux d’en savoir plus sur les solutions trouvées dans d’autres établissements. Avec le temps qui se fait toujours plus rare, il est primordial de se pencher sur les tâches et procédés qui nous occupent et de se questionner sur leur pertinence – qui fait souvent défaut.
Le coût de la perfection
Dans de nombreuses universités, l’un des budgets à administrer concerne l’appui aux nouvelles activités de recherche. Dans un monde idéal, les demandeurs de fonds expliqueraient avec moult détails leurs besoins et la pertinence d’un soutien financier, puis le tout serait soumis à une évaluation par un comité d’experts, comme le font les programmes de subventions nationaux. Ce faisant, la démarche pour le dépôt permettrait aussi de se préparer à des demandes de financement externes – brillant, non? Pour la plupart des universités, là où il y a du sable dans l’engrenage, c’est lorsque vient le temps de choisir qui évaluerait la distribution des fonds. Dans la majorité des cas, il serait en effet ardu de rassembler un comité avec l’expertise appropriée pour procéder à l’évaluation de la proposition de recherche, ce qui se traduirait, potentiellement, par de colossales pertes de temps et des priorités malavisées. Devant un processus si lacunaire, on peut se demander à quoi pourrait bien servir d’exiger des demandes de financement si détaillées, quand elles ne seront, fort probablement, pas évaluées par un expert. Si l’idée est d’améliorer les chances d’obtenir un financement externe plus tard, il vaut mieux trouver une manière de faire appel à des experts externes, plutôt que de se leurrer avec un comité non spécialisé qui ne peut pas accomplir la tâche.
Quand le budget de l’évaluation dépasse le budget offert
Les budgets des universités réservés au financement interne de la recherche ou à un usage stratégique ne sont généralement pas comparables aux fonds externes (en argent ou en temps), on doit s’en souvenir lorsqu’on met en place une procédure de distribution des fonds. Pour un groupe de huit professeurs, qui passent cinq heures à lire des soumissions et une heure à en discuter, en plus des huit heures de travail effectuées par du personnel administratif pour organiser le tout et établir le système d’évaluation, on atteint facilement un minimum de 15 000 à 25 000 dollars en salaires. Il est difficilement justifiable, si le montant accordé n’excède que de peu cette somme, de réaliser un tel processus, surtout que ce calcul de coin de table ne prend pas non plus en compte le temps de travail des candidats.
Faire simple, c’est mieux faire
À la lumière de ces réflexions, nous avons facilité et simplifié certains de nos processus de demande et d’évaluation, ce qui se traduit souvent par un simple 100 à 200 mots à rédiger sur la pertinence de la recherche, les priorités stratégiques, etc. Ces soumissions peuvent être préparées et évaluées par plus de personnes, plus rapidement, et ont l’avantage de bénéficier des réflexions stratégiques des généralistes, en plus de libérer du temps de travail et des fonds pour d’autres projets. Qui plus est, les chances de regretter une décision sont très faibles, considérant que les candidats sont des membres de l’établissement et que les budgets impartis visent à préparer le terrain pour de futurs développements, et non pas à révolutionner la carrière d’un chercheur. Jusqu’ici, nous avons reçu des échos positifs quant à cette approche, tant du côté des demandeurs que des évaluateurs.
L’histoire est garante d’un bon avenir
Certains pourraient se dire qu’il s’agit là d’un processus téméraire qui manque de supervision. Pour éviter de potentiellement mal investir les budgets, ce genre de procédé simplifié devrait comprendre une sorte de bilan sur l’usage des sommes distribuées. Il s’agit d’une mesure assez simple à mettre en place à l’interne, qui protégerait contre ceux qui ont tendance à ne pas livrer la marchandise. Dans ce contexte, les chercheurs en début de carrière, à la feuille de route éparse, ne doivent pas être pénalisés, mais on doit plutôt leur offrir le bénéfice du doute. Enfin, d’un point de vue administratif, l’analyse en profondeur d’une demande n’est effectuée rétrospectivement que pour les candidats sélectionnés, plutôt que de faire l’exercice pour l’ensemble des demandes, ce qui équivaut encore une fois à une économie de temps.
Arrêter de se tirer dans le pied
De manière générale, nous devons éviter de nous piéger nous-mêmes avec des procédés inutilement coûteux. Le principe ne se limite pas aux procédés d’évaluation du soutien à la recherche, et on trouve généralement des solutions en s’attardant à la raison d’être d’un processus et en évaluant s’il atteint les objectifs. Mettre temps et argent pour viser la perfection équivaut souvent à ne pas tout accomplir. Finalement, entre un mauvais brossage de dents ou ne pas se les brosser du tout, mieux vaut la première option.
David Kent est chercheur principal à I’Institut de recherche biomédicale de l’Université de York, au Royaume-Uni. Formé à l’Université Western et à l’Université de la Colombie-Britannique, il a ensuite passé dix ans à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, où il a dirigé son propre groupe de recherche jusqu’en 2019. Ses travaux portent essentiellement sur la biologie fondamentale des cellules souches du sang et sur la manière dont leur dérèglement provoque des cancers. M. Kent œuvre depuis longtemps à l’information et à la sensibilisation du public, comme en atteste la création de son blogue The Black Hole en 2009.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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