Lutte contre les changements climatiques : un appel à aller au-delà du défaitisme et du solutionnisme
Les étudiant.e.s devront être accompagné.e.s pour développer la persévérance, la résilience et la rigueur intellectuelle et relationnelle nécessaires pour affronter ces défis complexes.
Lors d’une rencontre sur les changements climatiques en juillet dernier, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a averti l’humanité qu’elle devra choisir entre « une action collective ou un suicide collectif ».
L’éducation a longtemps été considérée comme l’un des principaux moyens de mobiliser une « action collective », mais la définition d’éducation responsable dans le contexte de l’actuelle urgence climatique et naturelle ne fait pas consensus. Si bon nombre de professeur.e.s considéraient jadis l’éveil des consciences comme leur principale responsabilité, la préparation des jeunes appelé.e.s à évoluer dans un monde en plein réchauffement requiert une part croissante de leur attention.
Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les feux de forêt, les canicules, les sécheresses et les inondations, sont de plus en plus fréquents partout dans le monde, et ils entraînent un sentiment généralisé d’anxiété climatique. Des stratèges ainsi que des chercheuses et des chercheurs de différentes disciplines réclament donc le retour à l’espoir dans l’éducation, et ce, de la maternelle aux études postsecondaires. Bon nombre de ces gens proposent que nous nous concentrions sur les solutions pour faire contrepoids au « défaitisme climatique », ou l’attitude fataliste selon laquelle il est trop tard pour éviter la catastrophe.
Ce sentiment est légitime, mais il mérite néanmoins qu’on s’y attarde un peu.
Le risque de reproduire le colonialisme
Phénomène relativement récent, le défaitisme climatique a été qualifié par des critiques de pendant du déni climatique, en cela que les deux positions mènent à l’inaction. Des chercheurs et chercheuses en communications considèrent donc le défaitisme comme l’une des quatre réactions d’attentisme climatique qui créent une impasse ou l’impression que des obstacles insurmontables empêchent le passage à l’action.
Il y a pourtant lieu de remettre en question une orientation pédagogique visant à promouvoir une vision idéaliste de l’action et de l’espoir. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat reconnaît ce que les savant.e.s et les activistes autochtones savent depuis longtemps : le colonialisme contribue pour beaucoup à la crise climatique. Plusieurs intervenant.e.s nous prient d’éviter de reproduire le colonialisme par nos actions visant à contrer la crise climatique, comme d’autres initiatives bien intentionnées, par exemple Live Aid, l’ont fait.
Le colonialisme a d’innombrables conséquences délétères, mais les scientifiques indiquent qu’il influence aussi notre façon d’imaginer, d’espérer et d’anticiper, souvent en raison de formes coloniales d’éducation. Les pédagogies dominantes présentent l’espoir comme l’image d’une « meilleure vie » qu’une personne doit imaginer, puis tenter de concrétiser. Or, si nous tentons d’imaginer l’avenir en fonction de notre situation actuelle, nous serons probablement limité.e.s par les cadres de référence néfastes et invivables qui la façonnent – ces mêmes cadres qui ont créé l’urgence climatique et naturelle. En particulier, nous nions souvent le coût de notre avenir imaginé sur les autres personnes et la planète, fermant les yeux sur les dommages sociaux et écologiques dont nous sommes complices, et rejetant nos responsabilités.
Le solutionnisme favorise le déni de la complexité et de la complicité
Ne négligeons pas non plus les risques posés par le solutionnisme, ou le désir de solutions claires, simplistes et garanties. Pour régler la crise climatique et naturelle, on propose souvent des solutions scientifiques et techniques (ce qu’on appelle le « solutionnisme technique »). Peu importe le domaine, le solutionnisme peut mener à l’évitement des complexités, des incertitudes et des ambiguïtés qui font partie intégrante des problèmes vicieux (appelés wicked problems en anglais) comme les changements climatiques. Il nous empêche ainsi de modifier notre façon d’interagir avec l’environnement, les autres personnes et les autres espèces, ce qui, selon bon nombre d’analyses autochtones, représente le cœur du problème, que ne pourra régler la science ou la technologie occidentale.
Il ne fait aucun doute que ces messages d’espoir et ces solutions définitives partent de bonnes intentions; mais si on a appris en tant qu’étudiant.e que les grands défis sont faciles à résoudre, une fois confronté.e à leur véritable complexité, on se sent démotivé.e, impuissant.e, désillusionné.e, submergé.e et démuni.e. Ironiquement, c’est ce que les professeur.e.s tentent d’éviter en parlant d’espoir et de solutions.
Ces faux espoirs et ces solutions garanties peuvent représenter une forme de déni, qui exonère les étudiant.e.s et les professeur.e.s de la responsabilité d’entreprendre le travail difficile pour s’assurer d’un avenir véritablement différent et plus sage. Que suppose ce travail d’éducation favorisant la responsabilisation, et comment éviter les pièges tant du défaitisme que du solutionnisme?
Nous croyons que les étudiant.e.s devront être accompagné.e.s pour acquérir la persévérance, la résilience et la rigueur intellectuelle et relationnelle nécessaires pour affronter des défis pour lesquels il n’existe pas de solutions simples, universelles ou gratifiantes, mais plutôt des possibilités partielles, temporaires et contextuelles d’interventions imparfaites devant être continuellement réévaluées et révisées.
Les professeur.e.s comme les étudiant.e.s devront faire preuve d’assez d’honnêteté et d’humilité pour participer à des conversations difficiles et incriminantes visant à déterminer comment nous en sommes arrivé.e.s à la situation actuelle, comment reconnaître et réparer nos erreurs et en tirer des leçons, et comment tisser des relations fondées sur la confiance, le respect, la réciprocité et la responsabilisation. Plutôt que de s’accrocher à l’espoir d’un avenir idéalisé, nous pourrions miser sur la qualité et l’intégrité de relations réparatrices nouées dans le présent, qui nous outilleront collectivement à affronter tout problème vicieux se présentant à nous.
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la race, les inégalités et le changement mondial et de la chaire David Lam en éducation multiculturelle, Vanessa Andreotti est directrice par intérim de l’Institut Peter Wall d’études avancées, professeure au Département d’éducation de l’Université de la Colombie-Britannique et nouvelle doyenne de la Faculté d’éducation de l’Université de Victoria. Sharon Stein est professeure adjointe au Département d’éducation de l’Université de la Colombie-Britannique. Ninawa Huni Kui est chef héréditaire et président élu du peuple Huni Kui dans la région d’Acre en Amazonie au Brésil. Il est égaleemnt chercheur international autochtone à l’Institut Peter Wall d’études avancées de l’Université de la Colombie-Britannique.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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